Cela fait déjà belle lurette que des systèmes basés sur l’IA sont capables d’humilier les humains dans des tas de jeux. Que ce soit aux échecs, au jeu de go, au Texas Hold’em, ou encore sur DOTA 2, un grand classique de l’e-sport, ces algorithmes ne laissent plus aucune chance aux êtres de chair et de sang. Et cela commence à devenir un problème pour l’éditeur du très populaire Rocket League.
Il y a encore quelques années, ces confrontations entre humains et machines étaient avant tout des expériences scientifiques destinées à tester les performances de ces algorithmes. Elles étaient toutes organisées par des entreprises aux ressources financières importantes qui emploient de grands spécialistes aux compétences rares.
Mais au fil du temps, le grand public s’est aussi familiarisé avec ces technologies. Aujourd’hui, même s’ils en restent les leaders incontestés, le machine learning n’est plus réservé aux titans de la discipline. Des particuliers ont commencé à développer leurs propres bots dopés à l’IA — et contrairement à DeepMind et consorts, il s’agit rarement de recherche fondamentale.
Certains de développeurs mal intentionnés ont commencé à programmer des bots avec un objectif radicalement : tricher dans des jeux compétitifs pour atteindre les sommets du classement. Et ces derniers mois, c’est l’élite de Rocket League qui en a fait les frais.
Nexto, un bot au dribble diabolique
Cette problématique, déjà bien connue au sein de la communauté, a explosé au grand jour après la publication d’un article de Wired. Le média américain a rapporté les propos de Reed « Chicago » Wilen, qui porte en ce moment le maillot de G2 Esports. Avec plusieurs premières places dans des événements importants et plus de 450 000 dollars de gains cumulés, l’américain de 21 ans est l’une des stars de cette scène compétitive.
L’intéressé est donc habitué à affronter des adversaires de très haut niveau. Mais dans un domaine en particulier, à savoir le dribble, aucun d’entre eux n’arrive à la cheville de Nexto, un bots aux capacités surhumaines.
Rocket League est un jeu basé sur la physique qui est très facile d’accès, mais immensément difficile à maîtriser d’un point de vue technique. Pour atteindre les plus hauts échelons, les joueurs doivent apprendre à manœuvrer leur véhicule pour déplacer délicatement un énorme ballon tout en multipliant les acrobaties, le tout en restant conscient de leur environnement en permanence.
Certains joueurs se sont spécialisés dans cet aspect du jeu. Au terme de milliers d’heures d’entraînement, ils ont acquis un contrôle formidable sur le ballon. Mais cela reste sans commune mesure avec l’efficacité diabolique de Nexto. « Ses dribbles parfaits feraient des ravages face à n’importe quel joueur », explique Reed Wilen à Wired.
Un programme d’entraînement détourné par les tricheurs
À l’origine, Nexto a été conçu comme une ressource open-source par RLGym, une communauté de fans bien intentionnée. L’objectif était d’en faire un outil au service de la communauté. Il peut par exemple servir de sparring-partner pour aider les joueurs avancés à travailler leur capacité à réaliser ou à défendre contre des dribbles élaborés. Il n’avait absolument pas vocation à jouer de vrais matches.
Mais apparemment, des petits malins ont réussi à tricher en détournant Nexto pour le faire jouer à leur place dans des parties compétitives. Résultat : des joueurs se sont approchés des rangs les plus élevés du ladder sans même toucher leur manette. Un crève-cœur pour ceux qui ont passé des heures à maîtriser les rudiments du jeu.
Heureusement, même si les dribbles de Nexto sont terrifiants, il reste encore loin des pros dans les autres compartiments du jeu. Si l’on en croit Chicago, il ne menace donc pas la suprématie des joueurs de l’élite absolue… pour l’instant.
Car en coulisses, chez les développeurs de la version légitime de Nexto, le bot continue de monter en puissance. D’ici peu, il pourrait devenir tout aussi bon dans les autres compartiments du jeu. Si des pirates réussissent à détourner ces nouvelles versions, il pourrait s’agir d’un désastre pour l’intégrité de la compétition.
« Nexto est déjà surhumain dans certaines situations », affirme Zealan, un développeur de Nexto interviewé par Wired. « Faites-moi confiance, dans quelques années, il sera largement au-dessus des pros ». « Quand ça va arriver, ça ne sera pas une partie de plaisir pour les autres joueurs de Rocket League », estime Chicago.
Pour y couper court, Psyonix a donc pris les devants. L’éditeur du jeu a lancé une grande campagne de chasse aux tricheurs. D’après Polygon, les développeurs sont en train de préparer une foule d’outils destinés à les traquer. Avec une attention toute particulière pour ceux qui ont recours aux super-bots . Ils pourraient par exemple entraîner leurs propres réseaux de neurones à reconnaître ces intrus. Espérons pour les joueurs de Rocket League qu’ils y parviendront, et surtout que les autres éditeurs de jeux compétitifs sauront anticiper la montée en puissance de la triche dopée au machine learning.
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