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Un étrange météore relance le débat sur l’origine du Système solaire

Cet étrange objet venu des confins du Système solaire était constitué de roche, et non pas de glace comme prévu.

Aux confins du système solaire, à l’extrême limite de l’influence gravitationnelle de notre chère étoile, on trouve une région aussi mystérieuse qu’inhospitalière : le Nuage de Oort.

C’est un gigantesque nuage d’objets qui réside à une distance gigantesque ; la NASA a l’habitude de dire que sa limite externe est située à mi-chemin entre le Soleil et Proxima du Centaure, l’étoile la plus proche de la nôtre. À titre de comparaison, cela signifie que sa frontière est située à plus de mille fois la distance qui sépare le Soleil de Neptune, qui est elle-même plus de 10 000 fois supérieure à la distance Terre-Lune.

À cause de cette distance formidable, le Nuage d’Oort est excessivement difficile à observer. En fait, même si de nombreux éléments cohérents ont permis aux astronomes de conclure à son existence, il n’a jamais été observé directement ; à l’heure actuelle, il demeure techniquement hypothétique. Et c’est une zone d’ombre assez problématique. Les spécialistes estiment que le nuage renferme de nombreux secrets directement liés à la formation du système solaire.

D’abord près du cœur, puis loin des yeux

Le consensus actuel suggère que ce matériel s’est d’abord formé à proximité du Soleil. Cet épisode date de 4,5 à 4,6 milliards d’années avant notre ère. À cette époque, notre voisinage cosmique était bien plus chaotique qu’aujourd’hui. De nombreux corps célestes, y compris des titans comme Jupiter, valdinguaient dans toutes les directions en attendant de se stabiliser sur une orbite. Ils ont ainsi généré un vaste chamboule-tout gravitationnel. Cela a brassé et redistribué une grande partie du matériel, y compris celui qui constitue aujourd’hui le Nuage d’Oort.

Une représentation du Nuage d’Oort en échelle logarithmique. © NASA / JPL-Caltech

Par conséquent, à chaque fois qu’un objet suspecté d’être originaire de cette zone visite notre coin de ciel, c’est un événement remarquable pour les astronomes ; en substance, ce sont des cartes postales du fin fond du Système solaire. Les spécialistes s’empressent donc de récolter autant d’informations que possible; ils cherchent systématiquement à connaître la trajectoire et la composition chimique de l’objet.

Jusqu’à présent, tous les objets originaires du Nuage d’Oort qui sont parvenus jusqu’à nous étaient composés des mêmes matériaux. Il s’agissait toujours de glaces d’eau, de méthane et d’ammoniac.  C’est tout sauf anecdotique. Puisque cette structure est un vestige de l’espace antique, une partie considérable des modèles qui cherchent à expliquer la formation de l’univers reposent directement sur cette information… qui pourrait en fait être erronée.

Une curieuse météorite à la composition inattendue

C’est en tout cas ce que suggèrent de nouveaux travaux de la Western University, au Canada. Depuis plus d’un an, une équipe d’astronomes travaillait sur les données capturées lors du passage d’une météorite un peu particulière. Avec sa traînée verte spectaculaire, elle avait attiré l’œil de nombreux photographes amateurs.

Mais il ne s’agissait pas de l’élément le plus étonnant ; après avoir calculé sa trajectoire, les chercheurs affirment désormais que cette météorite était originaire de ce fameux Nuage d’Oort. Et surtout, en observant la façon dont elle s’est désagrégée dans l’atmosphère, ils ont pu parvenir à une autre conclusion encore plus marquante. Contrairement à tous les autres objets en provenance de cette région, elle était composée de roche, et non de glace.

La boule de feu capturée par le Global Fireball Observatory, au Canada. © University of Alberta

C’est une information extrêmement importante ; l’existence même de cet objet suggère que les astronomes pourraient s’être trompés dans les grandes largeurs sur la composition du Nuage d’Oort. Et le cas échéant, cela pourrait conduire à une large remise en question des théories sur la formation du système solaire. C’est en tout cas ce que les chercheurs expliquent dans leur papier, publié dans la prestigieuse revue Nature Astronomy.

« Cette découverte supporte un modèle de formation du Système solaire radicalement différent », affirme d’emblée Denis Vida, l’un des auteurs de l’étude, dans un communiqué de son université. « Le cas échéant, des quantités significatives de matériel rocheux co-existeraient avec la glace au sein du Nuage d’Oort. Ce résultat n’est pas explicable par les modèles qui sont aujourd’hui favorisés. Cela change complètement la donne », souffle-t-il.

Le débat sur nos origines repart de plus belle

La conclusion la plus évidente, c’est que ces fameux modèles sont donc construits sur des fondations instables. Mais il faut rester prudent sur les implications de cette découverte. Cela ne signifie pas pour autant que les astronomes vont être forcés de réécrire entièrement l’histoire du cosmos. Ils savent pertinemment que leurs scénarios sont imparfaits — ce n’est pas pour rien si l’on parle de modèle.

Tout l’enjeu va désormais être d’affiner ces théories, voire d’en reconstruire des pans entiers pour y intégrer cette nouvelle observation. La prochaine étape consistera à étudier plus précisément la trajectoire de l’objet. Les chercheurs pourront ainsi déterminer dans quelles circonstances ce caillou a pu voyager aussi loin du Soleil après sa naissance.

S’ils parviennent à une conclusion claire, cela le fournira des informations très précieuses. Ils pourront notamment estimer quelle quantité de roche a migré vers les confins du Système solaire au début de son histoire. Il faudra aussi déterminer dans quelles conditions. Le cas échéant, cela permettra de remonter aux origines du nuage, et par extension, de notre voisinage spatial.

Il va sûrement falloir patienter des années avant d’en arriver là. Mais le jeu en vaut la chandelle, car ces informations regorgent d’implications profondes ; elles pourraient à leur tour jouer un rôle déterminant dans d’autres grandes aventures scientifiques. Car il ne s’agit pas seulement de comprendre comment cet immense théâtre a été bâti; on peut aussi espérer découvrir quand et comment les premiers acteurs sont arrivés sur scène.

« Mieux nous comprendrons les conditions dans lesquelles le système solaire s’est formé, mieux nous comprendrons ce qui était nécessaire à l’apparition de la vie », explique Vida. « Nous voulons peindre un tableau, aussi précis que possible, de ces premiers instants du Système solaire qui ont été si importants pour tout ce qui s’est passé depuis. »

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