Avec les progrès fulgurants de l’aéronautique, de la robotique et des sciences des matériaux, les constructeurs de drones accouchent aujourd’hui de petites merveilles d’ingénierie bardées de capteurs et construits avec des matériaux de plus en plus modernes, comme la fibre de carbone. Mais au lieu de pousser dans cette direction, certains chercheurs tentent aussi de sortir des sentiers battus; c’est le cas d’une équipe suisse, dont le drone est partiellement construit… en riz soufflé.
À première vue, on pourrait croire qu’il s’agit d’un projet récréatif mené par des chercheurs en manque d’idées. Mais cet appareil farfelu fait pourtant partie d’un projet on ne peut plus sérieux. Il est conçu pour répondre à un problème non seulement bien réel, mais aussi très important : l’approvisionnement en nourriture dans le cadre de missions de secours.
Les drones à la rescousse
Dans certaines situations, notamment après des catastrophes naturelles, certaines populations peuvent se retrouver complètement isolées; lorsqu’un glissement de terrain ou une inondation barre la route des secouristes, il devient très difficile d’apporter une aide médicale, des fournitures et des victuailles aux victimes. C’est d’autant plus vrai dans les régions inaccessibles aux hélicoptères et autres véhicules aériens.
Pour apporter de l’aide aux personnes sinistrées dans les plus brefs délais, de nombreux services de secours ont déjà commencé à utiliser des drones. Ils sont notamment d’une aide précieuse lorsqu’il s’agit de localiser une personne en difficulté. Et dans les situations les plus compliquées, ils peuvent même transporter du matériel de premiers soins ou de la nourriture.
Le problème, c’est que les drones sont par définition assez mal adaptés à cet usage, car leur mode de fonctionnement les empêche de transporter des objets lourds ou volumineux; ces engins doivent avant tout se transporter eux-mêmes, ce qui diminue considérablement la quantité de matériel qu’ils peuvent emporter. En moyenne, cette charge utile est limitée à environ 30% de la masse totale du drone.
C’est là qu’interviennent les chercheurs de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, en suisse. Au lieu de lutter contre les lois de la physique, ils ont exploré une autre piste : intégrer la charge utile – en l’occurrence, de la nourriture – à la structure même du drone.
Une aile en riz soufflé
Pour y parvenir, ils ont dû trouver un composé comestible susceptible de convenir à cet usage. Les fabricants de drones ont souvent recours à de la mousse de polypropylène, un matériau à la fois suffisamment stable, résistant et exceptionnellement léger. Et les chercheurs ont trouvé un matériau mangeable qui partage ces caractéristiques : le riz soufflé !
Tous les amateurs de galettes et autres en-cas à base de riz le savent, ce n’est pas franchement un matériau qui brille par sa résistance. Pour améliorer ses propriétés mécaniques, les chercheurs ont commencé par l’agglomérer à l’aide d’une gélatine alimentaire. Ils ont ensuite découpé ces blocs en tuiles hexagonales à l’aide d’un laser avant de les assembler en plaquettes et de les emballer dans du plastique.
Cette architecture permet de produire une structure plutôt résistante, flexible et étanche qui, une fois montée sur un petit drone en fibre de carbone, se comporte comme une vraie petite aile en bonne et due forme.
L’engin peut alors voyager à environ 35 m/s pour rejoindre une zone sinistrée où il sera réceptionné par les victimes; ces dernières n’ont plus qu’à déballer son aile et à la manger directement, sans préparation ou cuisson, pour bénéficier d’un apport en calories bienvenu – et parfois même vital dans ces situations.
De plus, le riz est une céréale généralement peu chère et abondante. Il est aussi très facile à usiner lorsqu’ il est soufflé et compressé. Cela permettrait de répondre à des situations critiques assez rapidement. Il s’agit donc d’un idée très intéressante qui pourrait véritablement sauver des vies.
Un concept loin d’être mature, mais très intéressant
Avant d’en arriver là, le concept va encore devoir gagner en maturité. La principale limite est liée aux qualités nutritionnelles du riz. Même s’il présente une densité calorique “respectable” d’après les chercheurs, il en faudrait tout de même une quantité considérable pour subvenir aux besoins d’un adulte. Les chercheurs expliquent que pour acheminer l’équivalent d’un petit déjeuner standard (environ 300 kcal), l’envergure de cette aile comestible devrait approcher les 7 mètres. Une sacrée galère logistique en perspective.
Mais cela ne signifie pas que cette approche n’a aucun avenir. Cette aile en riz soufflé n’est qu’une preuve de concept qui devait démontrer la faisabilité du projet. Désormais, les chercheurs vont réitérer l’expérience avec d’autres matériaux plus consistants.
“Nous pouvons étendre le concept pour utiliser des matériaux à base de graisse, comme de la cire comestible”, explique Bokeon Kwak, l’un des auteurs de l’étude, dans une interview à IEEE Spectrum. “Les graisses offrent plus de calories par gramme que les protéines et les carbohydrates”. Pas idéal pour le Nutriscore, mais une bonne nouvelle pour des personnes sinistrées.
En parallèle, ils chercheront aussi à pousser le concept encore plus loin; ils espèrent remplacer la majorité de la structure par des matériaux comestibles, afin de maximiser l’apport nutritionnel de chaque appareil.
Autant dire qu’il faudra être patient, mais à terme, ces engins pourraient bien sauver la mise à des personnes coincées dans des zones reculées… et d’ici-là, les chercheurs s’en serviront peut-être pour partager un casse-croûte d’un laboratoire à l’autre.
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Le prochain c’est le drone partiellement fumable 🙂
(Pour alimenter les zones difficiles d’accès)
Le problème de la charge utile ne se pose que pour les drones électriques.
Les vrais drones professionnels, comme ceux utilisés par les secouristes (et l’armée, pompiers, médecins, géologues, scientifiques, etc.) sont des drones a essence, avec de bons vieux moteurs a explosion…
Yay, comme ça ensuite on polu l’endroit où l’on envoit cette nué de drone de riz. \o/
Je ne comprends pas l’intérêt… Même si un drone classique ne peut transporter que 30% de charge utile, il faudrait combien de ces drones comestibles pour envoyer autant de galettes de riz? Pourquoi envoyer 10 drones quand 1 seul peut le faire…