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The Last of Us : le terrifiant champignon menace-t-il l’humanité ?

La pandémie décrite dans le superbe The Last of Us est basée sur un champignon tout ce qu’il y a de plus réel. Faut-il s’en inquiéter ?

Même si la perspective de voir un nouveau grand nom du jeu vidéo tailladé à la machette par Hollywood avait fait frémir quelques fans avant la sortie de la série The Last of Us, une fois n’est pas coutume, il faut admettre qu’HBO a frappé très fort avec une série bien réalisée, magnifiquement jouée, et surtout, fidèle au matériau de base. Une bouffée d’air frais pour les amoureux des deux arts.

Pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de se frotter au jeu, le premier épisode a aussi été l’occasion de découvrir la terrible infection qui s’est répandue à travers l’Amérique comme une traînée de poudre. Or, l’une des choses qui font la force du récit, c’est qu’il est ancré dans la réalité ; il se trouve que le champignon dévastateur n’est pas entièrement sorti de l’imagination des auteurs, et qu’il en existe déjà des variantes sur la Terre d’aujourd’hui !

Un champignon ancré dans la réalité

Dans The Last of Us, Joel, brillamment campé par Pedro Pascal dans la série, et ses compagnons tentent d’échapper à une maladie baptisée Cordyceps Brain Infection. Le premier terme, Cordyceps, désigne un genre (au sens taxonomique)  entier de champignons, ou plus précisément d’Ascomycète. Il en existe des tas de variantes ; plus de 600 espèces différentes ont déjà été décrites dans la littérature scientifique. Même si la plupart d’entre elles sont originaires d’Asie, on en trouve un peu partout dans le monde.

Il ne pousse pas simplement dans le sol. C’est le représentant le plus connu d’un large groupe de champignons parasites, c’est-à-dire qu’ils ont besoin d’exploiter un hôte vivant pour mener leur cycle de vie à son terme. Les Cordyceps, en particulier, sont des entomopathogènes. Cela signifie qu’ils sont biologiquement armés pour infecter des insectes ou des arthropodes, comme les araignées (selon les espèces).

Leur principale particularité, c’est la tournure que prend ce fameux cycle de vie. Pour assurer sa descendance, l’ancêtre commun de ces champignons a développé un stratagème aussi alambiqué que cauchemardesque qui semble tout droit sorti de la fiction.

Comment fonctionne les vrais Cordyceps ?

Lorsqu’une pauvre bête se retrouve exposée aux spores du champignon, elle commence à germer et à émettre ce qu’on appelle des filaments mycéliens. Fonctionnellement, on peut les considérer comme les « racines », même s’il s’agit d’un gros abus de langage.

Lentement, mais sûrement, ces filaments prennent le chemin du centre nerveux. Lorsqu’ils parviennent aux portes du cerveau, on assiste au début d’un véritable film d’horreur animalier.

Les cellules fongiques commencent alors à s’accumuler autour du cerveau. Elles y forment un réseau en trois dimensions absolument fascinant d’un point de vue biologique. En pratique, le champignon n’endommage pas (encore) la structure nerveuse ; il l’enveloppe délicatement pour prendre le contrôle de l’animal, toujours techniquement vivant à ce stade.

Une fourmi infectée par Cordyceps, le champignon qui a inspiré les créateurs de The Last of Us
Une fourmi infectée par une espèce de Cordyceps, l’espèce qui a inspiré les créateurs de The Last of Us. © David P. Hughes, Maj-Britt Pontoppidan – Wikimedia Commons

La phase suivante est encore relativement mal comprise et varie en fonction de l’espèce précise de Cordyceps et de sa cible. Mais la stratégie reste la même : le pauvre insecte devient une sorte de zombie qui n’est plus maître de ses mouvements. À la place, c’est ce marionnettiste parasite qui tire les ficelles et qui reprogramme entièrement ses instincts naturels.

Le champignon va alors pousser son hôte (fourmi, libellule, cafard…) à se diriger vers un endroit bien particulier. L’emplacement choisi est généralement bien visible, exposé, et situé à une certaine altitude (toutes proportions gardées, puisqu’il s’agit d’insectes).

