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Ce radar chinois est-il une manifestation de la “nouvelle guerre froide” ?

Alors que les États-Unis dominent toujours l’orbite terrestre, un nouveau modèle de radar chinois montre que le statu quo commence à évoluer.

Plus le temps passe, plus l’espace devient un domaine important pour le quotidien des terriens. Aujourd’hui, l’accès à l’orbite terrestre est un facteur très important pour le rayonnement géopolitique des nations, autant en termes scientifiques que militaires ou économiques.

C’est dans ce contexte que la Chine a développé un tout nouveau système radar capable de suivre les satellites à la trace depuis la surface de la Terre avec une grande précision ; et certains observateurs commencent à y voir les prémices d’une inversion des rapports de force dans ce domaine.

À l’heure actuelle, il y a une nation qui domine outrageusement l’orbite terrestre : les États-Unis. Selon N2YO, un site spécialisé dans le suivi de ces engins, l’Oncle Sam dispose aujourd’hui de plus de 5500 satellites en orbite — la flotte la plus importante au monde, et de très loin.

À titre de comparaison, le Royaume-Uni, qui y est aussi très présent, ne possède que 472 satellites à l’heure où ces lignes sont écrites. La France, de son côté, n’en compte que 89 (93 si l’on inclut les engins franco-italiens et franco-allemands).

Lorsqu’on pose les yeux sur ces chiffres, on pourrait considérer que les États-Unis vont continuer de faire la pluie et le beau temps de l’autre côté de la Ligne de Karman pendant de longues années. Mais cet état de fait pourrait être remis en question; depuis quelque temps, nous assistons à l’émergence d’un autre protagoniste très sérieux, à savoir la Chine.

Le contingent chinois en pleine bourre

Elle affiche des progrès fulgurants dans tous les domaines de l’aérospatiale. En quelques années, ses ingénieurs ont considérablement accéléré leurs travaux de recherche fondamentale dans l’espace. Ils ont aussi amélioré leurs capacités de lancement (notamment du côté des lanceurs lourds à l’importance stratégique considérable), commencé une grande campagne d’exploration de la Lune, assemblé une toute nouvelle station spatiale

Tiangong, la station spatiale chinoise. © CNSA

Cette montée en puissance n’est pas passée inaperçue du côté des Américains, qui surveillent en permanence les moindres faits et gestes de leur meilleur ennemi. Et cette situation commence même à générer une certaine fébrilité de l’autre côté de l’Atlantique. Nous l’avons encore constaté cet été avec les déclarations de Bill Nelson, administrateur de la NASA (voir notre article).

Et ce n’est probablement qu’un début, car le pays de Xi Jinping n’a aucune intention de courber l’échine. Il continue sa (longue) marche en avant ; l’écart pourrait désormais se réduire encore davantage avec l’arrivée de ce fameux nouveau radar, baptisé SLC-18.

Comme indiqué en tête d’article, cet engin est spécialisé dans le suivi des satellites en orbite basse. Il est capable de détecter et de pister plusieurs satellites simultanément tout en prévoyant leurs trajectoires respectives, par tous les temps et avec un champ de vision très large. Il s’agit donc clairement d’un équipement défensif très performant qui pourra être utilisé par des services de renseignement pour réduire l’avantage stratégique des nations les mieux installées dans l’espace… à commencer par — vous l’aurez deviné — les États-Unis.

Un embryon de “guerre froide” ?

C’est un point tout sauf anecdotique. Car depuis quelque temps, le contingent américain affiche ouvertement son ambition de « contrer »  l’influence grandissante de la Chine. On peut par exemple citer le fameux Chips & Science Act; c’est un gigantesque plan de subvention à travers lequel le Congrès américain espère garder une longueur d’avance dans des domaines très importants, comme la filière des semi-conducteurs (voir notre article).

© Xinhua via Global Times

Et cela ne s’arrête pas là ; pour arriver à ses fins, l’Oncle Sam a aussi tendance à forcer la main à certains de ses partenaires historiques pour qu’ils prennent position contre la Chine. Ajoutez à cela d’autres points de friction, comme Taïwan (voir notre article), et vous obtenez une situation qui conduit certains analystes à parler de « guerre froide » entre les deux nations. Certes, Joe Biden a tenu à réfuter cette interprétation lors de sa récente entrevue avec le leader chinois (voir cet article de la BBC). Mais dans ce contexte, il est tout de même intéressant de se pencher sur la formulation employée lors de la présentation de ce radar par le constructeur CETC, qui dépend directement du gouvernement chinois.

Car d’après un porte-parole cité par le South China Morning Post, Pékin compte partager son SLC-18 — mais pas avec n’importe qui. Il a expliqué que ce radar serait réservé aux nations jugées « amicales », sans toutefois préciser lesquelles. On peut affirmer sans trop de risques que les États-Unis n’en feront probablement pas partie.

Une dynamique très importante pour la géopolitique de demain

CETC a surtout indiqué que le radar permettrait aux pays concernés « d’équilibrer les forces en présence sur le champ de bataille ». En d’autres termes, la Chine propose aux pays avec lesquels elle entretient de bonnes relations de leur offrir une technologie susceptible de limiter la suprématie technologique de l’Amérique et de ses alliés, même si elle ne les cite pas explicitement.

Il faut toutefois rester prudent sur l’interprétation ; ce radar ne va pas chambouler à lui tout seul les rapports de force à l’échelle de la planète, loin de là. Mais on peut tout de même y voir un signe que la Chine tente aussi de limiter l’influence États-Unis, à sa manière, par des moyens détournés et sans attaquer frontalement le gouvernement américain.

Le cas échéant, il s’agirait en tout cas d’un mode opératoire très représentatif de la diplomatie chinoise ; même si ce positionnement est jugé hypocrite par certains observateurs occidentaux, elle a toujours accordé une place très importante au principe de non-ingérence dans ses communications officielles. C’est d’ailleurs un point sur lequel elle ne se prive jamais de sermonner l’Oncle Sam, accusé de vouloir jouer au marionnettiste dans les nombreuses régions où il dispose d’intérêts stratégiques.

Il sera donc intéressant de voir avec quels autres États la Chine va partager ce radar, mais aussi et surtout quelle sera la suite des événements. Les Américains vont-ils réussir à « contrer » leur meilleur ennemi ? Ou, à l’inverse, leur suprématie technologique va-t-elle continuer de s’effriter sous les coups de boutoir chinois ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais il conviendra de suivre l’évolution de la situation avec une attention toute particulière, car la réponse pourrait conditionner une part significative du paysage géopolitique de la décennie à venir.

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1 commentaire
  1. Les États-Unis parlent toujours de compétition là où la Chine parle de coopération. Si les USA suivaient cette deuxième voie, et abandonnaient leur volonté de domination mondiale, le Monde y gagnerait en sérénité et je ne suis pas sûr que l’américain moyen y perdrait quoi que ce soit.

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