Cela fait quelques années déjà que les démographes constatent un déclin léger, mais significatif de la population européenne. C’est un fait, les habitants du Vieux continent font de moins en moins de bébés. Et même si cela pourrait sembler contre-intuitif après des années à entendre parler de surpopulation, c’est une dynamique qui inquiète désormais certains grands noms.
On peut notamment citer Elon Musk, qui s’exprime sur ce sujet depuis un bon moment. Mais au-delà de l’exubérant milliardaire habitué aux prises de position clivantes, ce constat est aussi partagé par des spécialistes très sérieux (voir cet article de la BBC).
Pour résoudre ce problème, certains penseurs imaginent des solutions diverses et variées. Ce mois-ci, c’est l’une de ces idées, baptisée EctoLife, qui a défrayé la chronique. C’est une expérience de pensée de Hashem Al-Ghaili, un spécialiste des biotechnologies qui réalise des vidéos sur des avancées scientifiques et des concepts novateurs.
Son dernier projet, baptisé EctoLife, n’est pas un produit commercial en cours de développement ; il ne s’agit que d’un concept. Et c’est probablement une bonne nouvelle, car il s’agit d’une gigantesque ferme à embryons capable de cultiver de petits humains en quantités industrielles. Et si le concept vous semble déjà terrifiant… c’est probablement encore pire que ce que vous imaginez.
Une véritable usine à bébés dopée à l’IA
Al-Ghaili a imaginé un ensemble d’environ 75 plateformes composées d’environ 400 capsules remplies d’un substrat liquide. De quoi produire environ 30,000 petits humains chaque année.
Chacune d’entre elles est une sorte d’incubateur très avancé qui reproduit l’environnement d’un bébé pendant la grossesse. L’idée est d’y insérer un embryon produit par fécondation in vitro. Une fois bien installé, ses constantes vitales sont surveillées en permanence par une armada de capteurs. Cela permettra d’ajuster en permanence la composition du substrat grâce à deux bioréacteurs.
Le premier joue plus ou moins le rôle du cordon ombilical ; il se charge d’acheminer les nutriments et l’oxygène dans la chambre pour subvenir aux besoins de l’embryon. Le second se charge de retraiter ses déjections pour maintenir un environnement sain… et aussi pour le recycler en une nouvelle fournée de nutriments. Bon appétit, bien sûr !
Tout ce suivi serait assuré non pas par un humain, mais par une intelligence artificielle — une sorte de « nounou IA », en somme. À ce niveau, il semble s’être très largement inspiré des travaux de chercheurs chinois qui ont imaginé un système de ce genre en début d’année (voir notre article ici).
Une conception terrifiante de la relation mère-enfant
Mais il y a encore nettement plus perturbant dans le concept d’Al-Ghaili, à savoir l’éventail de fonctionnalités réservées aux futurs parents. Le problème évident de cette approche, c’est la rupture du lien entre l’enfant à naître et sa maman. Il s’agit d’une relation littéralement fusionnelle, dans la mesure où les physiologies de l’enfant et de la mère sont intimement liées ; sur le plan biologique, la grossesse, c’est aussi une façon de commencer à intégrer l’enfant à son futur cadre de vie.
Mais il ne s’agit pas que de chimie organique. Il existe une foule d’interactions entre les femmes enceintes et leur bébé. Et cette dynamique est très importante pour le renforcement de l’instinct maternel et le développement cognitif de l’enfant.
Pour combler cette lacune, Al-Ghaili a imaginé plusieurs fonctionnalités carrément cauchemardesques. Chaque capsule est accompagnée d’une application pour smartphone qui permet aux parents de suivre le développement de l’embryon… et même d’interagir avec. Ils pourront par exemple de l’observer en temps réel grâce à une caméra installée dans la capsule, ou lui parler par l’intermédiaire de leur téléphone.
Al-Ghaili mentionne même un gilet haptique qui permettrait à la mère de « sentir » les mouvements de l’enfant à naître, comme s’il était en train de lui distribuer des coups de pied. Et le clou du spectacle, c’est un système de réalité virtuelle qui permet d’observer la capsule depuis le point de vue du bébé. De drôles de substituts qui ne remplaceront jamais une vraie grossesse.
Vous n’êtes pas encore complètement horrifié ? Qu’à cela ne tienne, nous n’en sommes qu’à l’échauffement ! Car Al-Ghaili a aussi rajouté un autre ingrédient explosif à son concept déjà dystopique à souhait : la recette de ces bébés-éprouvette implique aussi… un zeste d’ingénierie génétique et d’eugénisme.
Une bonne dose d’ingénierie génétique
Comme mentionné plus haut, les embryons sont d’abord produits grâce à un processus de FIV. Cela consiste à mettre en contact les cellules reproductrices des parents en contact hors de l’organisme. Le protocole habituel implique de produire plusieurs de ces embryons à la fois. Cela permet d’en trouver un viable, car la manipulation ne réussit pas à tous les coups.
Al-Ghaili explique sans trembler du menton qu’il s’agirait d’une belle occasion de réaliser un séquençage afin de « sélectionner les embryons génétiquement supérieurs ». En d’autres termes, les parents pourraient sélectionner eux-mêmes l’embryon FIV qui leur convient. D’un côté, cela permet de vérifier que le futur bébé ne viendra pas au monde avec des malformations ou des maladies génétiques graves.
