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Cette pilule connectée est un mouchard qui surveille les tripes de l’intérieur

Une preuve de concept intéressante qui pourrait propulser le développement d’une niche technologique immensément prometteuse.

En médecine, qu’il s’agisse d’une maladie bénigne ou d’une urgence vitale, le succès d’un protocole thérapeutique dépend souvent de l’accès aux données. C’est d’autant plus vrai pour les maladies chroniques ; il est parfois très difficile d’avoir une idée claire du tableau clinique avec quelques examens ponctuels.

Pour contourner ce problème, il faudrait donc réaliser des examens très régulièrement, voire en permanence. Mais malheureusement, c’est souvent inconcevable, autant pour des raisons pratiques et logistiques que pour le confort des patients.

Mais les chercheurs ne perdent pas espoir ; ce champ de recherche continue d’avancer avec la miniaturisation progressive des systèmes électroniques sans fil. Depuis quelques années déjà, nous entendons parler d’appareils biocompatibles, comme des puces sous-cutanées. Ils pourraient examiner le porteur en permanence, collecter ces données, et les transmettre directement à un professionnel de santé.

Ce type de technologie pourrait faire des merveilles pour la prise en charge d’un tas de pathologies. On peut par exemple imaginer une puce ou une pilule connectée consacrée au suivi de la glycémie pour les diabétiques, de certains pathogènes, des marqueurs inflammatoires… et ainsi de suite.

Une idée déjà explorée sans succès

Mais pour l’instant, deux problèmes bloquent encore l’évolution de cette niche technologique. Le premier est avant tout éthique et sécuritaire ; comme tous les appareils électroniques, ils pourraient être exploités par des pirates ou des entreprises. Mais il s’agit d’une question extrêmement dense dont nous ferons volontairement abstraction dans cet article pour nous concentrer sur le second volet, celui de la faisabilité pratique.

Car techniquement parlant, concevoir un tel appareil n’est pas chose aisée. Pour commencer, il doit être biocompatible ; cela signifie qu’il doit pouvoir résider dans l’organisme sans être identifié comme un corps étranger, ce qui a pour effet de déclencher une réaction immunitaire.

L’autre gros souci, c’est celui de l’alimentation. Pour être utiles en conditions réelles, ces appareils doivent fonctionner sur des durées prolongées. Or, cela va sans dire, il n’est pas souhaitable d’ingérer ou de se faire implanter un dispositif muni d’une batterie Li-ion standard. Il faut donc trouver des matériaux alternatifs pour les alimenter sans utiliser de composés dangereux pour l’organisme.

Une pilule connectée alimentée par l’organisme

Mais une équipe de chercheurs de l’Université de San Diego a réussi à surmonter ces obstacles. Dans des travaux repérés par IEEE Spectrum, ils ont conçu une pilule connectée, parfaitement biocompatible, et capable de surveiller le système digestif d’un patient en permanence. Grâce à une petite antenne sans fil, elle est capable de mesurer en temps réel le taux de glucose dans l’intestin.

Elle peut aussi traquer différents autres produits du métabolisme. Cela aidera les médecins à formuler un diagnostic ou à proposer une solution thérapeutique sur mesure. C’est une grande première pour un appareil de ce type. Et cette pilule pourrait améliorer la prise en charge des 20 % d’adultes qui rencontreront des soucis gastro-intestinaux au cours de leur vie.

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© Jarmolu / Pixabay

Pour cela, elle est recouverte d’un enduit qui la protège des acides gastriques pendant son passage dans l’estomac. Une fois arrivée dans la zone de vérité, cette couche est dissoute pour permettre au dispositif d’analyser son environnement.

Mais pour trouver la principale innovation qui rend ce concept intéressant, il faut se pencher sur la batterie. Ou plutôt sur son absence. En effet, cette pilule fonctionne sans aucun accumulateur standard. À la place, les chercheurs l’ont équipée d’une minuscule pile à combustible un peu particulière ; elle produit l’énergie dont elle a besoin directement à partir du glucose intestinal qu’elle analyse. Elle ne comprend donc aucun composé toxique susceptible de faire des dégâts en cas de défaillance.

Un concept pas encore mature…

En revanche, il ne s’agit que d’une preuve de concept ; pour l’instant, elle n’a été testée que sur des cochons. Ces derniers sont des cobayes pertinents dans ce cas de figure. La structure de leur système digestif est en effet assez proche de ce que l’on trouve chez les humains. Mais métaboliquement parlant, ce sont deux espaces très différents. Il faudra donc confirmer la viabilité du concept chez les humains grâce à un essai clinique.

De plus, elle souffre d’un problème de taille ; le dispositif mesure 2,6 cm de long pour 0,9 cm de diamètre. Rien de bien intimidant pour un porc. En revanche, c’est encore trop gros pour être ingéré sans gêne par un humain normalement constitué.

Malgré ces limites, les chercheurs sont enthousiastes quant aux perspectives d’avenir de leur concept. « Cela nous permet d’ouvrir une nouvelle fenêtre sur le corps humain », explique Patrick Mercier, auteur principal de l’étude. « Nous pourrions accéder à de nouvelles applications intéressantes pour la prise en charge du diabète, la nutrition, et ainsi de suite. »

… mais un potentiel clinique gigantesque

C’est d’autant plus important que depuis quelques années, l’importance du microbiote intestinal a explosé au grand jour. On sait déjà que cette foule de petits micro-organismes participe activement à la digestion ; mais récemment, de plus en plus de nouvelles études ont commencé à montrer qu’il était aussi très important pour le système immunitaire et même la santé mentale.

Malheureusement, c’est aussi très difficile de l’étudier convenablement ; aujourd’hui, la seule approche possible, c’est de travailler avec des échantillons de selles ou des endoscopies aussi invasives que désagréables. Et il ne s’agit que d’examens ponctuels, un peu comme des photos prises à un instant t. Ces procédures n’offrent que très peu d’informations sur la partie la plus intéressante, à savoir la dynamique qui anime cette arche de Noé microbienne.

En offrant un accès inédit aux tréfonds du corps humain, ces appareils connectés pourraient devenir indispensables pour les chercheurs et les médecins. © qimono – Pixabay

« Le système digestif et son microbiote sont une composante si importante de la santé humaine, et pourtant, nous n’avons pas vraiment de moyen de l’échantillonner correctement », déplore Mercier. En attendant d’en savoir plus, nous sommes donc privés d’un grand nombre d’informations qui pourraient améliorer la santé de nombreux individus.

Mais la donne pourrait changer grâce à ces objets médicaux connectés. « La capacité d’étudier cette dynamique va potentiellement révolutionner notre compréhension du microbiote intestinal, et offrir des opportunités de thérapies personnalisées », se réjouit-il.

Le cas échéant, il faudra aussi tenir compte de l’aspect sécuritaire et éthique qui a été volontairement ignoré dans cet article. Mais il s’agira tout de même d’un informateur redoutable qui pourrait faire des merveilles dans l’arsenal thérapeutique des soignants d’ici quelques années, puisque les bases technologiques sont déjà bien en place.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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1 commentaire
  1. Merci Antoine, les seuls articles intéressants, bien structurés et sans fautes d’orthographe (ou de grammaire) sont tous écrits par toi. Il était temps que quelqu’un relève le niveau.

Les commentaires sont fermés.

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