La période entre Noël et le Nouvel An est traditionnellement festive, mais certains y accordent plus d’importance que d’autres. Par exemple, la plupart des laboratoires scientifiques restent plus ou moins hermétiques à l’esprit de Noël, responsabilité professionnelle oblige.
Mais ce n’est pas le cas d’un trio de la Technical University of Denmark, ou DTU. Les chercheurs en question sont spécialisés dans les nanotechnologies. Ils explorent différents concepts et techniques afin de produire des systèmes complexes, mais ridiculement petits.
Pour ces professionnels espiègles, Noël est aussi une occasion de proposer des travaux insolites. Ces dernières années, ils ont par exemple construit une maison de pain d’épice microscopique, un bonhomme de neige et un minuscule sapin en graphène. Ce dernier a d’ailleurs remporté le record du monde du plus petit arbre de Noël.
Un joli décor qui serait parfaitement à sa place dans le Minivers de Rick & Morty. Mais il manquait encore quelques éléments, dont un particulièrement important : la musique. Car après tout, Noël n’est pas Noël sans un assortiment de chansons de kitsch qui vous donneront des envies de meurtre après la 14e répétition !
Un nanograveur révolutionnaire
Pour combler cette lacune, Peter Bøggild et ses collègues Tim Booth et Nolan Lassaline se sont donc emparés de leur NanoFrazor. C’est un appareil extrêmement sophistiqué utilisé pour la lithogravure. Ce procédé consiste à retirer de minuscules couches de matériel pour former des structures microscopiques avec une précision extrême.
En substance, il s’agit donc d’une sorte de nano-graveur aux performances très impressionnantes. Grâce à lui, Bøggild a déjà réussi à reproduire des images, comme la célèbre Mona Lisa, sur un canevas d’à peine 12 x 16 micromètres — soit environ 5 fois plus petit que le diamètre d’un cheveu.
Et pourtant, l’image était parfaitement nette au microscope. Grâce à la précision du NanoFrazor, les chercheurs ont pu graver des « pixels » d’une dizaine de nanomètres. Cela leur a permis d’atteindre une résolution supérieure à 2 500 000 DPI ! À titre de comparaison, la plupart des moniteurs PC actuels présentent une densité de pixels entre 100 et 300 DPI. « À cette échelle, on pourrait graver notre signature sur un globule rouge », explique Bøggild.
Pour les chercheurs qui travaillent à ces petites échelles, c’est donc un outil formidablement puissant qui ouvre des tas de portes. » Nous pouvons créer librement des paysages en trois dimensions à cette résolution complètement folle », explique Bøggild. « Ça change complètement la donne pour nos recherches ».
Le plus petit « vinyle » au monde
Une fois n’est pas coutume, ils ont mis cette machine à contribution pour des travaux à l’intérêt pratique, disons… discutable. Leur objectif : graver un enregistrement audio, un peu comme les originaux des vinyles traditionnels, mais à l’échelle microscopique.
Sur ces bons vieux 33 et 45 tours, on trouve un long sillon en spirale où vient se loger une pointe (traditionnellement un saphir). Très sommairement, au fil de la rotation, la pointe se déplace le long du sillon et vibre à une fréquence bien précise. Ces vibrations sont ensuite transmises à un transducteur qui les convertit en signal audio.
L’idée est exactement la même pour ce micro-disque, même s’il n’est techniquement pas composé de vinyle. Les chercheurs ont utilisé le NanoFrazor pour graver un sillon dont les variations représentent un signal audio. En l’occurrence, il s’agissait des 25 premières secondes du classique Rockin’ Around the Christmas Tree, de Brenda Lee.
Évidemment, il n’existe pas de platine suffisamment petite pour lire. Mais il est quand même possible d’y parvenir… à condition d’avoir accès à microscope à force atomique ou à un NanoFrazor reprogrammé pour suivre le sillon. Autant dire que l’intérêt pratique de cette invention est franchement limité.
L’âge de la nanofabrication généralisée approche
Mais ces travaux ne sont pas entièrement inutiles pour autant. Il s’agit même d’une preuve de concept plutôt impressionnante. Cet exercice illustre les progrès rapides des techniques de nanofabrication. Cela montre que les spécialistes sont aujourd’hui capables de produire rapidement de grandes quantités de petits objets fonctionnels.
« Le fait qu’on puisse désormais former des surfaces avec une précision nanométrique, à la vitesse de notre imagination, ça change la donne pour nous », explique Tim Booth, l’un des auteurs de ces travaux. « Nous avons des tas d’idées pour la suite, et nous pensons que ces machines vont significativement accélérer le développement de nouvelles structures », se réjouit-il.
Une perspective particulièrement enthousiasmante. Car en substance, ce que les chercheurs danois expliquent, c’est que l’âge de la nanofabrication généralisée approche à grands pas. Or, il est déjà clair depuis quelques années que la maturation de ces technologies va radicalement changer le visage de notre civilisation.
En maîtrisant ces nanostructures, les spécialistes pourront construire de nouveaux outils et supports pour étudier les phénomènes physiques et chimiques à la plus petite des échelles. Il s’agirait donc d’une vraie révolution pour la recherche fondamentale en physique traditionnelle ou quantique, en biologie… Cela concerne aussi des problèmes pratiques. On peut citer l’informatique où la miniaturisation des composants est un enjeu déterminant, la médecine… Et ainsi de suite.
Pour l’instant, les engins comme le NanoFrazor sont encore assez exotiques et diablement coûteux. Ils sont donc réservés aux laboratoires de pointe… pour le moment. Mais il faudra absolument garder un œil sur « l’évolution de cette niche technologique. Car plus ces outils se démocratiseront, plus nous nous rapprocherons de cette révolution technologique annoncée.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.