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Un satellite ruine des observations astronomiques, des experts s’inquiètent

Depuis son arrivée en orbite, BlueWalker 3 perturbe les observations de certains astronomes. Et la situation pourait encore empirer.

Le BlueWalker 3, un satellite de l’opérateur AST SpaceMobile, a rejoint l’orbite terrestre le 10 septembre dernier. C’est un engin assez particulier dont l’objectif est de proposer un accès au réseau mobile directement par satellite. Pour ce faire, il est équipé du plus gros ensemble d’antennes jamais vues sur un satellite commercial… et cette structure est en train de provoquer une sacrée pagaille chez les astronomes.

Des photobombs à répétition

Le souci, c’est que ses 64 m² d’antennes réfléchissent de grandes quantités de lumière. Le satellite apparaît donc comme un point très brillant dans le ciel nocturne. Or, les télescopes fonctionnent généralement avec des temps d’exposition assez longs ; ils capturent des signaux sur des périodes étendues. Cela permet de repérer les astres les plus discrets qui seraient autrement invisibles.

© AST SpaceMobile

Mais lorsqu’un point brillant se déplace dans l’orbite de la Terre, cela donne des artefacts visuels indésirables. Et depuis son entrée en fonction, BlueWalker 3 a déjà photobombé plusieurs observations astronomiques.

Sur les images ci-dessous, qui proviennent du Kitt Peak Observatory aux États-Unis, on observe une ligne très nette ; elle correspond au passage du satellite pendant la prise de vue. Et cette balafre cosmique empêche malheureusement les astronomes d’observer correctement ce qui se passe à proximité.

L’autre problème, c’est que le signal extrêmement intense émis par ce satellite est situé précisément dans la bande de fréquence exploitée par certains radiotélescopes. C’est particulièrement problématique, car les télescopes radio de pointe sont extrêmement sensibles.

Pour cette raison, ils sont construits dans des zones à la couverture réseau quasiment inexistante, car ces signaux pourraient perturber les observations. On parle alors de radio quiet zone. Et ce sont des espaces très surveillés, où il est tout simplement interdit d’utiliser un téléphone cellulaire. Mais les engins en orbite ne sont pas soumis à ces restrictions.

Un impact important sur la qualité des observations

Les astronomes s’inquiètent donc de son impact sur la qualité des études scientifiques. « Leurs interférences avec les observations astronomiques pourraient sévèrement handicaper notre progression dans la compréhension du cosmos », regrettent-ils.

C’est d’autant plus ennuyeux que cela concerne des champs de recherche très importants ; de nombreuses études en astrophysique dépendent directement des relevés de ces télescopes. Et puisque cette discipline exige un niveau de précision très important, le simple passage d’un engin comme BlueWalker 3 peut aisément ruiner une observation.

Et le plus gros souci, c’est qu’il ne s’agit probablement que d’un début. BlueWalker 3 n’est que le premier représentant de ce qui doit devenir une constellation entière de satellites. Et avec une centaine de ces appareils en orbite, il pourrait devenir très difficile d’observer correctement le cosmos depuis la Terre…

Les satellites comme BlueWalker 3 peuvent saboter les observations des télescopes optiques et radio terrestres. © Gontran Isnard

Une tendance très inquiétante

L’International Astronomical Union, l’organisation qui chapeaute la recherche en astronomie à l’échelle mondiale, a donc choisi d’intervenir. Dans un communiqué repéré par Space.com, l’institution s’est attaquée frontalement à BlueWalker 3 et aux constellations de satellites en général.

Ses porte-paroles commencent par reconnaître l’intérêt de ces engins. « Les partenaires reconnaissent que les nouvelles constellations de satellites jouent un rôle important dans les communications à l’échelle de la planète », expliquent-ils. Mais ils mettent aussi en garde contre la menace que cela représente.

Mais les auteurs supplient aussi les opérateurs de faire preuve de prudence et de retenue. Ils estiment que le déploiement des constellations, très à la mode en ce moment avec l’explosion de l’aérospatiale privée, est en train de virer à l’anarchie complète. Selon eux, il est donc urgent de prendre des précautions. « Le déploiement devrait être conduit en tenant compte de ces effets secondaires, et en faisant des efforts pour minimiser l’impact sur l’astronomie », plaident-ils.

Car dans le cas contraire, nous pourrions nous diriger vers un désastre scientifique. « Les fréquences allouées aux téléphones compliquent déjà les observations, même dans les radio quiet zones. Les nouveaux satellites comme BlueWalker 3 pourraient faire empirer cette situation et compromettre notre capacité à produire des résultats scientifiques », précise le communiqué.

Vers une réglementation plus stricte des constellations ?

C’est une critique qui commence à devenir récurrente pour tous les opérateurs de constellations spatiales. On peut notamment citer les nombreux astronomes, amateurs comme professionnels, dont les clichés ont été mutilés par les Starlinks de SpaceX. Et si ces derniers étaient déjà handicapants, les satellites comme BlueWalker 3 représentent une menace encore nettement plus importante.

AST SpaceMobile s’est défendue dans une déclaration à Space.com. Le porte-parole explique par exemple que la firme travaille sur une nouvelle génération de matériaux antireflets. Cela permettrait effectivement d’éviter les stries que l’on observe sur les images ci-dessus ; mais cela ne suffira malheureusement pas à régler le problème du signal radio.

Le Starlink d’Elon Musk faisait déjà jaser bien avant l’arrivée de BlueWalker 3.  © Starlink

Il sera donc intéressant d’observer les retombées de cet appel. S’il est entendu, il permettra peut-être de lancer un grand débat à l’échelle de l’industrie. Avec un peu de chance, cela conduira à l’établissement d’un cahier des charges plus strict pour le déploiement des constellations.

Mais connaissant les enjeux financiers énormes, il semble improbable que toutes les entreprises privées acceptent de s’y plier. L’idéal serait donc que les gouvernements eux-mêmes légifèrent à ce sujet.

C’est d’autant plus important que le déploiement anarchique de ces satellites pose aussi d’autres problèmes. On peut notamment citer le fameux Syndrome de Kessler ; la NASA a encore rappelé récemment qu’il fallait prendre cette menace « très au sérieux ». Espérons donc que les décideurs concernés sauront prendre les décisions qui s’imposent avant qu’il ne soit trop tard…

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