Parmi tous les mystères qui occupent encore les astrophysiciens, la matière noire fait partie des plus iconiques. Depuis qu’elle a été mise en évidence en 1933, aucune étude n’a permis de prouver définitivement son existence. Et pour y parvenir, une équipe compte utiliser une approche radicalement différente : dans une étude repérée par Space.com, ils proposent d’utiliser l’atmosphère de la Terre.
Si cette satanée matière noire a tendance à se faire très discrète, c’est avant tout parce qu’elle semble invisible et quasiment inerte ; jusqu’à preuve du contraire, elle n’interagit ni avec la matière ni avec les ondes électromagnétiques comme la lumière.
Mais les chercheurs continuent pourtant de la traquer assidûment, même si les preuves physiques de son existence leur échappent depuis bientôt un siècle. Car paradoxalement, elle continue de jouer un rôle fondamental dans les modèles cosmologiques modernes.
Une aiguille dans une botte de foin
En effet, même si les physiciens ne savent presque rien de cette substance, ils ont pu déterminer que l’univers observable se comporterait très différemment sans l’intervention d’une force mystérieuse. Par exemple, la rotation des galaxies génère une force centrifuge importante qui les pousserait à se désagréger au fil du temps. Mais ce n’est pas le cas en pratique ; les chercheurs en ont conclu qu’il manquait une pièce du puzzle, donnant ainsi naissance au concept de matière noire.
Tout l’enjeu est désormais de trouver une ou plusieurs particules susceptibles de combler ce vide théorique. Jusqu’à présent, ils n’ont pas eu grand-chose à se mettre sous la dent. Ils savent que la matière noire est forcément constituée de protons et de neutrons, mais c’est à peu près tout ; les autres propriétés de la matière noire, comme la taille de ces fameuses particules, restent inconnues.
Et c’est un détail très important. En effet, toutes les techniques de détection ne sont pas adaptées à toutes les tailles de particules ; pour trouver quelque chose, il faut d’abord avoir au moins une vague idée de ce que l’on cherche.
Aujourd’hui, la majorité des travaux sur la matière noire partent du principe qu’elle est composée de petites particules. Mais puisque ces dernières manquent toujours à l’appel, une équipe de l’Ohio State University (OSU) veut désormais explorer l’autre cas de figure possible : et si ces particules étaient finalement massives ?
Traiter les particules de matière noire comme des météores ?
Leur raisonnement comporte de nombreuses zones d’ombre, comme souvent avec la matière noire. Mais ils avancent que si ces particules étaient plus massives que prévu, ils pourraient réussir à les détecter grâce à la technologie qui permet de suivre les météores à la trace.
Très vulgairement, lorsque ces derniers traversent l’atmosphère terrestre, leur traînée a tendance à modifier l’arrangement des électrons dans les atomes de l’air ; un phénomène parfois appelé ionisation météorique. On se retrouve avec des électrons qui voyagent librement dans l’atmosphère. Ils exercent alors une influence sur les ondes électromagnétiques avoisinantes ; cela permet de les détecter à l’aide de gros radars, qui émettent des ondes radio.
Les chercheurs de l’OSU suggèrent que si les particules de matière noire sont effectivement massives, elles auraient aussi tendance à ioniser l’atmosphère et à produire des électrons libres. Le cas échéant, il serait donc possible d’utiliser la même technique pour montrer que ces fameuses particules sont bien passées par là. En pratique, l’atmosphère deviendrait donc un immense détecteur de matière noire à l’échelle de la planète.
Il s’agit cependant de travaux très exploratoires ; rappelons que cette technique ne fonctionnerait que dans le cas où ces particules seraient massives, ce qui est tout sauf garanti. La proposition des chercheurs de l’OSU n’a donc pas vocation à remplacer les techniques actuelles. Par contre, cette étude permet d’élargir considérablement le champ de recherche.
Il sera donc intéressant d’observer les retombées de ces travaux. Si toutes ces hypothèses s’avèrent exactes, cette technique permettra peut-être à des astronomes de réaliser l’observation historique des toutes premières particules de matière noire – très certainement avec un prix Nobel à la clé. Et dans le cas contraire, les astrophysiciens n’auront pas d’autre choix que de persévérer, comme ils le font déjà depuis des décennies.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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