L’usage du smartphone va-t-il déformer les humains du futur ?

[Article mis à jour le 11/11/22 pour souligner davantage la nature avant tout artistique de ces travaux]

Aujourd’hui, une grande partie de la population mondiale passe un temps considérable devant un écran ou avec un smartphone en main. Depuis quelques décennies, ces technologies ont fondamentalement transformé le mode de vie des humains, pour le meilleur et pour le pire… et ce n’est probablement qu’un début. Dans le futur, il faut aussi s’attendre à ce que ces outils influencent directement notre anatomie.

Pour l’illustrer, l’entreprise de télécoms américaine TollFreeForwarding s’est associée à des artistes 3D et des experts de l’ergonomie. Ensemble, ils ont extrapolé à partir des conclusions de plusieurs études scientifiques pour donner vie à Mindy. C’est un avatar humain censé représenter la façon dont notre espèce pourrait évoluer au cours des siècles à venir sous l’influence de notre technologie numérique moderne. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle est assez intimidante.

Un dos voûté et renforcé

La première caractéristique remarquable de Mindy, c’est son dos voûté. Tous ceux qui travaillent devant un ordinateur peuvent en attester ; il est assez facile de se laisser pencher vers l’avant dès qu’on cesse de faire attention à sa posture. Or, cette position est assez contraignante, en particulier pour la colonne vertébrale. Le dos pourrait donc s’adapter à cette habitude en se courbant au fil des générations.

Cette évolution pourrait aussi concerner la base du crâne, qui n’est pas conçue pour supporter une tête désaxée en permanence. « Quand vous travaillez sur un ordinateur ou regardez votre téléphone, les muscles du bas du cou doivent se contracter pour maintenir la tête », explique Daniel Riew, médecin orthopédiste dans un hôpital de New York. « Plus vous regardez vers le bas, plus ces muscles doivent travailler dur. »

Au fur et à mesure, nous pourrions donc assister à l’émergence de ce que les auteurs appellent un « tech neck ». Ce terme désigne un cou très large et musclé, spécialement adapté pour maintenir la tête lorsqu’elle regarde un écran en contrebas.

Des appendices spécialisées dans l’utilisation du smartphone

On retrouve aussi des changements considérables au niveau des bras. Malgré les efforts des constructeurs, la main humaine reste paradoxalement assez mal adaptée à l’utilisation des téléphones portables. « La façon dont nous tenons nos téléphones peut provoquer une usure au niveau de certains points de contact », explique le médecin Nikola Djordjevic.

Sans évolution significative du design de ces appareils, la position de la main pourrait donc s’y adapter. Les doigts des humains du futur pourraient présenter une courbure très importante au repos, de façon à ce que la prise en main des smartphones soit encore plus naturelle.

Selon le même intervenant, cette explication est aussi valable pour le coude. Au fil du temps, les tendons, la musculature et la structure osseuse pourraient évoluer de façon à privilégier un angle d’environ 90° entre les deux segments du bras — la position privilégiée lorsqu’on consulte son smartphone.

Des protections supplémentaires pour les yeux et le cerveau

Les auteurs de ces travaux considèrent aussi que les organes sensoriels pourraient évoluer ans ce sens, à commencer par les yeux. Chacun sait aujourd’hui que l’utilisation prolongée d’un écran peut provoquer de la fatigue, des maux de tête, et même des lésions oculaires sévères dans les cas extrêmes. D’après Kasun Ratnayake de l’Université de Tolède, cette agression constante pourrait conduire à l’apparition d’une seconde paupière transparente. « Les humains pourraient développer une seconde paupière interne pour réduire l’exposition aux lumières néfastes », suggère-t-il.

Si l’on extrapole, c’est même tout l’arsenal optique de l’œil qui pourrait évoluer dans ce sens. « La lentille de l’œil pourrait évoluer pour bloquer la lumière bleue incidente, mais pas les longueurs d’onde plus élevées, comme celles qui correspondent au rouge, au vert ou au jaune », ajoute-t-il. Pour finir, Mindy pourrait aussi présenter un crâne bien plus épais que les humains d’aujourd’hui, pour isoler le cerveau d’une exposition croissante à des tas d’ondes électromagnétiques diverses et variées.

Une expérience de pensée très exagéré

Évidemment, il ne s’agit pour l’instant que d’une expérience de pensée à vocation avant tout artistique ; rien ne garantit que l’humain lambda ressemblera un jour à Mindy. Il faudrait déjà que l’humain continue d’utiliser ces appareils exactement de la même façon qu’aujourd’hui pendant des siècles, ce qui semble hautement improbable vu la vitesse à laquelle ces appareils évoluent.  De plus, il faut garder à l’esprit que les rendus 3D proposés par les auteurs sont très exagérés; l’objectif est surtout de mettre en évidence les conclusions des autres études sur l’usage actuel du smartphone. Même si ces prédictions fantaisistes se vérifient, la différence avec les humains d’aujourd’hui sera beaucoup moins marquée qu’on pourrait le croire avec ces images.

Et le cas échéant, il s’agirait de toute façon d’un processus extrêmement long ; quel que soit votre rapport au smartphone, vous n’allez pas vous retrouver avec une main déformée et une seconde paupière du jour au lendemain. Mais ces travaux ont au moins le mérite d’illustrer à quel point l’impact de la technologie sur l’humain est important, et combien ces outils ont changé la trajectoire de notre civilisation.

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