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Le JWST capture la genèse d’une étoile au milieu d’un “papillon” cosmique

L1527 se livre à un festin solitaire au milieu de cette superbe nébuleuse.

Le James Webb Space Telescope vient de révéler sa dernière image d’une superbe structure qui ressemblerait presque à un immense papillon cosmique. Mais de quoi s’agit-il ?

Ces immenses nuages de gaz sont localisés dans ce qu’on appelle le nuage moléculaire 1 du Taureau. C’est une région particulièrement intéressante pour les professionnels qui passent l’espace au peigne fin. Il s’agit en effet d’une pouponnière stellaire, c’est-à-dire une zone où de nombreuses étoiles se forment.

Elle présente une activité certes moins importante que les nurseries de toute première catégorie, comme la nébuleuse d’Orion (voir notre article), mais elle est située à environ 457 années-lumière de la Terre, ce qui en fait la nurserie de grande taille la plus proche de notre système solaire.

C’est donc une ressource de grande valeur, car cette proximité permet d’étudier les mécanismes de formation des étoiles avec un haut degré de précision. Les astronomes peuvent ainsi récolter de précieuses informations sur ce processus éminemment important, qui joue un rôle déterminant dans l’architecture et la dynamique de l’Univers.

© NASA

Par contre, il est traditionnellement assez difficile de les observer à cause de la nature des principaux matériaux utilisés lors de ce processus. En effet, les étoiles se forment suite à l’agglomération progressive de grandes quantités de gaz et de poussière qui ont tendance à boucher la vue aux télescopes standard. Les pouponnières sont donc littéralement entourées d’un voile de mystère.

Mais le JWST n’en a que faire. Rappelons que contrairement aux télescopes comme Hubble, qui récolte majoritairement dans la lumière visible et le rayonnement ultraviolet, le Webb est conçu pour observer le rayonnement infrarouge, qui beaucoup moins de mal à se frayer un chemin à travers ces nuages de gaz.

Cette particularité permet à la nouvelle coqueluche des astronomes d’observer directement la zone de vérité de ces zones de formation d’étoiles. Ils l’ont déjà fait à plusieurs reprises ; on peut citer les nouvelles images d’Orion, des Piliers de la Création ou encore de la Nébuleuse de la Tarentule.

Et cette nouvelle image ne fait pas exception. Pile au milieu des deux parties du nuage, on distingue un point brillant, baptisé L1527 ; il correspond à une protoétoile, c’est à dire une étoile juvénile en cours de formation. En l’occurrence, nous avons affaire à une protoétoile de classe 0, l’étape la plus précoce. À ce stade, cet astre en devenir n’a même pas encore initié les réactions de fusion nucléaire dantesques qui définissent les étoiles matures ; il s’agit encore d’un petit nuage de gaz surchauffé et relativement instable… mais tout indique qu’il va grandir assez rapidement.

Un festin solitaire

Sa lumière inonde les superbes volutes de poussière qui définissent la nébuleuse. Elle met ainsi en évidence les cavités des nuages avoisinants, creusées par des émissions de matière catapultée depuis cette jeune étoile. Mais surtout, cette dynamique est aussi à l’origine des longs filaments que l’on distingue de part et d’autre. Il s’agit de poches d’hydrogène violemment percutées par ces émanations ; cela génère des turbulences importantes qui inhibent la formation d’étoiles dans les « ailes » du papillon.

Cela signifie que L1527 s’est comportée comme un coucou ; elle a plus ou moins tué ses frères et sœurs potentiels dans l’œuf. Résultat, la protoétoile règne en maître sur sa nébuleuse. Elle n’a donc pas besoin de partager tout ce matériel; elle peut quasiment tout consommer elle-même, ce qui suggère qu’elle pourrait grandir très rapidement.

© NASA, ESA, CSA, STScI (Joseph DePasquale , Alyssa Pagan, Anton M. Koekemoer)

En l’observant de près, on distingue même une manifestation physique de ce festin. Au centre, on remarque une petite barre sombre perpendiculaire à l’axe du « papillon ». Au fur et à mesure que les étoiles grandissent, leur masse — et par extension leur influence gravitationnelle sur leur environnement — devient de plus en plus importante ; cela conduit à une accrétion de gaz et de poussière de plus en plus rapide.

Ce matériel se retrouve capturé au sein d’un disque dense ; on parle de disque d’accrétion. Pour référence, celui que l’on observe de profil au centre de cette image mesure à peu près la taille de notre système solaire !

Cette structure sert de garde-manger à l’étoile ; les forces gravitationnelles vont progressivement arracher ce matériel et le faire « tomber » en direction de l’astre, qui va graduellement devenir de plus en plus stable et compact. À un moment donné, il passera un seuil critique qu’on peut assimiler à la puberté ; cela signera le début des réactions thermonucléaires qui feront passer cette protoétoile au stade de vraie étoile en bonne et due forme.

Les restes du disque, eux, pourront soit finir dans l’étoile elle-même, ou former des embryons de planètes qui donneront naissance à des corps célestes d’une taille comparable à celle de Mars. Mais nous ne serons plus là pour en profiter ; le processus prendra plusieurs dizaines de millions d’années. Entre-temps, les astronomes pourront tout de même en profiter pour étudier L1527 en détail, ce qui pourrait permettre de récolter des informations importantes sur les prémices de notre propre système solaire par analogie.

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