À l’automne 2021, la sonde InSight a fait une belle découverte sur Mars. Cet engin, qui ausculte la Planète Rouge à l’aide des ondes sismiques pour percer les secrets de sa structure interne, a enregistré deux tremblements de terre particulièrement intenses ; avec des magnitudes respectives de 4,1 et 4,2 sur l’échelle de Richter, il s’agissait des secousses les plus violentes jamais capturées sur Mars. On parle aussi de marsquakes, une contraction de Mars et du terme anglais earthquake (tremblement de terre).
Après plusieurs mois d’analyse, les résultats ont été publiés dans une étude parue au printemps 2022 (voir notre article). Mais cette semaine, d’autres chercheurs ont révélé qu’ils avaient trouvé des signaux encore plus impressionnants dans les relevés de la sonde.
L’information a été partagée dans un communiqué de Taichi Kawamura, un chercheur du prestigieux Institut de Physique du Globe de Paris. Il a annoncé que le 4 mai dernier, InSight avait capturé une secousse spectaculaire.
Le marsquake de tous les records
Pour commencer, elle a duré une dizaine d’heures. C’est déjà un chiffre impressionnant, sachant que jusqu’à présent, les plus longues n’ont même pas dépassé une heure. Et surtout, elle était encore plus intense que les deux événements de septembre 2021. En effet, avec une magnitude estimée à 4,7 sur l’échelle de Richter, il s’agissait « sans aucun doute du plus gros marsquake jamais vu », indique le chercheur.
La différence pourrait sembler assez faible si l’on se réfère uniquement au chiffre. Mais il faut rappeler qu’il s’agit d’une échelle logarithmique. Dans ce cas précis, cela signifie que l’intensité du séisme est multipliée par dix à chaque point supplémentaire. D’après les chercheurs, cette secousse mesurée à 4,7 était donc quatre à cinq fois plus puissante que celles qui ont battu le record l’année dernière.
Cela s’est traduit par un signal incroyablement puissant. « L’énergie libérée par ce marsquake singulier était équivalente à aux énergies cumulées de tous les autres marsquakes enregistrés jusqu’à présent. Même s’il était à plus de 2000 kilomètres, les ondes ont quasiment saturé notre sismomètre ! », souffle Josh Clinton, planétologue au prestigieux ETH Zurich.
C’est une excellente nouvelle pour les chercheurs. Car plus un séisme est puissant, plus les ondes parcourent une distance importante. Par extension, ça signifie qu’elles traversent davantage de structures géologiques dont on peut tirer des informations en analysant l’onde. En effet, la propagation des ondes sismiques est affectée par les propriétés des milieux qu’elles traversent. En étudiant le signal à l’aide d’outils analytiques poussés, il est donc possible d’en déduire des tas d’informations sur la structure et les matériaux du sous-sol.
Une fenêtre sur un point névralgique de la géologie martienne
Et en l’occurrence, les ondes associées à ce mégaséisme ont fait un sacré bout de chemin. « Pour la première fois, nous avons pu identifier des ondes de surface, qui se déplaçaient dans la croûte et le manteau, qui ont fait plusieurs fois le tour de la planète », explique Clinton. Il s’agit donc de relevés particulièrement intéressants pour les chercheurs.
Le dernier élément fascinant, c’est la localisation de ce séisme record. En effet, il est originaire d’une région située à proximité d’une région baptisée Cerberus Fossae. Or, cette zone est déjà dans le collimateur des chercheurs. Il y a un peu plus d’un mois, une autre équipe de l’ETH Zurich qui travaillait sur les relevés d’InSight y a identifié une vingtaine de séismes étranges. À cause de leur profil très particulier, les chercheurs ont suggéré que du magma à l’état liquide pourrait se cacher sous la surface de Cerberus Fossae.
Le baroud d’honneur exceptionnel du soldat InSight
Il sera donc intéressant de suivre les résultats de cette étude ; ce séisme unique en son genre pourrait bien révéler de nouvelles informations sur ce qui se trame dans les tréfonds de la Planète rouge. Et même s’il n’apporte aucune information déterminante à ce niveau, il continuera d’être utile. Puisqu’il a parcouru l’intégralité de la planète à plusieurs reprises, le signal pourra aussi être comparé à ceux des plus petits séismes pour affiner les conclusions précédentes des chercheurs.
Reste encore à savoir si InSight survivra assez longtemps pour connaître le fin mot de l’histoire. Ses jours sont en effet comptés ; il est en train d’étouffer sous la couche de poussière martienne qui s’agglomère sur ses panneaux solaires. La NASA s’attendait à ce qu’il flanche en juillet dernier ; ce n’est donc probablement plus qu’une question de mois avant que la sonde ne rende son dernier signal.
L’engin méritera alors un bel hommage posthume grâce à ses états de services remarquables. Si, d’ici quelques années, des chercheurs parviennent à découvrir des traces de vie ou à confirmer la présence de magma dans les profondeurs de Mars, ce sera en grande partie grâce aux prouesses de cette merveille d’ingénierie.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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