Les apiculteurs américains vont bientôt avoir accès à un nouvel outil qui pourrait changer la donne dans leurs efforts de conservation. Dans un essai clinique repéré par ScienceAlert, des chercheurs ont présenté un vaccin qui protège les abeilles d’un dangereux pathogène.
Ce n’est un secret pour personne : les insectes pollinisateurs, dont les abeilles, sont des acteurs absolument indispensables de la vie telle qu’on la connaît. Au gré de leurs allées et venues, ils transportent aussi les cellules reproductrices des plantes. Ils jouent donc un rôle déterminant dans le cycle de vie des végétaux et des autres espèces qui en dépendent, à commencer par la nôtre.
Or, depuis des années déjà, les habitants des campagnes ont pu constater que leurs effectifs ont tendance à s’effondrer. Une observation confirmée par de nombreux travaux scientifiques. Et c’est une situation extrêmement préoccupante, car sans les abeilles, c’est tout l’écosystème tel qu’on le connaît qui pourrait vaciller. Et par extension, la sécurité alimentaire à l’échelle de la planète entière s’en retrouve est menacée.
Certains chercheurs tentent donc de trouver des pistes pour éviter le déclin de leur population. Plusieurs angles d’attaque ont déjà été identifiés. L’un des plus importants est la lutte contre les pesticides toxiques, notamment les fameux néonicotinoïdes qui les empoisonnent. D’autres ont choisi de se concentrer sur la lutte contre les espèces invasives qui leur mènent la vie dure. On peut par exemple citer le frelon asiatique.
Un pathogène destructeur
Les chercheurs de Dalan Animal Health, une entreprise privée américaine, se concentrent sur une autre menace majeure : Paenibacillus larvae. C’est une espèce de bactéries qui infecte les abeilles au stade de larve. Elle est responsable de la loque américaine, une maladie des abeilles très contagieuse et extrêmement grave ; si elle n’est pas contrôlée, elle peut détruire une colonie en un rien de temps.
Contrairement à ce que suggère son nom, elle sévit partout sur la planète, y compris en Europe. En France, il s’agit d’ailleurs d’une maladie très surveillée : elle figure sur la liste des dangers sanitaires de première catégorie pour les espèces animales. Le problème, c’est qu’il est assez difficile de s’en débarrasser. Il existe des traitements antibiotiques contre cette loque, mais ils sont loin d’être idéaux.
En règle générale, leur efficacité reste modérée. De plus, sa mise en application demande un travail énorme aux apiculteurs. Et surtout, le fait d’avoir recours à ces antibiotiques pourrait pousser le pathogène à développer une résistance complète, ce qui serait catastrophique. Cette approche est donc formellement interdite dans l’Union européenne, qui a opté pour la tolérance zéro à ce niveau.
La seule garantie absolue d’empêcher la propagation une fois le loup dans la bergerie, c’est de tout brûler, de la ruche aux outils en passant par le couvain infecté. Un crève-cœur pour les apiculteurs qui sont forcés d’en arriver là.
Le premier vaccin de ce genre
Les chercheurs de Dalan Animal Health se sont donc retroussé les manches pour livrer la guerre à ces bactéries. Leur arme : un vaccin spécialement conçu pour protéger nos amies jaunes et noires.
Le concept est à peu près le même que pour un vaccin humain. On commence par collecter le pathogène visé, puis on l’inactive pour le rendre inoffensif. Il ne reste plus qu’à le mettre au contact du système immunitaire. Ce dernier peut alors apprendre à éradiquer l’intrus sans risquer l’infection. La différence, c’est que pour des raisons évidentes, il ne s’agit pas d’un vaccin injectable. Il est administré par la nourriture.
Le terme est cependant à prendre avec des pincettes. En effet, il ne s’agit pas d’un vaccin au sens où on l’entend habituellement. Les abeilles ne disposent pas du même système immunitaire que les humains ; chez elles, on ne trouve pas les anticorps sur lesquels jouent les vaccins traditionnels.
Mais cela ne signifie pas que les abeilles sont incapables de se défendre, loin de là. Plusieurs études ont déjà montré qu’elles pouvaient développer une résistance remarquable à des tas de pathogènes rencontrés auparavant.
Et ce système présente une autre particularité remarquable : l’hérédité. En effet, contrairement à l’immunité des mammifères qui se construit individuellement au fil de l’exposition aux pathogènes, les abeilles peuvent transmettre ces résistances à leur descendance.
Les chercheurs ont joué sur ce phénomène pour traiter des colonies entières lors d’un essai mené l’année dernière. Les résultats publiés en novembre dernier, indiquent que ce vaccin est à la fois très efficace et parfaitement sûr pour les abeilles. Il a réussi à protéger non seulement les ouvrières, mais aussi toute la progéniture de la colonie !
La guerre est loin d’être gagnée
Forts de ces résultats, les chercheurs de Dalan ont obtenu une licence de deux ans de la part du Département de l’Agriculture américain. Pendant cette période, elle va distribuer des quantités limitées de ce vaccin à divers apiculteurs. L’objectif prioritaire sera d’étudier ses effets à plus grande échelle. Si tout se passe comme prévu, cette licence pourra être étendue. Dalan sera alors autorisé à fournir directement le vaccin aux exploitants sans restriction particulière.
En attendant cette échéance, les professionnels du secteur ont déjà salué ce qu’ils considèrent comme une vraie bouffée d’air frais. « C’est une étape très intéressante pour les apiculteurs », se félicite Trevor Tauzer, l’un des responsables de l’association californienne des apiculteurs.
« Si on peut empêcher ces infections dans nos ruches, nous pourrons éviter des traitements coûteux et concentrer nos efforts sur d’autres éléments importants pour la santé des abeilles », se réjouit-il. Assurément une bonne nouvelle pour cet allié aussi discret qu’indispensable de l’humanité.
Mais il faut aussi garder en tête que Paenibacillus larvae n’est pas la seule menace qui pèse sur les abeilles. Il restera encore beaucoup de travail pour assurer la survie de ces adorables hyménoptères qui, rappelons-le, tiennent la survie d’Homo sapiens sapiens entre leurs petites pattes.
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