Ce n’est un secret pour personne : de nombreuses activités humaines ont un impact dévastateur sur quasiment toutes les niches écologiques. L’un des éléments les plus préoccupants, c’est le déclin bien documenté des pollinisateurs comme les abeilles. La disparition de ces êtres vivants qui jouent un rôle déterminant dans le cycle de vie de nombreux végétaux est une menace de premier plan pour l’humanité. Pour s’en prémunir, des chercheurs finlandais ont imaginé une alternative qui pourrait prendre le relais en cas de catastrophe.
Ces travaux repérés par TheNextWeb proviennent de l’Université de Tampere en Finlande. Dans leur étude, les chercheurs décrivent un robot pollinisateur unique en son genre. Il s’agit d’une construction biomimétique, c’est-à-dire directement inspirée d’un objet naturel. En l’occurrence, il s’agit des akènes de pissenlit (les « flotteurs » ou « parasols » qui s’envolent des fleurs desséchées).
Comme ces derniers, le robot est à la fois très léger (1,2 mg, soit la masse de quelques cheveux) et doté d’un petit plumage en polymère. Ce dernier lui offre une prise au vent. La moindre bourrasque génère des turbulences qui peuvent soulever l’engin, exactement comme un akène de pissenlit. Il peut ainsi se laisser porter sur de longues distances avec une dépense d’énergie virtuellement nulle. En théorie, il pourrait ainsi vagabonder d’une plante à l’autre en transportant leur pollen, participant ainsi à leur reproduction.
Un petit robot alimenté à la lumière
Mais il ne s’agit pas seulement d’une petite construction inerte et passive — cette approche serait beaucoup trop hasardeuse pour fonctionner correctement. L’objet est un véritable petit robot capable d’adapter sa forme en temps réel pour modifier sa trajectoire. Et ce qui le rend particulièrement intéressant, c’est la technologie utilisée pour y parvenir.
Les chercheurs n’ont pas utilisé de batterie et de circuit imprimé dans leur robot, baptisé FAIRY. Ce n’est évidemment pas souhaitable dans le cas d’un engin conçu pour être largué en pleine nature. À la place, ils ont produit une preuve de concept qui peut être entièrement contrôlée et changer de forme grâce à la lumière.
« Cela ressemble à de la science-fiction », admet volontiers Hao Zeng, auteur principal de ces travaux pourtant très sérieux. Pour y parvenir, les chercheurs ont misé sur un matériau assez exotique, à savoir un élastomère de cristaux liquides sensibles à la lumière.
C’est une classe de matériaux qui a le vent en poupe depuis environ quatre ans. Ils présentent en effet des propriétés très intéressantes ; ils peuvent répondre en temps réel et sans alimentation interne à des changements du milieu extérieur, par exemple en termes de température, d’éclairement, de pH, ou d’humidité. Leur utilisation est aujourd’hui explorée dans des tas de disciplines. On trouve des exemples qui vont de l’agriculture à l’électronique en passant par la médecine, et ainsi de suite.
Une preuve de concept loin d’être mature
En théorie, une fois déployés en quantité, ces mini-robots pourraient permettre à des tas de plantes privées de pollinisateurs de continuer leur cycle de vie. Cela pourrait permettre de sauver certains écosystèmes et des pans entiers de l’agriculture qui sont aujourd’hui menacés par le déclin des pollinisateurs.
Mais il ne s’agit encore que d’une preuve de concept qui présente encore des limites importantes. La première, c’est la source de lumière. Pour l’instant, l’énergie solaire ne suffit pas encore ; il faut utiliser un minuscule laser ou une petite LED pour contrôler l’engin. Cela le rend pour l’instant inutilisable en conditions réelles. Mais l’équipe cherche en ce moment à augmenter la sensibilité de l’élastomère pour qu’il puisse fonctionner en autonomie grâce à notre étoile.
L’étape suivante sera d’améliorer la structure de l’engin pour augmenter sa portance, et par extension sa charge utile. Il pourra ainsi transporter non seulement du pollen, mais aussi des instruments comme un GPS ou des capteurs biochimiques. Cette approche pourrait offrir une montagne d’informations très précieuses pour étudier les écosystèmes concernés. De quoi les gérer de façon plus responsable.
Mais même une fois ces deux obstacles franchis, il restera une limite fondamentale : la biocompatibilité de l’élastomère. Car pour avoir un impact significatif, ces petits robots devraient être déployés en grande quantité. Il est donc tout simplement inconcevable d’utiliser des matériaux non biodégradables.
Un dernier recours pour l’humanité ?
Pour l’instant, cette problématique n’a pas été abordée dans le papier des chercheurs finlandais. Ils se sont concentrés sur l’aspect fonctionnel. Mais dans la littérature scientifique, on trouve déjà quelques références à des versions biocompatibles de ces matériaux (voir ce papier de recherche). En parallèle, l’électronique biodégradable fait aussi l’objet d’un intérêt croissant des chercheurs. On peut donc imaginer que FAIRY pourrait passer de la preuve de concept au produit mature à moyen terme.
Les performances d’un tel engin seraient évidemment très inférieures à celles d’une abeille, par exemple. Si ces dernières se sont spécialisées dans la pollinisation, c’est qu’elles ont développé une relation symbiotique avec les végétaux à travers plus de 100 millions d’années de sélection naturelle. Autant dire qu’il sera extrêmement difficile de les remplacer. L’objectif prioritaire reste donc d’empêcher le déclin des pollinisateurs à tout prix. Mais si la tendance actuelle perdure, les humains du futur devront peut-être se rabattre sur des innovations de ce genre pour limiter les dégâts.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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Comment régler un problème en rajoutant des problèmes…
On devrait même pas chercher à développer ce genre de solution. Ça encourage à continuer d’utiliser les pesticides responsables du déclin des insectes.