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Un simple accord de piano aide à chasser les cauchemars chroniques

En combinant deux techniques de conditionnement, des chercheurs ont peut-être posé les bases d’une meilleure prise en charge des cauchemars chroniques.

Le sommeil est l’occasion d’aller visiter un monde différent, totalement subconscient : celui des rêves. Pour certaines personnes, il s’agit d’expériences fortes qui peuvent avoir un impact considérable même après le réveil ; de nombreux artistes ou inventeurs ont par exemple trouvé l’inspiration nécessaire à certains projets directement dans leurs rêves.

Mais pour d’autres, il peut s’agir d’expériences assez traumatisantes. Des études épidémiologiques ont montré qu’environ 4 % des adultes souffrent de cauchemars chroniques. Dans ce cas, qui peut survenir dans un contexte de choc post-traumatique, il ne s’agit pas de quelques mauvais rêves isolés comme nous en avons tous vécu.

Les sujets décrivent des expériences à la fois intenses et récurrentes qui peuvent leur gâcher la vie. Cela peut avoir des conséquences très importantes sur la qualité du sommeil et, par extension, sur la santé en général, aussi bien physique que mentale.

Les rêves, des manifestations mystérieuses du subconscient

Depuis l’antiquité, les scientifiques qui s’intéressent à notre subconscient tentent donc de comprendre les mécanismes qui se cachent derrière ces hallucinations nocturnes. Mais après des siècles d’efforts, la plupart des chercheurs sont revenus bredouilles ; même s’il existe de nombreuses hypothèses, aujourd’hui, personne ne peut affirmer avec certitude comment ou pourquoi notre cerveau nous impose ces spectacles subconscients.

Ces lacunes compliquent considérablement la prise en charge des individus particulièrement sujets aux cauchemars. Il existe bien quelques traitements médicamenteux qui ont tendance à les éliminer, mais il s’agit généralement de molécules psychoactives qui ne s’attaquent pas à la source du problème, en plus d’avoir des effets secondaires non négligeables ; en substance, cela revient à « guérir » un malade en l’assommant à coups de gourdin pour l’empêcher de se plaindre.

© Johannes Plenio – Unsplash

Pour prendre le problème à la racine, une équipe de la faculté de médecine de l’Université de Genève, en Suisse, s’est appuyée sur l’une des rares propriétés très bien documentées des rêves : le lien entre ces expériences et notre santé psychologique.

« Il existe une relation entre les types d’émotions ressentis dans les rêves et notre bien-être émotionnel », explique Lampros Perogamvros, psychiatre et co-auteur de ces travaux. « En partant de cette observation, nous avons eu l’idée que nous pourrions aider des gens en manipulant les émotions directement dans leurs rêves. »

Un double conditionnement pour chasser les mauvais rêves

Pour y parvenir, certains spécialistes ont recours à une technique baptisée thérapie par révision et répétition de l’imagerie (ou IRT, pour Imagery Rehearsal Therapy). Cette approche, formalisée en 2009, est une sorte de rééducation mentale. Elle consiste à proposer aux patients de ré-écrire les expériences vécues lors des cauchemars, mais en les modifiant pour y intégrer une fin heureuse. Ils doivent ensuite la répéter régulièrement, de façon à ce que cette version moins traumatisante écrase la précédente.

Certaines études ont déjà prouvé que cette approche fonctionne très bien pour certains patients. En revanche, elles montrent aussi qu’elle est inefficace dans d’autres cas. Les chercheurs ont donc tenté de la combiner avec une autre technique utilisée par les cliniciens pour soulager les victimes de terreurs nocturnes : la réactivation de mémoire ciblée, ou TMR (pour Targeted Memory Reactivation).

C’est une technique au potentiel immense qui consiste à stimuler certaines composantes de la mémoire pendant le sommeil. Elle a surtout été explorée dans des travaux sur le renforcement de l’apprentissage. Perogamvros et ses collègues, en revanche, ont eu l’idée de vérifier si elle serait susceptible d’améliorer l’efficacité des techniques d’IRT.

Les chercheurs ont utilisé un accord de piano pour conditionner les participants. © Dolo Iglesias – Unsplash

Pour y parvenir, ils ont commencé par étudier le sommeil d’un groupe de 36 participants pendant deux semaines. Ils ont ensuite été soumis à une séance d’IRT avant d’être séparés ; un premier groupe de contrôle en est resté là, mais pour le second, les chercheurs ont combiné rajouté une séance de TMR en même temps.

Pendant qu’il effectuait le travail de réécriture et de mémorisation décrit ci-dessus, le 2e groupe a été exposé à des sons comme l’accord de piano C69. C’est une forme de conditionnement dont l’objectif est d’associer ce son à la version positive du cauchemar.

À partir de là, les chercheurs ont demandé aux participants de s’astreindre au même rituel pendant deux semaines supplémentaires. Chaque nuit, ils devaient porter un casque audio ; celui-ci leur diffusait le son utilisé pendant la phase de conditionnement pendant le sommeil paradoxal, la phase où surviennent les rêves et les cauchemars dont on se souvient au réveil.

Des résultats encourageants

Au début du protocole, le groupe de contrôle avait en moyenne 2,58 cauchemars par semaine, contre 2,94 pour le second groupe passé par une TMR. La différence entre les deux n’est pas importante à ce stade ; ce qui est important, en revanche, c’est l’évolution de ce chiffre. Et les résultats se sont montrés particulièrement encourageants.

Au bout du protocole de deux semaines, le groupe de contrôle, sans TMR, affichait de beaux progrès avec une moyenne de 1,02 cauchemar par semaine. Cette donnée montre que lorsqu’elle est pratiquée correctement, cette technique peut avoir un impact considérable.

Et chez le groupe qui a bénéficié d’une TMR, les résultats ont été assez spectaculaires ; le nombre moyen de cauchemars par semaine est tombé à 0,19 ! La cerise sur le gâteau, c’est que ces participants ont même constaté une augmentation du nombre de rêves heureux. « Nous avons observé une diminution rapide des cauchemars, et dans l’ensemble, les rêves sont devenus émotionnellement plus positifs », résume Perogamvros.

Ce protocole a considérablement réduit le nombre de cauchemars des participants, améliorant ainsi la qualité de leur sommeil. © Bruce Mars – Unsplash

Les chercheurs ont gardé le contact avec tous les participants pour réaliser un nouveau check-up trois mois plus tard. A ce stade, le nombre de cauchemars était remonté de manière significative, avec respectivement 1,48 et 0,33 cauchemar par nuit. Tous ces chiffres suggèrent que la combinaison des deux techniques produit d’excellents résultats, mais aussi que ce conditionnement n’est pas définitif.

Désormais, tout l’enjeu va être de réaliser des essais cliniques sur un plus grand nombre de participants. Il sera aussi intéressant d’observer l’impact de différents stimuli; ici, il s’agissait d’une note de piano, mais en théorie, ce conditionnement peut fonctionner avec d’autres supports. Cela permettrait de monter un vrai protocole de thérapie en bonne et due forme. Une vraie lueur d’espoir pour des personnes comme des vétérans de guerre ou des victimes de viol, ou toute autre personne qui ne cesse de revivre certains traumatismes au fil des nuits.

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