Une fois la marionnette zombie arrivée à destination, le Cordyceps se livre à une dernière manipulation du système nerveux. Il force son hôte à se cramponner fermement à son support par tous les moyens possible. Par exemple, chez les espèces concernées, les mandibules sont souvent verrouillées pour servir de point d’ancrage. Et malheureusement pour la victime, elle n’en bougera plus jamais.

De la marionnette à l’usine à spores

Car le champignon, bien installé dans son nouveau lieu de villégiature, est désormais paré pour terminer son cycle de vie. Il digère progressivement l’insecte de l’intérieur jusqu’à ce que le cadavre déborde complètement de conidies, de véritables petites usines à spores.

C’est à ce stade que l’emplacement stratégique du zombie joue un rôle déterminant. Puisque l’insecte est généralement mort en hauteur, ces spores peuvent être éjectées au gré du vent… et gare aux autres insectes qui seront touchés par ce déluge. Car si l’une des spores parvient à s’agripper, le cycle va recommencer !

Pour l’anecdote, d’autres espèces ont développé des stratégies complémentaires encore plus retorses pour parvenir à leurs fins. On peut citer Entomophthora muscae. S’il ne s’agit pas d’un Cordyceps à proprement parler, c’est également un parasite fongique qui s’attaque à des insectes, en l’occurrence des mouches.

Mais pour maximiser ses chances de succès, au stade de la sporulation, il émet aussi un puissant aphrodisiaque. La victime, cliniquement morte et fermement agrippée à sa surface de prédilection, devient donc un redoutable piège. Au lieu d’attendre que ses congénères soient, il les force à se frotter à la source même de l’infection. Il ne s’agit que d’un exemple isolé, mais il illustre bien la diversité fascinante des stratagèmes employés par ces parasites.

Faut-t-il s’inquiéter d’une éventuelle pandémie ?

Il existe effectivement des champignons dont les spores peuvent représenter un danger pour des personnes immunodéficientes. On peut citer Cryptococcus neoformans ou Aspergillus fumigatis, qui génèrent des infections pulmonaires dont les symptômes sont comparables à ceux d’une pneumonie.

Mais les chercheurs n’ont pas identifié la moindre espèce champignon, Cordyceps ou autre, capable d’infliger un tel traitement zombificateur aux humains… jusqu’à présent.

Les champignons sont traditionnellement très sensibles à la température. Ils peuvent donc coloniser tranquillement des organismes poïkilothermes (c’est à dire « à sang froid », même s’il s’agit d’un abus de langage) comme des insectes. En revanche, elles ne supportent pas les conditions des organismes homéothermes (« à sang chaud ») comme les humains. De plus, ces derniers disposent d’un système immunitaire puissant et polyvalent qui constitue un adversaire redoutable pour un champignon comme Cordyceps.

Mais si l’on cherche la petite bête, on peut tout de même imaginer qu’un pathogène de ce genre puisse émerger. Dans le contexte actuel de réchauffement climatique, ces derniers pourraient éventuellement finir par développer une résistance accrue à la température.

Et surtout, ce réchauffement climatique couplé aux activités humaines (notamment l’élevage, l’agriculture à échelle industrielle…) a tendance à modifier les écosystèmes en profondeur. Cela génère de nouvelles pressions de sélection qui vont nécessairement conduire à l’apparition de nouvelles souches de virus, de bactéries… et de champignons, dont certains pathogènes. Parmi eux, il n’est pas exclu qu’un parasite de type Cordyceps finisse par coloniser le corps humain.

Heureusement, il ne s’agit pour l’instant que d’hypothèses. Certes, il serait malhonnête de dire qu’un scénario de type The Last of Us est complètement impossible ; mais il est extrêmement peu probable qu’une pandémie de ce genre survienne à court ou moyen terme.

Il n’y a donc pas de raison de paniquer quant à l’émergence prochaine d’une telle pandémie ; pas besoin de courir chez votre médecin pour lui réclamer un vaccin contre la Cordyceps brain infection décrite dans le jeu de Naughty Dog. Surtout que l’humanité aura déjà fort à faire ces prochaines années, avec des menaces bien plus concrètes qui nous pendent au nez — notamment du côté des virus et des bactéries, mais aussi des éruptions solaires, des mégaéruptions volcaniques, et ainsi de suite.

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