Les addictions à des substances dangereuses ne sont pas nouvelles et existent depuis la nuit des temps. Mais avec les progrès de la pharmacologie, des drogues de plus en plus puissantes, addictives arrivent sur le marché. Et souvent, elles ont des conséquences terribles pour les usagers qui en abusent. Une équipe de chercheurs de l’université d’Houston veut changer cela avec des travaux repérés par Interesting Engineering; elle espère améliorer la prise en charge des patients accros à un narcotique particulièrement dévastateur grâce à un vaccin.
La substance en question, c’est le fentanyl. Chimiquement parlant, cette drogue appartient à la classe des opioïdes, une famille de molécules qui comprend notamment la morphine. Techniquement, elle est censée servir d’antidouleur dans des cas de souffrance très importante ; les médecins la prescrivent notamment à des patients atteints de douleurs chroniques insupportables, par exemple dans le cadre de cancers très avancés.
Un désastre de santé publique
Le souci, c’est que le fentanyl présente une double particularité malheureuse. En premier lieu, il est environ 100 fois plus puissant que la morphine et 50 fois plus puissant que l’héroïne, des substances dont les effets dévastateurs sont déjà bien documentés. Il est si puissant qu’à peine deux milligrammes sont généralement fatals pour l’usager. Et ce même si celui-ci présente déjà une accoutumance aux opioïdes.
L’autre problème, c’est qu’il est aussi très peu cher à produire. Ces dernières années, les trafiquants s’en sont donc emparés ; aujourd’hui, le fentanyl est souvent utilisé comme additif pour augmenter la puissance d’autres drogues illégales, ou pour les couper afin d’en réduire le prix.
Cette combinaison détonante fait notamment des ravages aux États-Unis et au Canada ; le fentanyl est directement responsable de plusieurs dizaines d’overdoses chaque jour. De plus, il répond assez mal à la naloxone, souvent utilisée en dernier recours pour sauver une personne d’une surconsommation d’opioïdes.
Ce fléau est particulièrement problématique dans les zones les plus défavorisées, comme la banlieue de Houston; d’après les autorités de santé locale, entre 2011 et 2017, le nombre de décès liés au fentanyl a augmenté de 1125 % dans le fief des Rocket. Et cette dynamique semble avoir encore accéléré depuis.
Le système immunitaire mis à contribution
C’est dans ce contexte que l’Université de Houston a souhaité s’attaquer au problème avec une nouvelle approche. Une équipe de chercheurs a développé un vaccin qui stimule le système immunitaire afin d’empêcher cette molécule diabolique de parvenir au cerveau.
Pour l’instant, il n’a été testé que sur des rongeurs ; mais les résultats suggèrent fortement que ce traitement empêche l’usager de ressentir les effets recherchés. Cela évite ainsi de stimuler les circuits neurologiques responsables de l’addiction.
« Notre vaccin est capable de générer des anticorps anti-fentanyl qui se lient aux molécules de fentanyl consommées et l’empêchent d’accéder au cerveau », explique Colin Haile, auteur principal de l’étude, dans un communiqué. « Il peut ainsi être éliminé par l’intermédiaire des reins. Par conséquent, l’individu ne ressentira aucune euphorie », détaille-t-il.
L’autre avantage, c’est que l’inoculation de ce vaccin n’a provoqué aucun effet secondaire chez les rats. Les chercheurs n’ont pas non plus constaté d’interaction indésirable avec les autres substances qui sont régulièrement mélangées au fentanyl. Une excellente nouvelle pour le potentiel clinique de ce vaccin.
« Les anticorps étaient spécifiques au fentanyl et à ses dérivés, et n’ont pas provoqué de réaction croisée avec les autres opioïdes », explique Haile. En pratique, cela signifie que ce vaccin ne ferme pas la porte à l’usage médical d’autres opioïdes pour traiter des douleurs sévères. C’est particulièrement important, car c’est souvent dans ce contexte de grande souffrance que des gens développent ces addictions aux dérivés de la morphine.
De belles promesses pour la lutte contre les addictions
D’après les auteurs, cette découverte pourrait avoir des implications profondes pour la lutte contre l’addiction aux opioïdes. Grâce à ce vaccin, un médecin pourrait mettre en place un protocole de sevrage; ce fentanyl neutralisé serait alors utilisé comme substitut. Il pourrait remplacer des médicaments comme la méthadone, dont l’efficacité est relativement aléatoire car dépendante d’un grand nombre de facteurs.
Armée de ces résultats prometteurs, l’équipe de Houston compte désormais lancer la production d’un vaccin légèrement adapté pour convenir à la physiologie humaine. Il sera testé prochainement dans le cadre d’un grand essai clinique. Il sera donc intéressant de se pencher sur les conclusions des chercheurs au terme de ce protocole. Car en cas de succès, cette approche pourrait effectivement aider certaines personnes à reprendre le contrôle de leurs vies.
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