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Ce mini-microscope observe les neurones des souris en temps réel

Cet appareil pourrait ouvrir la voie à des progrès considérables, notamment en neurobiologie.

Après des années d’efforts, une équipe de chercheurs a enfin réussi à miniaturiser un type de microscope très particulier qui permet d’observer le cerveau d’un animal en profondeur et en temps réel. Il est désormais suffisamment petit et léger pour être implanté sur un rongeur sans gêner ses mouvements, ce qui pourrait rapidement conduire à de grands progrès en neurologie.

L’instrument en question permet de réaliser de la microscopie par excitation à deux photos. C’est une technique d’imagerie qui combine les grands principes de la microscopie à fluorescence et de l’absorption à deux photons.

La  microscopie à fluorescence standard consiste à utiliser un colorant fluorescent pour mettre en évidence certaines structures biologiques bien précises; lorsqu’un photon entre en contact avec ces matériaux, ils émettent de la lumière; cela permet d’identifier visuellement les éléments recherchés.

Le problème, c’est qu’il s’agit d’une technique de microscopie dite confocale; comme le microscope standard que vous avez probablement utilisé en cours de SVT, elle produit des images avec une très faible profondeur de champ. Cela permet de réaliser des observations nettes et précises, mais avec une limite considérable. Les cellules qui constituent les tissus biologiques ont tendance à absorber, puis à diffuser la lumière; si l’échantillon est trop épais, il devient très difficile d’y voir clair. Un microscope confocal n’a donc pas accès aux structures situées en profondeur.

Observer le vivant en profondeur

Certains instruments permettent de contourner cette limite. Pour ce faire, ils utilisent non pas une, mais deux particules simultanément vers la molécule fluorescente ciblée. Dans ce cas, les photons en question présentent une longueur d’onde plus importante qu’en microscopie par fluorescence standard, souvent proche de l’infrarouge. Ils peuvent donc pénétrer plus profondément dans les tissus; cela permet d’observer les régions situées plus en profondeur. Pour plus de détails sur cette technique, vous pouvez consulter cette excellente référence parue dans Médecine Sciences.

Cette technique, baptisée M2P, a été imaginée en 1931 et vérifiée expérimentalement trente ans plus tard. Elle a déjà permis de réaliser des progrès considérables dans de nombreuses branches de la biologie. Depuis des décennies, les chercheurs rêvent d’utiliser un appareil de ce genre pour observer non plus des échantillons, mais des structures biologiques entières en conditions réelles – c’est à dire in-vivo sur des animaux de laboratoire.

Jusqu’à présent, ils se sont heurtés à une limite importante : contrairement au microscope confocal, que l’on sait déjà miniaturiser à l’extrême, les appareils de ce genre comportent plusieurs composants très spécialisés qui s’y prêtent assez mal. Ils sont donc relativement lourds et encombrant, comme on peut le voir à 2:21 sur la vidéo ci-dessous. Tout sauf idéal pour travailler sur du vivant.

Ces dernières années, tout s’est accéléré; de gros progrès dans les techniques de fabrication ont enfin permis de passer un vrai cap dans la miniaturisation des M2P. En janvier 2021, une équipe de l’Université de Pékin dirigée par Weijian Zong et Runlong Wu s’est enfin approchée du but; les chercheurs ont réussi à construire un petit M2P d’à peine quelques centimètres pour 4,2 grammes – une grande première (voir leur papier de recherche).

Ils n’étaient pas encore au bout de leurs peines pour autant. L’appareil dépendait encore d’un ensemble de fibres optiques assez rigides. Il perturbait donc les mouvements des cobayes, ce qui peut par exemple biaiser les résultats d’une étude sur le comportement.

Une fenêtre sur le cerveau des rongeurs

Mais tout récemment, Zong et son collègue ont enfin touché au but avec l’aide d’une autre équipe norvégienne. La nouvelle version de leur appareil, baptisée Mini2P, est contenue dans un petit boîtier en plastique ultra-léger. Elle est toujours reliée à un hub central, mais cette fois par un câble très léger, flexible, et capable d’accompagner les mouvements du rongeur. Il sera désormais quasiment impossible de faire mieux, à moins de découvrir une technologie révolutionnaire qui permettrait de se passer entièrement de fibre optique.

Lors des tests préliminaires, les souris ont pu se promener dans leurs cages en toute liberté. Et surtout, elles ont pu le faire sans douleur ni gêne apparente, même lors d’activités intenses. Un autre point fondamental dans une étude de ce genre.

Avec ces deux cases très importantes de cochées, il ne restait plus qu’à y ajouter la dernière pièce du puzzle : une minuscule lentille dont la courbure peut être ajustée finement à l’aide d’un courant électrique. Ce composant présente deux avantages. Le premier, c’est que ce système émet une quantité de chaleur négligeable. C’est plutôt important, sachant que la lentille est positionnée à proximité d’un cerveau vivant.

Le second, c’est qu’en ajustant sa courbure, les chercheurs peuvent modifier sa longueur focale en temps réel. En pratique, cela permet d’explorer à loisir des couches de plus en plus profondes du cerveau. Les neurobiologistes peuvent ainsi en examiner l’activité en temps réel avec une précision et une stabilité bluffantes; Mini2P est capable de rester focalisé sur la même cellule pendant un mois entier, même si la souris multiplie les galipettes.

Le Mini2P peut enregistrer jusqu’à 300 ensembles de neurones chez une même souris. © Zong et al. / Cell

Lors de leurs tests, Zong et ses collègues ont pu observer des régions très actives du cerveau des souris, notamment celles qui gèrent la vision ou la mémoire. Et ils ont pu le faire pendant que le cobaye vaquait à ses occupations, sans interférences. Cela leur a permis d’ observer en temps réel comment les nombreux types de neurones collaborent dans le cadre de différents processus cognitifs; du pain béni pour tous les chercheurs en neurosciences.

Et l’équipe est bien consciente d’avoir conçu un instrument très intéressant. Pour en faire bénéficier le plus grand nombre, les auteurs on mis tous les plans et la documentation technique à disponibles en open-source. “Nous sommes convaincus que le Mini2P va tout changer, et nous voulons le partager avec les neurobiologistes et les laboratoires du monde entier”, explique May-Britt Moser, neurobiologiste et psychologue à la Norwegian University of Science and Technology.

Grâce à ce geste, d’autres laboratoires à la pointe des neurosciences pourront donc construire leurs propres Mini2P, ce qui pourrait conduire à des avancées spectaculaires dans cette discipline; il ne reste désormais plus qu’à patienter.

 

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Source : Nature

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