À notre échelle, la mesure du temps est conceptuellement assez simple ; à condition de se satisfaire d’un degré de précision moindre, il est même possible de le faire avec des appareils très rudimentaires. Dès l’antiquité, de grands esprits ont par exemple imaginé divers objets prévus à cet effet, comme l’horloge hydraulique ou le cadran solaire.
Pour améliorer la précision de ces mesures, les inventeurs ont imaginé des mécanismes basés sur des phénomènes de plus en plus subtils, parfois invisibles à l’œil nu ; l’invention de la montre à quartz, par exemple, a par exemple fait passer l’horlogerie dans une toute nouvelle dimension en intégrant un cristal capable d’osciller plusieurs centaines de milliers de fois par seconde. Aujourd’hui, il les instruments les plus performants de cette catégorie sont les horloges atomiques, qui se basent sur la décomposition radioactive de certaines espèces chimiques.
Dans l’espoir d’atteindre des niveaux de précision encore plus importants, certains chercheurs ont continué à suivre la voie toute tracée de la miniaturisation ; ils espèrent désormais faire sauter tous les intermédiaires. L’objectif est d’utiliser directement le mouvement des particules pour mesurer le temps avec une précision quasiment absolue.
Mais lorsqu’on s’aventure dans ce domaine, tout devient beaucoup plus compliqué. Par définition, le fait de mesurer le temps implique généralement de disposer d’un point de départ ; il faut trouver un point de repère pour savoir quand démarrer le chronomètre, en somme. Et c’est quelque chose qui est extrêmement difficile à définir lorsqu’on s’intéresse aux particules individuelles. Des chercheurs de l’Université d’Uppsala, en Suède, ont tenté de contourner cet obstacle dans des travaux repérés par NewScientist.
La montre de Schrödinger
Pour y parvenir, ils ont commencé par faire passer des atomes d’hélium en superposition quantique. Très vulgairement, dans cet état, les particules peuvent simultanément présenter plusieurs niveaux d’énergies différents jusqu’au moment où l’on cherche à la mesurer. Cette notion assez abstraite est souvent illustrée à l’aide du fameux chat de Schrödinger, dont on dit souvent qu’il est « à la fois mort et vivant » jusqu’à l’ouverture de la boîte.
Ces différents niveaux d’énergie ont tendance à interagir entre eux, produisant ainsi ce qu’on appelle des motifs d’interférences qui évoluent au fil du temps, sans jamais se répéter. En théorie, ils peuvent donc être utilisés comme marqueurs pour suivre le passage du temps.
Pour le vérifier, les chercheurs ont mesuré les motifs d’interférence pendant une durée extrêmement courte (un millième de milliardième de seconde !) pour la comparer à une modélisation informatique du même phénomène. Ils ont ainsi pu retrouver un moment précis où le motif réel correspondait exactement à celui de la simulation ; cela leur a permis de déterminer exactement depuis combien de temps les atomes d’hélium étaient passés dans cet état de superposition.
Un outil au potentiel énorme
Conceptuellement, ils ont donc créé une horloge quantique en bonne et due forme. Mais fonctionnellement, elle est très différente des instruments de mesure du temps classiques. « Si vous utilisez un compteur, comme un chronomètre, vous devez définir un zéro. Vous devez commencer à compter à partir de quelque part », explique Marta Berholts, auteure principale de l’étude. « L’avantage de cette méthode », poursuit-elle, « c’est que vous n’avez pas besoin de démarrer l’horloge ; il suffit de regarder la structure des interférences et de dire “OK, ça fait 4 nanosecondes ! ” »
À cause de cette différence fondamentale, ces horloges quantiques ne remplaceront pas les systèmes actuels ; vous ne pourrez probablement pas porter de montre quantique au poignet de votre vivant. Par contre, cette technique pourrait permettre de mesurer le délai entre deux événements distincts avec une précision phénoménale.
C’est donc un instrument qui, une fois mature, pourrait faire des merveilles dans de très nombreuses branches de la physique fondamentale. On pense notamment à celles qui travaillent sur l’infiniment petit, comme la physique quantique. Dans ce contexte, les marges d’erreur sont si fines que ce gain de précision pourrait ouvrir la voie à de grands progrès.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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