Selon LiveScience, des chercheurs ont découvert une toute nouvelle colonie de manchots empereurs dont l’existence n’avait jamais été documentée jusqu’à présent. C’est une excellente nouvelle pour les naturalistes, mais la méthode qui a permis de l’identifier a de quoi surprendre les non-initiés ; ils ont été repérés depuis l’espace… grâce à leurs déjections.
Tout est parti des travaux de Peter Fretwell, un chercheur affilié au British Antarctic Survey (BAS). Il s’agit d’une vaste campagne anglaise d’observation du pôle Sud dont l’objectif est de suivre l’évolution de la banquise dans le contexte du réchauffement climatique.
Les troupes du BAS mènent parfois des expéditions sur place, à bord de brise-glaces spécialisés comme le RRS Sir David Attenborough. Mais ils travaillent surtout avec des images satellites où les spécialistes cherchent par exemple des traces de fonte rapide de la banquise, ou toute autre modification significative de cet écosystème.
C’est sur des images de ce type que Fretwell travaillait en fin d’année dernière. En se penchant sur les images des satellites Copernicus Sentinel-2 de l’Agence Spatiale Européenne, il a distingué une petite tache brunâtre qui a immédiatement attiré son attention.
Il a donc choisi d’observer la zone de plus près à travers les photos d’un autre satellite, le WorldView-3 de Maxar. Ce dernier dispose d’une résolution spatiale bien plus importante que les Sentinel-2. Il peut distinguer des objets de la taille d’une boîte à chaussure à la surface de la Terre.
Scientists have discovered a new emperor penguin colony at Vergler Point, Antarctica 🐧
They used satellite mapping technology to spot the penguins and their guano – visible in this amazing aerial image.
The full story 👇https://t.co/axcevzExOt pic.twitter.com/O6y0KbZ2kF
— British Antarctic Survey 🐧 (@BAS_News) January 20, 2023
Ces clichés ont confirmé l’intuition initiale du chercheur : il s’agissait bel et bien d’un groupe de manchots empereurs. Une belle trouvaille pour les troupes du BAS. Car même s’ils ne sont pas dans un état de conservation critique, les colonies de manchots empereurs restent relativement rares. L’institution explique qu’à l’heure actuelle, seules 66 d’entre elles ont été identifiées.
Des toilettes visibles depuis l’orbite
Mais ce ne sont pas les animaux eux-mêmes qui formaient la tache observée sur les premiers clichés. Car contrairement à ce que l’on pourrait penser, malgré le plumage d’un noir de jais qui recouvre leur dos et leur tête, les empereurs sont plutôt doués pour se fondre dans le paysage de la banquise — une nécessité absolue pour espérer survivre dans cet environnement arpenté par de dangereux chasseurs. On peut citer les lions de mer, mais également des superprédateurs tels que les orques, pour qui les empereurs sont un casse-croûte de premier choix.
Ce qui a trahi la présence des manchots, c’est en fait de vastes latrines à ciel ouvert. Lorsqu’elles occupent un coin de banquise pendant un certain temps, les colonies de manchots rejettent de grandes quantités de fiente (on parle de guano) à même la banquise, et c’est de là que provenait la tache visible depuis l’espace.
Dans les zones tempérées, les déjections des troupeaux se confondent généralement avec le sol. Mais dans cet environnement, elles teintent la neige et la glace en profondeur avant de geler complètement. Ces traces de freinage peuvent rester visibles sur une durée prolongée. Elles constituent donc un marqueur intéressant pour les naturalistes qui suivent ces colonies.
Fretwell a d’ailleurs livré une anecdote peu ragoûtante, mais intéressante à LiveScience. Il se trouve que les pingouins et manchots ont leur petite réputation parmi les spécialistes des régions polaires. Car à proximité de ces colonies, l’odeur est souvent extrêmement nauséabonde, même pour les experts chevronnés. Cela vaut surtout pour les espèces qui s’accouplent au milieu des rochers.
Mais les manchots empereurs, de leur côté, s’accouplent à même la banquise. La quasi-totalité du guano est donc complètement gelée à l’intérieur de la glace, et par conséquent, totalement inodore. Comme leur nom l’indique, « Les empereurs sont plus majestueux et pas aussi odorants que les autres pingouins et manchots », explique le chercheur.
Les habitants des pôles face à la crise climatique
Pour les chercheurs, cette découverte pas vraiment révolutionnaire était surtout un bon prétexte pour attirer l’attention sur le Penguin Awareness Day. Car même si les empereurs ne sont pas menacés à très court terme, cela fait déjà plusieurs années que les spécialistes font un constat préoccupant. Les effectifs des pingouins et manchots, toutes espèces confondues, fondent comme neige au soleil.
La source de cette dynamique est toute trouvée : il s’agit bien évidemment du réchauffement climatique. Une menace qui pèse sur tous les écosystèmes polaires et leurs habitants, mais certains y sont plus exposés que d’autres. Les manchots empereurs sont particulièrement concernés puisque la banquise joue un rôle essentiel dans leur cycle de vie. Plus elle disparaît, plus l’horizon s’assombrit pour ces animaux fascinants.
Pour fêter le Penguin Awareness Day à votre façon, nous vous recommandons un grand classique des documentaires animaliers : la Marche de l’Empereur, réalisée par Luc Jacquet il y a déjà plus de quinze ans. Malgré des approximations regrettables au service d’une narration parfois un peu maladroite, le film reste une œuvre visuellement grandiose, truffée d’images somptueuses qui méritent le détour, ne serait-ce que pour se rappeler à quoi ressemble une banquise immaculée avant qu’elle ne disparaisse entièrement.
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