À l’occasion de l’IBM Summit, qui s’est tenu ce mercredi aux États-Unis, le géant historique de l’informatique a présenté son dernier exploit en date; voici Osprey, un nouvel ordinateur quantique qui devient le nouveau champion de cette catégorie.
Pour comparer la puissance de ces machines, les spécialistes se basent majoritairement sur le nombre de qubits (les sous-unités logiques de l’informatique quantique) dont dispose son processeur. Techniquement, cette donnée ne se suffit pas à elle-même ; d’autres facteurs, à commencer par le mode de fabrication de ces fameux qubits, doivent aussi être pris en compte. Mais il s’agit tout de même d’une bonne indication; et à ce petit jeu là, Osprey n’a tout simplement aucun équivalent.
Pendant longtemps, Google a fait office de référence dans ce domaine avec son Sycamore (54 qubits). En 2019, il est devenu le premier appareil à revendiquer la fameuse « suprématie quantique », c’est-à-dire la capacité à résoudre des problèmes qu’aucun ordinateur traditionnel ne pourrait appréhender dans un délai raisonnable. Il a ensuite été dépassé par le Jiuzhang 2 Chinois et ses 66 qubits.
L’année dernière, c’est IBM qui a jeté un pavé dans la mare ; la firme est devenue la toute première à dépasser le cap symbolique des 100 qubits avec son Eagle (127 qubits). Désormais, elle va encore bien plus loin avec son Osprey ; il revendique un total impressionnant de 433 qubits !
Un grand changement d’architecture à l’horizon
Avec ce nouveau progrès, IBM se rapproche considérablement de son objectif à moyen terme. La firme ambitionne de développer le premier processeur quantique de plus de 1000 qubits; ce sera l’objectif de son futur processeur Condor, attendu en 2023 avec 1121 qubits au compteur. Mais si l’on en croit les propos de Dario Gil, directeur de la recherche chez IBM, pour aller encore plus loin, il va falloir reconstruire une partie des fondations de la discipline. Et cette démarche est susceptible de transformer le monde de l’informatique quantique en profondeur.
Dans un communiqué, il explique que ses équipes travaillent en ce moment sur une toute nouvelle architecture pour ses futurs processeurs quantiques, avec un seul mot d’ordre : la modularité. Ce système, baptisé Quantum System Two (QST), reposera en effet sur un enchevêtrement de puces interconnectées. « Quantum System Two est le premier système d’informatique quantique véritablement modulaire qui pourra être étendu pour assembler des systèmes de plus en plus grands au fil du temps », explique Gil.
Pour y parvenir, IBM a déjà commencé à mettre en place de grands changements que l’on retrouve déjà chez Osprey. Par exemple, les ingénieurs ont complètement abandonné les câbles à micro-ondes qui servaient à transporter le signal au sein des modèles précédents.
Ils étaient assez mal adaptés à cette architecture modulaire, car ils sont très rigides et fragiles. IBM les a donc remplacés par des rubans de câbles flexibles, ce qui a permis d’augmenter le nombre de connexions de presque 80 % — un avantage énorme qui deviendra encore plus important au moment de construire un système modulaire.
Vers les premiers supercalculateurs quantiques
Les ingénieurs d’IBM ont aussi fait des progrès significatifs sur des tas d’autres composants ainsi que sur le versant logiciel. Ils ont ainsi pu augmenter considérablement la puissance de chaque puce. En même temps, ils ont aussi amélioré la stabilité du système et la gestion des erreurs.
Et surtout, ils ont pu réduire considérablement l’espace occupé par le système ainsi que la consommation d’énergie. « Au lieu d’environ 100 watts par qubits, comme c’était le cas auparavant, il nous faut désormais environ 10 milliwatts, donc nous pouvons intégrer beaucoup plus de qubits sur chaque puce », précise Oliver Dial, grand manitou du hardware chez IBM Quantum interviewé par IEEE Spectrum.
Toutes ces améliorations permettront aussi de réduire considérablement le prix d’un tel système. Il s’agit donc de progrès très importants sur la route qui permettent d’envisager des machines nettement plus puissantes et élaborées. Et avec cette nouvelle approche, IBM ambitionne de faire passer cette discipline dans une toute nouvelle dimension. En connectant trois machines basées sur l’architecture QST, la firme espère pouvoir atteindre un total ahurissant de 16,632 qubits — soit près de 40 fois plus qu’Osprey !
En se basant sur ce pronostic, Gil affirme que cette architecture sera un premier pas vers la construction des premiers supercalculateurs quantiques. Il conviendra donc de suivre avec une attention toute particulière l’avancement de ces travaux; ils promettent déjà de révolutionner l’informatique haute performance jusque dans ses fondements.
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