Ça y est : au terme d’un long et âpre débat, le Parlement européen est parvenu à un accord de principe pour une nouvelle résolution qui va radicalement changer la réglementation en lien avec les batteries dans l’Union européenne. Au programme : une vigilance environnementale accrue, une réparabilité renforcée… et un cahier des charges qui menace de tripler de volume, avec des conséquences non négligeables sur plusieurs industries.
C’est une nouvelle législation à la portée conséquente. Elle couvre en effet l’intégralité du cycle de vie, de la conception à la fin de vie. De plus, elle concerne tous les types de batteries vendues dans l’UE. Cela va des petites batteries qui équipent les appareils du quotidien, comme nos smartphones, jusqu’aux énormes batteries industrielles en passant par celles des automobiles, électriques ou non.
L’information du consommateur, première priorité
La première décision s’appliquera à tous les acteurs qui produisent des batteries haute performance d’une capacité supérieure à 2 kWh. Cela concerne notamment les batteries industrielles, ou celles des véhicules électriques ; les smartphones, par exemple, ne sont pas concernés.
Pour être homologuées, ces batteries devront désormais présenter un label européen. Pour l’obtenir, il faudra montrer patte blanche avec une déclaration d’impact carbone. Cette dernière devra tenir compte de toute la chaîne logistique dans son ensemble.
Tous ces produits seront aussi tatoués à l’aide d’un code QR. Cela permet d’accéder rapidement à un tas de détails techniques comme la capacité, la durabilité, ou la composition chimique de la cellule. Cela permettra aussi d’accéder à un nouveau « passeport digital ». Ce dernier contiendra le nom exact du modèle ainsi que son mode d’emploi. Un effort de transparence qui ne pourra pas faire de mal.
Généraliser le recyclage
Les acteurs industriels vont aussi devoir faire des efforts sur la question des ressources. Plus question d’utiliser uniquement du matériel fraîchement extrait ; dès l’entrée en vigueur de la législation, les industriels devront s’assurer qu’au moins 16 % du cobalt, 85 % du plomb, et 6 % du nickel et du lithium proviendront directement du recyclage.
Pour ce faire, il faudra aussi développer la collecte des batteries usagées. Le Parlement s’est fixé un objectif de 45 % de récupération en 2023. Ce chiffre devra ensuite atteindre 63 % en 2026, et 73 % en 2040 pour les petites batteries portables. Pour les batteries qui équipent les véhicules légers (LMT), comme certains scooters ou trottinettes, les objectifs de recyclage seront de 51 % en 2028 et 61 % en 2031.
De plus, le texte mentionne explicitement que toutes ces batteries devront être collectées « sans le moindre frais à la charge de l’utilisateur final, indépendamment de leur nature, de leur composition chimique, de leur état, de leur marque ou de leur origine ». Cela permettra d’encourager les consommateurs à jouer le jeu pour améliorer la prise en charge des batteries usagées.
Il s’agit de changements considérables qui vont avoir des conséquences concrètes et profondes. La routine opérationnelle de nombreux acteurs industriels va considérablement évoluer, autant pour les producteurs de batteries que pour leurs clients. Ils vont être forcés de revoir l’ensemble de leurs chaînes logistiques pour coller à ce nouveau cahier des charges. Cela passera notamment par la mise en place de chaînes d’approvisionnement alternatives et de partenariats privilégiés avec des acteurs du recyclage.
Le texte définit aussi deux autres échéances. La première arrivera le 31 décembre 2030. À cette date, la Commission européenne devra se prononcer sur une éventuelle interdiction totale et définitive de tous les accumulateurs non rechargeables.
Toutes les batteries devront être remplaçables !
Mais avant cela, un autre grand changement d’envergure devrait entrer en vigueur, et c’est probablement le plus important ; trois ans et demi après l’entrée en vigueur du texte, tous les appareils électroniques devront obligatoirement permettre aux utilisateurs de « retirer et re remplacer facilement la batterie eux-mêmes » !
C’est une décision qui va sans doute faire pousser des cris d’orfraie aux constructeurs. On pense notamment aux spécialistes des smartphones et d’ordinateurs portables. Car même si les plus jeunes ne s’en souviennent peut-être pas, il y a pourtant pas si longtemps, le fait de pouvoir ouvrir son appareil pour en retirer la batterie était une évidence absolue.
