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Cette pièce biscornue symbolise le futur de la NASA à l’ère de l’IA

Grâce à une nouvelle génération d’outils basés sur l’IA, la NASA prépare déjà le futur de l’aérospatiale.

Il a fallu des centaines de millions d’années à l’évolution pour façonner le squelette des animaux à grands coups de sélection naturelle. Avec l’aide de l’intelligence artificielle, la NASA s’en inspire désormais pour concevoir des structures ultra-performantes en un temps record. Et ce processus va sans doute conduire à une transformation radicale des vaisseaux spatiaux tels qu’on les connaît aujourd’hui.

Dans un billet de blog, l’agence a présenté les travaux de Ryan McCLelland. Vous n’avez probablement jamais entendu son nom, mais il s’agit pourtant d’un véritable pionnier ; avec son équipe, il a ouvert la voie à une nouvelle génération d’éléments structuraux qui feraient tomber les ingénieurs d’antan à la renverse.

Sur les images de la NASA, on découvre des pièces très étonnantes. Avec leurs courbes étranges et leurs volumes singuliers, on pourrait croire qu’il s’agit d’expériences d’impression 3D ratées. Mais il n’en est rien : elles doivent en fait leur apparence très particulière à un processus de conception générative.

L’IA au service du design

Ce terme désigne une nouvelle approche qui intéresse de plus en plus les ingénieurs structuraux. Cela consiste à utiliser des programmes basés sur l’intelligence artificielle pour optimiser chaque élément à l’extrême. Cela permet par exemple d’en réduire la masse et d’augmenter leur résistance mécanique. Certains logiciels commerciaux, comme Fusion360 ou Creo, proposent déjà des options de ce genre.

Avec la méthode traditionnelle, il s’agit d’un processus extrêmement chronophage. Pour concevoir une nouvelle pièce, les ingénieurs doivent d’abord imaginer un concept, puis tester sa viabilité dans tous les scénarios possibles et imaginables. Mais produire un objet solide ne suffit pas. Il faut aussi jongler avec une foule de facteurs parfois très contraignants. On peut citer la résistance à l’usure, la masse, la compatibilité avec les pièces voisines, le prix du produit fini… et bien souvent, il n’y a aucune garantie qu’une idée produise un résultat exploitable.

Dans les disciplines de pointe comme l’aérospatiale, la conception de chaque pièce est donc un véritable casse-tête. Mais grâce à ces nouveaux outils informatiques dopés au machine learning, les ingénieurs d’aujourd’hui peuvent prendre le problème par l’autre bout.

Une nouvelle génération de « structures évoluées »

Avec la conception générative, un spécialiste de la CAD (Computer-assisted design, ou conception assistée par ordinateur) commence par définir les prérequis de la mission. Il indique les mesures souhaitées à l’ordinateur en précisant quel type de contrainte la pièce doit pouvoir supporter, où et comment elle doit être fixée, et ainsi de suite.

Une fois ces limites définies, c’est l’IA qui prend le relais. L’algorithme définit une forme de base qui va être optimisée par la suite. A chaque étape, il modifie légèrement la structure. Là où les contraintes sont les plus importantes, il ajoute des courbes harmonieuses pour renforcer le tout. À l’inverse, sur les portions où le stress mécanique est moindre, il n’hésite pas à retirer du matériel pour économiser du matériel tout en allégeant le produit fini.

une pièce produite par conception générative à la NASA
© Henry Dennis / NASA

À chaque itération, il teste les performances de l’objet. Si la pièce résiste mieux à un jeu de contraintes données, ou qu’elle fait aussi bien tout en étant plus légère, l’étape est validée et le résultat est sauvegardé. L’algorithme peut ainsi répéter le processus des millions de fois pour apporter de petites améliorations incrémentales.

Ce processus rappelle vaguement les mécanismes de l’évolution des espèces vivantes; McClelland parle d’ailleurs de « structures évoluées ». Dans ce contexte, ce sont les contraintes mécaniques et la masse qui servent de pression de sélection. Les pièces qui sont le mieux adaptées survivent au processus, tandis que les autres passent à la trappe. Et au bout du compte, on obtient donc un résultat de plus en plus performant – bien au-delà de ce que les humains sont capables d’imaginer.

Des avantages énormes à tous les niveaux

Cette approche a produit des résultats incroyables à la NASA. Pour commencer, les pièces conçues ainsi sont globalement beaucoup plus résistantes. Grâce à ces formes étranges, les contraintes mécaniques ont tendance à être bien mieux réparties que chez les pièces conçues par des humains, ce qui diminue massivement le risque de rupture.

« Après analyse, nous avons remarqué que les pièces générées par l’algorithme ne présentaient pas les concentrations de contraintes mécaniques qui handicapent les designs humains. Les facteurs de stress sont presque dix fois plus faibles que celles produites par un expert humain », indique McClelland. Un chiffre tout simplement bluffant.

Et ce n’est pas tout. En plus d’être immensément plus solides, ces pièces sont aussi beaucoup plus légères grâce à l’absence de matériel superflu. D’après la NASA, cette approche permet de retirer jusqu’à deux tiers de la masse à résistance égale !

Trois itérations d’une même pièce conçue grâce aux outils de design génératif. © Henry Dennis / NASA

C’est tout simplement révolutionnaire dans cette industrie où la masse est un facteur déterminant à tous les niveaux. Car plus un véhicule est lourd, plus il faut d’énergie pour le déplacer. En économisant ainsi de la masse, on peut donc utiliser des moteurs moins puissants pour déplacer l’engin, ce qui permet aussi d’emporter moins de carburant… et caetera.

Et il ne s’agit pas que d’optimiser les éléments que la NASA sait déjà construire. La conception générative permet aussi de répondre à des problèmes d’ingénierie extrêmement ardus avec une facilité déconcertante.

« Il y a des domaines où nous avons des listes de prérequis très délicats et complexes », explique Peter Nagler, physicien au prestigieux centre Goddard de la NASA. Il cite par exemple le cas d’une interface entre deux matériaux qui se comportent très différemment à haute température. Les ingénieurs humains avaient toutes les peines du monde à les faire cohabiter correctement. Mais grâce à l’IA, ils ont pu y parvenir très rapidement.

Les prémices d’une vraie révolution

D’ailleurs, c’est peut-être ce dernier point qui est le plus important. Pour l’illustrer, McClelland prend l’exemple de l’industrie automobile. « Si vous êtes une entreprise qui produit des voitures ou des motos, vous n’avez qu’une poignée de châssis à concevoir, puis vous pouvez les produire en série », explique-t-il. « Mais ici à la NASA, nous en faisons des milliers chaque année. »

Dans ce contexte, chaque économie de temps et de moyens permet d’avancer plus rapidement vers l’étape suivante. En permettant aux ingénieurs de produire des tas de pièces ultra-optimisées en un temps record, la conception générative permet à la NASA d’innover à une vitesse jusque-là inconcevable.

Et le plus excitant, c’est que nous ne sommes qu’au début de ce qui s’annonce comme une grande révolution. Car si l’on ajoute d’autres technologies révolutionnaires comme l’impression 3D à l’équation, on peut s’attendre à ce que ces outils viennent dynamiter tous les codes de l’aérospatiale traditionnelle dans un futur relativement proche. Comme quoi, l’IA ne sert pas qu’à générer des textes douteux et des deepfakes !

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Source : NASA

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