En juin 2022, la NASA a confié l’un des projets les plus importants de sa feuille de route à Axiom et Collins Aerospace ; ces jeunes pousses spécialisées dans la conquête spatiale ont été chargées de concevoir une toute nouvelle génération de combinaisons spatiales pour remplacer les vieux scaphandres de l’agence. Aujourd’hui, Axiom et la NASA ont révélé le fruit de ce travail pour la première fois ; voici l’uniforme que porteront les astronautes de la génération Artemis.
La combinaison a été baptisée AxEMU (pour Axiom Extravehicular Activity Unit). Le premier élément que vous aurez certainement remarqué, c’est le coloris inhabituel de la combinaison présentée. Pour l’instant, elle ressemble encore plus à une combinaison de ski qu’à un vrai scaphandre spatial. Plutôt surprenant, sachant que les combinaisons spatiales doivent impérativement être très claires. Ce n’est pas du tout un choix cosmétique, mais une question de survie.
En effet, loin de l’atmosphère protectrice de la Terre, les rayons du Soleil deviennent de redoutables ennemis. Entre les radiations cancérigènes et la température infernale de la Lune lorsqu’elle est exposée (plus de 125 °C au soleil), la moindre exposition pourrait avoir des conséquences désastreuses. Il est donc fondamental d’utiliser un revêtement blanc, susceptible de réfléchir la plus grosse partie de ce rayonnement mortel.
Certes, les astronautes d’Artemis 3 aluniront près du pôle Sud, qui est plongé dans la pénombre en permanence. Mais ces combinaisons ont aussi vocation à remplacer les modèles actuels pour toutes les autres missions ; elles devront être polyvalentes. Le modèle final sera donc blanc, contrairement à cette version de présentation aux couleurs d’Axiom.
Un vaisseau spatial à forme humaine
Au-delà de la couleur, le développement d’une nouvelle combinaison est un processus fascinant en termes d’ingénierie. Pour la concevoir, Axiom s’est appuyée sur toute l’expertise acquise par la NASA sur les cinq dernières décennies d’exploration spatiale. Pas question de repartir de zéro, car le défi technique est immense.
Il faut commencer par concevoir tout un tas de sous-systèmes qui permettent aux astronautes de survivre dans le vide de l’espace. Cela implique notamment de gérer la communication, la température, la pression et l’équilibre des gaz respiratoires… et il y a encore des tas d’autres éléments critiques à prendre en compte.
Mais le plus difficile, c’est d’intégrer tout cela au sein d’une même structure. Car en substance, ce genre de combinaison est aussi un vaisseau spatial à part entière – à cela près qu’il doit être parfaitement adapté à la morphologie humaine… et surtout flexible ! Il ne doit pas seulement fonctionner ; il faut aussi qu’il permette à l’astronaute de se mouvoir sans trop de difficulté pour effectuer les tâches qui lui seront attribuées. Bonjour le casse-tête.
Pour illustrer à quel point il est difficile de cocher toutes ces cases, la NASA utilise souvent l’exemple des gants. Ce sont des éléments qui doivent être entièrement souples tout en restant parfaitement hermétiques et extrêmement résistants aux déchirures et à l’abrasion, puis qu’ils serviront directement à manipuler des outils et des matériaux. Un tiercé qui nécessite d’énormes efforts d’ingénierie.
Pour l’instant, Axiom n’a pas révélé beaucoup de détails techniques sur les matériaux et technologies impliquées. On sait simplement qu’elle sera construite en Mylar et en Kevlar, et que les ingénieurs ont eu recours à tout un éventail de techniques de fabrication qui vont de l’impression 3D à la couture traditionnelle.
Objectif mobilité
Mais dès que l’on pose les yeux sur ce nouveau modèle, on comprend instantanément qu’il s’agit d’une évolution considérable par rapport aux énormes scaphandres utilisés actuellement. En termes de mobilité, les AxEMU n’auront rien à voir avec ces vieilleries développées dans les années 1990.
« Cette combinaison permettra de se déplacer beaucoup plus facilement », explique Russel Ralston, responsable du département EVA chez Axiom. Les astronautes pourront « réaliser les mêmes tâches qu’à l’époque d’Apollo, et encore davantage, mais avec beaucoup moins de difficulté », se réjouit-il.
Et il n’y a pas que la structure et le système de support de vie qui ont été améliorés. Le célèbre casque a aussi eu droit à une grosse mise à jour. Il offrira un champ de vision étendu et une meilleure visibilité aux astronautes, grâce à un nouveau revêtement truffé de matériaux à la pointe de la technologie.
Les bottes ont aussi été entièrement repensées pour le sol lunaire. La semelle a été améliorée, et l’isolation a été renforcée pour protéger les pieds des astronautes du froid impitoyable qui les attend au Pôle Sud de la Lune.
L’autre évolution très importante concerne la forme de la combinaison. Auparavant, elles étaient uniquement conçues pour des morphologies masculines. Problématique, sachant qu’il est très difficile de manœuvrer dans une combinaison mal adaptée.
Or, la NASA intègre de plus en plus de femmes dans ses effectifs au fil des années. Axiom en a tenu compte lors de la conception. La firme sera en mesure de produire des combinaisons mieux adaptées à la morphologie féminine. Il était temps ! Pour l’anecdote, cette partie du programme a grandement bénéficié de la présence de Peggy Whitson. C’est une véritable superstar dans son domaine. Elle est tout simplement l’astronaute la plus expérimentée de l’histoire de la NASA. Elle s’est trouvé une place chez Axiom depuis sa retraite de l’agence fédérale, et cette collaboration a l’air de porter ses fruits.
Et maintenant ?
Pour l’instant, cette combinaison n’est pas encore parfaitement mature. La firme doit encore procéder à quelques ajustements et tests au célèbre Neutral Buoyancy Lab. Il s’agit d’une énorme piscine qui sert à simuler les conditions de la Lune. Elle est régulièrement utilisée pour l’entraînement des astronautes, mais aussi pour tester l’étanchéité et la manœuvrabilité de nombreux engins. Ce sont probablement des tests de ce genre qui attendent AxEMU lors des prochains mois.
Il ne reste plus qu’à patienter jusqu’à ce que la version finale de ces combinaisons soit dévoilée. Cette échéance arrivera probablement après la mission Artemis II, où des astronautes repartiront en orbite de la Lune sans toutefois s’y poser. La NASA arrivera alors dans la dernière ligne droite avant Artemis III. Espérons qu’Axiom aura coché toutes les cases de sa feuille de route d’ici là.
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