Cela fait déjà plus de trente ans que le télescope Hubble observe les tréfonds de l’espace. Mais le temps est un adversaire impitoyable; lentement mais sûrement, le vénérable observatoire commence à voir le bout du tunnel. Et pour rentabiliser cette merveille d’ingénierie jusqu’à la dernière seconde, la NASA se tourne vers l’industrie ; elle a lancé un appel pour trouver des moyens hypothétiques de prolonger sa durée de vie.
Si la mission d’Hubble s’approche de la fin, ce n’est pas parce que l’engin n’est plus capable d’observer les étoiles. C’est même tout le contraire ; malgré un petit bug informatique l’année dernière, il continue de se montrer remarquablement fiable.
Le souci, c’est plutôt l’orbite sur laquelle il est parqué. En effet, Hubble réside dans la haute atmosphère terrestre, à environ 535 km de la surface. C’est largement au-delà de la ligne de Karman, la limite « officielle » de l’espace arbitrairement établie à 100 km du niveau de la mer.
L’orbite, un bras de fer permanent
Pour se maintenir sur une orbite stable, les véhicules spatiaux misent sur un équilibre délicat entre deux phénomènes : l’inertie du véhicule et la gravitation terrestre. La première pousse l’engin à s’éloigner de la Terre ; il s’éloignerait en ligne droite s’il n’était pas retenu par la gravitation.
Tout l’enjeu est donc de maintenir ce bras de fer. Il faut faire très attention à ce qu’aucun des deux participants ne l’emporte. Si la vitesse est trop importante, la gravité sera incapable de le retenir; l’engin partira à la dérive vers l’espace profonde. À l’inverse, si elle est trop faible, c’est la gravité qui gagne; on parle alors de déclin d’orbite. Sans intervention, l’engin finira par s’écraser sur Terre.
Et malheureusement, c’est précisément ce qui est en train d’arriver à Hubbie. Même à cette altitude, l’engin n’est pas entièrement sorti de l’atmosphère terrestre ; il reste encore de rares particules de gaz. Et au fil de ses rotations autour de la Terre, la friction avec ces quelques molécules ralentit très légèrement l’engin. Cela signifie que la gravité est en train de s’imposer tout doucement, et que l’engin se dirige petit à petit vers la surface.
La chute inexorable du vaillant Hubble
C’est une problématique que les ingénieurs connaissent parfaitement. C’est par exemple pour cette raison que la Station Spatiale Internationale est dotée de propulseurs. Ils permettent de compenser ce déclin d’orbite pour maintenir l’ISS en l’air aussi longtemps qu’elle en sera capable.
Mais le pauvre Hubble est démuni à ce niveau ; il ne dispose pas du moindre propulseur pour lui donner un coup de pouce dans son combat contre la gravité. Il reviendra donc s’écraser sur Terre, vraisemblablement au milieu de la prochaine décennie. La seule façon de prolonger sa durée de vie serait donc d’envoyer un engin spécialisé pour le remettre sur la bonne trajectoire.
C’est une idée que la NASA a déjà commencé à explorer avec SpaceX à l’automne (voir notre article). Mais désormais, elle a lancé un appel à plus grande échelle qui concerne toute l’industrie. Les entreprises qui répondront à cet appel devront explorer la faisabilité de cette opération. Il s’agira d’en déterminer les enjeux techniques, logistiques… et surtout commerciaux.
Car contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’objectif prioritaire n’est pas de sauver la mise à Hubble. « La NASA n’a aucun plan de conduire ou de financer une mission d’entretien ou de soumettre cette opportunité à un appel d’offre », explique le communiqué.
Poser les bases logistiques pour les satellites de demain
Même si Hubble a une valeur historique et scientifique énorme, il faudra aussi laisser la place à des équipements plus performants. À commencer par les autres télescopes de pointe qui viendront garnir l’arsenal des astronomes ces prochaines années. On peut citer le télescope Roman, qui doit entrer en service vers 2026 (voir notre article). Il y a aussi le fameux James Webb, qui vient de fêter le premier anniversaire de son lancement. Et cette armada scientifique, il faudra évidemment en prendre soin.
Mais certains engins, à commencer par le JWST, sont situés sur des orbites particulièrement difficiles d’accès. Contrairement à Hubble, qui a été entretenu à cinq reprises, il sera donc impossible d’aller le réparer en cas de pépin… du moins, avec la technologie disponible actuellement. Et c’est tout l’enjeu de l’appel de la NASA.
En étudiant différents scénarios de fin de vie par rapport à Hubble, espère surtout poser les bases d’une nouvelle organisation. L’objectif sera d’entretenir, de réparer et de réajuster des tas d’engins qui sont aujourd’hui plus ou moins considérés comme jetables.
C’est une activité qui pourrait occuper une place centrale dans l’organisation de la NASA d’ici quelques années. En effet, les enjeux sont considérables à plusieurs niveaux.
Scientifiquement et techniquement parlant, l’intérêt est évident ; cela pourrait permettre de profiter plus longtemps de certains appareils de grande valeur. En termes économiques, c’est un excellent prétexte pour signer différents types d’accords avec de nouveaux partenaires commerciaux.
C’est aussi une bonne nouvelle pour la pérennité de l’exploration spatiale. Car le fait de mieux gérer la fin de vie de ces engins permettra aussi de limiter les chances d’accident, et par extension, la production de débris. Une préoccupation de tout premier plan, sachant que l’orbite terrestre se remplit à une vitesse affolante. Et accessoirement, en servant ainsi d’exemple, Hubble pourra cimenter encore un peu plus son héritage scientifique déjà colossal en apportant sa contribution jusqu’aux dernières minutes de sa vie.
La NASA va se pencher sur toutes les belles idées proposées par l’industrie à partir du 24 janvier prochain. Quelque mois plus tard, lorsqu’elle aura fini de les étudier, la en publiera probablement une synthèse. Et elle s’annonce assez intéressante. Elle contiendra certainement des concepts et des idées que l’on retrouvera sur les satellites de demain, avec l’objectif d’augmenter significativement leur durée de vie.
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