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La nouvelle fusée H3 du Japon s’autodétruit lors de son premier vol

La JAXA va devoir patienter avant de fêter le baptême de l’orbite de son nouveau fer de lance.

Grosse déconvenue pour la JAXA. Dans la nuit du 6 au 7 février, l’agence spatiale japonaise a enfin procédé au lancement inaugural de sa toute nouvelle fusée, le lanceur H3. Mais la fête a fini par tourner court après quelques minutes de vol.

À 5 minutes 27 secondes, le centre de contrôle a envoyé la commande qui devait aboutir à la séparation entre les deux premiers étages. Deux minutes plus tard, ils étaient toujours incapables de confirmer la mise à feu du 2e étage qui était censée faire suite à la séparation.

Les opérateurs ont ensuite constaté que le véhicule ralentissait à vue d’œil. Or, la trajectoire de ces engins est calculée à l’avance avec une marge d’erreur relativement faible. Lorsqu’une fusée perd autant de vitesse dès le début de la mission, il est généralement illusoire d’espérer atteindre l’orbite souhaitée.

Les équipes de la JAXA ont donc lancé la procédure réglementaire dans ce type de situation : l’autodestruction. C’est une façon d’éviter que la carcasse de l’engin ne dérive au-delà de la zone de sécurité qui lui a été attribuée. Car dans cet état inerte, un lanceur spatial qui n’a pas épuisé son combustible se transforme en gigantesque bombe s’il heurte le sol à grande vitesse.

Un satellite et du temps perdu pour la JAXA

La nature exacte du dysfonctionnement reste inconnue pour l’instant, et il faudra attendre les conclusions de l’enquête. Ses conséquences, en revanche, sont déjà assez claires. La première, c’est la perte de la charge utile, à savoir l’Advanced Land Observing Satellite 3 (ou ALOS-3). Ce satellite devait se positionner sur une orbite héliosynchrone pour produire des images très précises grâce à son pouvoir de résolution d’environ 80 centimètres.

La deuxième conséquence, c’est que cet échec représente un coup d’arrêt non négligeable pour le programme spatial japonais. En effet, H3 a vocation à remplacer les mules de prédilection de la JAXA, les derniers lanceurs de la famille H2 (H2-A et H2-B).

Le lanceur H3 de la JAXA après le décollage
© JAXA – Capture d’écran YouTube

Ces deux véhicules ont rendu de fiers services à l’agence grâce à leurs performances et leur fiabilité (un seul échec sur 55 missions depuis 2001). Mais le souci, c’est qu’ils sont extrêmement chers pour des lanceurs de ce calibre. Chaque lancement coûte près de 100 millions de dollars à la JAXA. À titre de comparaison, un tir du Falcon-9 de SpaceX, référence absolue sur ce segment avec une charge utile maximale nettement plus importante, ne coûte « que » 67 millions.

Avec H3, la JAXA espère pouvoir réduire significativement les coûts. Ce nouveau lanceur s’annonce nettement moins cher que son prédécesseur. Il devrait néanmoins conserver les éléments qui ont contribué à sa fiabilité impressionnante. Il aura aussi l’avantage d’être extrêmement flexible. En effet, ce lanceur peut être décliné en plusieurs versions ; deux ou trois moteurs principaux, deux ou quatre boosters latéraux, carénage standard ou étendu…

Sur le papier, cet engin a donc de beaux jours devant lui. Il devra cependant commencer par prouver sa fiabilité — et le plus tôt sera le mieux. Car les enjeux autour d’H3 dépassent largement le cadre scientifique et technique.

Des enjeux démultipliés par le contexte politique

C’est tout d’abord une question de souveraineté. Pour les grandes nations, il est fondamental de disposer d’une autonomie stratégique dans le secteur spatial. Car l’importance de ce domaine en termes de défense et de sécurité est déjà énorme. Et elle ne va faire qu’augmenter avec la nouvelle course à l’espace qui se joue en ce moment.

C’est d’autant plus vrai en Asie, avec la montée en puissance rapide de l’aérospatiale chinoise. Une dynamique que le Japon, politiquement proche des États-Unis depuis des décennies, surveille comme le lait sur le feu. « C’est un point critique avec l’influence grandissante de la Chine dans la région indopacifique, où la défense spatiale est désormais un enjeu majeur », explique Yui Nakama, un spécialiste du secteur cité par Space.com.

Cela nous amène au deuxième point important avec H3 :  ce lanceur a une vraie carte à jouer en termes économiques. Car historiquement, les véhicules nippons ont toujours brillé par leur absence sur le marché commercial. La JAXA s’en servait seulement pour expédier ses propres satellites. Mais cela pourrait désormais changer.

En effet, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a considérablement modifié le visage de l’aérospatiale mondiale. La plupart des puissances spatiales ont choisi de couper les ponts avec Roscosmos. Et ce choix essentiellement politique a eu des conséquences très concrètes.

En effet, ces véhicules jouaient encore un rôle très important dans la logistique de l’orbite. Cela concernait notamment les légendaires Soyouz, des lanceurs certes vieillissants, mais toujours aussi serviables. Aujourd’hui, entre la mise au pilori de Roscosmos et les retards d’Ariane-6, dont le vol inaugural a été repoussé à la fin de l’année, l’Europe se retrouve prisonnière d’un vide logistique criant ; il n’existe quasiment aucune alternative aux lanceurs de SpaceX.

Depuis février dernier, de nombreuses institutions européennes, dont l’ESA, ont donc fait appel à la firme d’Elon Musk pour lancer certains engins (voir notre article sur Euclid). Un aveu de faiblesse non négligeable, sachant que l’autonomie spatiale est l’une des priorités stratégiques de l’Europe. Si la JAXA parvient à lancer H3 à temps, il pourrait donc séduire certains clients qui ne veulent pas accentuer leur dépendance aux États-Unis. Avec de gros bénéfices potentiels et une influence géopolitique renforcée à la clé.

Il faudra donc attendre les conclusions de l’enquête sur ce vol avorté, puis l’annonce d’une nouvelle date de lancement. Malheureusement, puisque le véhicule a été détruit, le délai sera sans doute plus important qu’après le premier report. Affaire à suivre.

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Source : YouTube

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