Un avantage indiscutable. Mais cela ouvre aussi la porte à d’autres pratiques qui, éthiquement parlant, sont plus que discutables. Il suffit de lire Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley pour s’en convaincre. Car si aucun des embryons produits ne convient, pas de problème : il suffit de souscrire au pack premium, qui comprend une bonne dose d’eugénisme à base d’ingénierie génétique !
Grâce à des outils comme les « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9, Al-Ghaili affirme qu’il serait possible de « réparer n’importe quelle maladie génétique héréditaire ». Pour l’instant, cela relève encore de la science-fiction, mais la médecine s’en rapproche effectivement . Le souci, c’est qu’une fois arrivés à ce stade, on peut tout à fait imaginer utiliser cette technologie pour produire des sortes de « super-bébés » sur mesure. Une pente excessivement glissante qui pourrait avoir des conséquences désastreuses à l’échelle de la civilisation entière.
Seulement un concept… pour l’instant
Et le point le plus perturbant, c’est que même si EctoLife n’est qu’un concept pour le moment, toutes les technologies nécessaires commencent à devenir matures. En théorie, il ne reste donc plus qu’à les combiner au sein d’un même système. Et selon Al-Ghaili, nous ne sommes plus qu’à « quelques années » de cette échéance.
Or, il se trouve aussi que ces travaux sur la fertilité et l’ingénierie génétique affichent un potentiel commercial gigantesque. On peut donc tout à fait imaginer que des institutions aux moyens financiers conséquents démarrent des travaux concrets dans un futur relativement proche.
Or, à l’heure actuelle, nous n’avons tout simplement aucune idée de ce à quoi ressemblerait l’humanité avec une génération entière de bébés cultivés loin de leurs mères. Et l’impact d’une telle dynamique pourrait être profond. Car en substance, il s’agirait de modifier un processus de développement qui conditionne directement le visage de l’humanité depuis des dizaines de milliers d’années.
Dans une interview à Metro sur un autre sujet, la professeure Anna Smajdor a donné un exemple très parlant. Elle expliquait que « les contraintes de l’utérus et du pelvis humain ont agi comme des freins à la taille du crâne et du cerveau humain ».
Un changement radical dans la trajectoire de l’humanité
Cela signifie-t-il qu’il faut absolument cesser d’accoucher naturellement pour faire avancer l’humanité ? Absolument pas. D’ailleurs, cela ne signifie en aucun cas que les humains deviendraient plus intelligents s’ils naissaient ainsi. Mais c’est un bon exemple pour montrer que si homo sapiens sapiens était « libéré » des contraintes de la grossesse normale, cela pourrait changer complètement la trajectoire évolutive de l’humanité — pour le meilleur ou pour le pire. Car il ne s’agit que d’un exemple isolé, et des tas d’autres conséquences scientifiques et sociales aujourd’hui imperceptibles nous attendent forcément au tournant.
Autant dire qu’il Il conviendra de surveiller de l’évolution de cette niche technologique comme le lait sur le feu. Et surtout, il faudra espérer que les décideurs politiques sauront anticiper l’explosion annoncée de ce qui pourrait devenir un commerce très rémunérateur, et donc particulièrement exposé aux dérives éthiques.
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Personnellement, je pense que ça serait un recul pour l’humanité et une perte de chance pour les bébés. Le regard de l’autre, le contact maternel, l’allaitement … c’est nécessaire et essentiel à notre développement physique, neuronal et social. On le sait depuis les années 60 avec Spitz et la description de la dépression anaclitique du nourrisson. Mais bon, faut croire que c’est l’époque, la fuite en avant toujours plus forte dans la technologie, en pensant qu’on peut se soustraire aux contraintes de notre écosystème naturel et des lois physico-biologiques, qui régissent tout ça …
@Jordan ……
alors , je comprends parfaitement tout ce que tu dis , mais apres je trouve qu’on devrait etre libre de ces choix s . si ca peux aider des personne sterils … bin pourquoi pas , une femme qui ne voudrais pas etre ” deformer” ( j’ai mis des guillemets” qui ne voudrait pas avoir d’episio ( elles ne se font pas toutes charcuter ) devrait avoir le droit de choisir , des femmes ne veulent pas llaiter et c’est leur droit , personne n’a rien a leur reprocher , on peut avertir des bienfait , mais pas faire de reproche.
de toutes facon ca se fera , comme les meres porteuse.
salut
@Tenterhook1
Je vous réponds uniquement car vous avez vous-même interpellé un vieux commentaire pour dire quelque chose de dangereux.
Non, on n’a pas à choisir: marre de ces enfants gâtés qui veulent quelque chose mais en refusent les conséquences, et qui au passage créent des dégâts. Pour revenir plus précisément au sujet, on a assez de problèmes comme ça et il y a assez de monde en souffrance sur la planète pour perdre du temps à satisfaire les quelques nanas qui ne veulent pas assez un enfant pour accepter de “subir” une grossesse et qui refuseraient d’adopter un orphelin.
Un enfant ne pousse pas dans un catalogue.