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Les insectes affectent les champs électriques de l’atmosphère

Une étude fascinante qui pourrait changer notre conception du lien entre les animaux et leurs environnement.

Même si les humains ne le ressentent pas, l’atmosphère de la Terre est électrifiée en permanence. L’intensité des champs électriques qui la parcourent dépend de très nombreux facteurs, notamment météorologiques. L’influence du vivant sur ce paramètre, en revanche, reste très mal connue ; des chercheurs anglais viennent de publier un papier fascinant à ce sujet, et affirment que les essaims d’insectes ont une influence considérable sur la charge électrique de l’atmosphère.

Très vulgairement, un champ électrique, c’est une région de l’espace sur laquelle un objet porteur d’une charge électrique, positive ou négative, peut exercer son influence. L’intensité du champ en un point donné dépend du nombre de charges à proximité.

Les spécialistes savent déjà que les corps de certains insectes ont tendance à se charger positivement, à cause de la friction entre les particules d’air et leurs ailes qui battent à un rythme très élevé. Cette friction a tendance à arracher des électrons à leur surface d’origine ; on se retrouve donc dans une situation de déséquilibre avec une surface chargée positivement. L’autre, en revanche, est chargée négativement. Cela crée un déséquilibre dans le champ électrique.

Plus précisément, cela met en place ce qu’on appelle un gradient de potentiel. Très vulgairement, c’est la différence de tension entre une surface et un point situé un mètre au-dessus. Plus la différence est importante, plus les électrons éprouveront le besoin de sauter d’une surface à l’autre ; leur objectif est de rétablir le statu quo énergétique. Et quand la différence dépasse un certain seuil, qui dépend entre autres de la résistance électrique du matériau qui les sépare, les électrons peuvent plus résister à la tentation ; ils sautent d’un pôle à l’autre.

© Dmitry Grigoriev – Unsplash

Cela se traduit par une décharge électrique dont l’intensité est proportionnelle à la différence de charge entre les deux pôles. Cette situation peut donner lieu à des chocs très intenses. L’exemple le plus évident est certainement celui des nuages d’orage, où les turbulences peuvent générer des gradients très importants ; cela donne lieu à des éclairs capables de se frayer un chemin dans l’atmosphère terrestre, qui est pourtant un très bon isolant en conditions normales.

Autant de charges électriques que dans un nuage d’orage

À plus petite échelle, ce phénomène est exploité par des êtres vivants de toutes sortes. Par exemple, les toiles de nombreuses araignées sont chargées négativement, ce qui les aide à capturer des proies chargées positivement. Les insectes butineurs s’en servent aussi pour collecter le pollen.

Jusqu’à présent, les spécialistes considéraient que l’effet de ces charges était négligeable à notre échelle ; mais d’après les troupes de l’Université de Bristol, au Royaume-Uni, elles auraient des conséquences tout à fait significatives.

« Nous avons toujours étudié l’influence de la physique sur la biologie, mais à un moment donné, nous avons réalisé que la biologie pourrait aussi influencer la physique », explique Ellard Hunting, biologiste et auteur principal de l’étude. « Nous nous sommes intéressés à la façon dont les organismes utilisent ces champs d’électricité statique, qui sont présents partout dans l’environnement. »

Ils ont donc placé une caméra et un électromètre — un appareil qui permet de détecter les variations du champ électrique — à proximité de plusieurs ruches d’abeilles mellifères. Et ils ont été surpris de constater qu’à l’approche de l’essaim, le gradient de potentiel au-dessus de la ruche a immédiatement explosé.

Dans certains cas, quand l’essaim était particulièrement dense, le gradient a atteint 1000 volts par mètre. Un chiffre tout sauf négligeable ; c’est presque dix fois le gradient moyen à un mètre de la surface.

En réalisant des modélisations informatiques sur la base de ces données, ils sont arrivés à d’autres conclusions encore plus étonnantes. Ils se sont notamment intéressés aux criquets. Ces derniers peuvent former des essaims gigantesques de plusieurs centaines de millions d’individus qui peuvent ravager les cultures sur des dizaines de kilomètres (voir notre article).

Connaissant désormais l’impact qu’un simple essaim d’abeilles peut avoir sur le champ électrique local, les chercheurs s’attendaient à ce que cette simulation produise des résultats impressionnants. Ils n’ont pas été déçus ; d’après leur modèle, un tel essaim pourrait générer une quantité de charges électriques comparable à ce que d’autres chercheurs ont mesuré dans des nuages d’orage !

Un pont entre la physique et la biologie

Il convient cependant d’être prudent quant à l’interprétation. Selon les chercheurs, il est très improbable que ces essaims déclenchent eux-mêmes des coups de tonnerre. Mais cela montre bien que ce phénomène peut avoir une influence non négligeable sur l’environnement avoisinant.

Reste désormais à savoir comment se traduit cette influence ; mais c’est une question beaucoup plus large qui dépasse largement le cadre de ces travaux. Les auteurs espèrent que leurs conclusions serviront de bases à des découvertes excitantes dans des tas de domaines différents.

« L’interdisciplinarité a une grande valeur dans ce cas, » explique Hunting. « On pourrait croire que la charge électrique concerne uniquement la physique, mais c’est important de savoir quel est le lien entre l’ensemble du vivant et l’électricité dans l’atmosphère. Raisonner à une échelle plus large, relier la biologie et la physique pourrait nous aider à résoudre des tas de problèmes épineux ».

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