Mais cet état de fait a changé sous les coups de boutoir de géants comme Apple et consorts. La firme à la Pomme, en particulier, est souvent critiquée à ce niveau. Elle se défend systématiquement avec les mêmes arguments ; selon elle, le fait de compliquer sciemment le remplacement de la batterie est une façon de proposer des objets plus fins et légers, tout en « protégeant les utilisateurs » contre les contrefaçons de mauvaise qualité.
Un positionnement pas toujours facile à comprendre du point de vue du consommateur ; car cette philosophie ouvre aussi la porte à tout un tas de pratiques douteuses, notamment en termes d’obsolescence programmée.
Mais en termes commerciaux, il faut admettre que c’était un vrai coup de génie. Cela permet aux constructeurs de garder encore davantage de contrôle sur leur écosystème. Et c’est d’autant plus vicieux qu’à force de manipuler des appareils aussi hermétiques, une bonne partie des consommateurs a tout simplement oublié qu’il était possible de les réparer pour multiplier leur durée de vie.
Mécaniquement, cela pousse une partie importante du public à repasser à la caisse plus souvent pour remplacer des appareils toujours plus chers. En outre, cette dynamique a forcément un impact considérable sur le versant écologique.
Un long bras de fer à prévoir
Il sera donc très intéressant d’observer la réaction des intéressés. On se souvient qu’Apple avait déjà lutté pendant des années contre les instances européennes qui voulaient lui imposer un port de charge standardisé ; on peut imaginer que la marque ne se laissera pas non plus faire dans ce cas de figure.
Et cela concerne aussi la plupart des autres constructeurs. Car à leur décharge, il faut admettre que cela les forcerait à repenser entièrement le design de nombreux appareils qui ne sont absolument pas conçus pour être ouverts facilement par un particulier sans compétences techniques.
Si cette loi est acceptée par le Parlement et le Conseil, elle va donc conduire à une évolution considérable de l’écosystème technologique en Europe. Il sera donc très intéressant de suivre son parcours au sein des différentes instances européennes. Mais avec de tels enjeux économiques, on peut déjà affirmer qu’il ne s’agira pas d’un long fleuve tranquille ; connaissant le fonctionnement de ces institutions, il faut probablement s’attendre à quelques péripéties en cours de route.
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Bonne chose que cette prise de position de l’UE. Après à voir dans les faits comment ça se traduit.
Par contre je ne plussoie pas cette phrase : “à leur décharge, il faut admettre que cela les forcerait à repenser entièrement le design de nombreux appareils qui ne sont absolument pas conçus pour être ouverts”. C’est eux qui ont designé leur produit de la sorte, parfois sciemment pour limiter les possibilités de réparation. L’industrie (dans son entiereté) n’avait qu’à penser un minimum à l’écologie et pas uniquement à se faire encore plus de pognon que l’année précédente.
A eux maintenant d’innover pour avoir des batteries ultra fines et efficaces tout en permettant leur remplacement. Peut-être que les téléphones redeviendront plus épais mais à mon avis pas tant que ça. Et pis quand on voit les derniers iPhone où les objectifs ont une épaisseur de malade… ça ne doit pas être tant un problème 🙂
A Bisouxx.
J’aime beaucoup votre réflexion.
“On” nous a effectivement imposé beaucoup de choses ses dernières années (et même décennies),
Mais pourquoi commencer par les grosses batteries et pas, de suite par toutes. En nombres de pièces, il y a surement plus de tablettes et smartphone que de véhicules électriques…. et que dire de l’outillage sur batteries…
Un dernier petit point.
Lors de mon dernier passage chez Swatch à Strasbourg, afin de faire changer la pile, l’intervention ne m’a pas été facturée. L’employé m’a annoncé que le changement de pile est maintenant gratuit. Et plus seulement en Suisse.
Si certaines interventions étaient totalement à la charge du fabricant…. même si on paie indirectement dans le prix d’achat, ça aiderai sûrement à penser différemment.
Plus simple : acheter son téléphone sur Aliexpress en version chinoise ou américaine.
Imposer une directive voté n’est pas en soi attaquable ! Les industriels doivent suivre et appliquer ce que les consommateurs veulent et non l’inverse. Mais le lobbying est si bien traité par Bruxelles et ses institutions !!! Le parlement Européen en est la preuve…Cela n’est que politique et de négociation.