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C’est quoi ce “nœud” de galaxies repéré par le James Webb au bout de l’Univers ?

En plus de rapporter des images magnifiques, le Webb continue de remonter le temps en sondant les régions les plus reculées de l’Univers.

Le James Webb Space Telescope nous gratifie régulièrement d’images à couper le souffle. Il nous l’a encore rappelé mercredi 19 octobre, avec sa superbe photo des Piliers de la Création (voir notre article). Mais son objectif premier reste d’ausculter les tréfonds du cosmos pour découvrir ce qui se tramait dans l’univers précoce. Il rapporte donc aussi des images beaucoup moins esthétiques, mais au moins aussi intéressantes sur le plan scientifique ; c’est le cas de la dernière image produite par l’illustre télescope.

En observant des régions lointaines de l’espace, des astronomes sont tombés sur une structure surprenante à environ 11,5 milliards d’années-lumière de la Terre. Ils ont découvert un amas de jeunes galaxies massives en train de se former à proximité d’un quasar baptisé SDSS J165202.64+172852.3.

Un trou noir au fin fond du cosmos

Les quasars appartiennent à la catégorie des noyaux galactiques actifs. Ce sont des régions compactes situées au cœur des galaxies. Chaque cœur abrite généralement un trou noir supermassif qui exerce une influence gravitationnelle extrême sur son entourage. Ces quasars constituent cependant une sous-catégorie à part. Ils sont définis par une propriété bien précise : leur luminosité exceptionnelle.

Malgré leur petite taille à l’échelle du cosmos, ils peuvent être plusieurs milliers de fois plus brillants que l’ensemble des autres étoiles de la galaxie à laquelle ils appartiennent. Ils se comportent comme de véritables phares cosmiques pour les astronomes ; en plus d’être intéressants à observer, ils servent aussi de points de repère dans l’espace profonde.

© Ute Kraus, Institute of Physics, Universität Hildesheim, Space Time Travel

L’intensité du rayonnement émis est directement liée à la quantité de matière qu’ils ingurgitent. Et celui-ci devait être particulièrement vorace. Car selon la NASA, il se place directement parmi les noyaux galactiques les plus actifs repérés à cette distance.

Or, les trous noirs aussi voraces ont une influence très importante sur leur voisinage. Les chercheurs ont donc fait l’hypothèse que les émissions extrêmes de ce quasar pourraient provoquer une sorte de « vent galactique » très intense. Le cas échéant, ce vent pourrait donner lieu à un brassage à grande échelle susceptible d’influencer le processus de formation des étoiles.

L’agence spatiale explique que d’autres télescopes, à commencer par Hubble, avaient déjà repéré des traces de cet objet. Ils étaient cependant bien incapables de l’observer avec un degré de précision suffisant pour aller plus loin dans l’interprétation. Impossible, donc, d’en savoir plus sur le mouvement des gaz dans la galaxie qui héberge ce quasar.

Mais la donne a changé avec l’arrivée du JWST. En braquant ses instruments sur cette région du ciel, les astronomes ont fait une découverte stupéfiante : la galaxie en question est accompagnée d’au moins trois autres galaxies juvéniles.

Une tribu de bébé galaxies turbulentes

En étudiant cette structure de plus près, ils ont déterminé que ce quasar faisait partie d’un véritable « noeud » de matière dense qui alimente la formation de nouvelles galaxies. Or, ces pouponnières galactiques sont rares dans les régions les plus anciennes du cosmos, où tout le matériel a été formé peu après le Big Bang. Il s’agit donc d’une nouvelle enthousiasmante pour les spécialistes.

Une vue d’artiste de ULAS J1120+0641, le quasar le plus brillant observé dans les régions anciennes de l’univers. (image d’illustration) © ESO / M. Kornmesser

« Il y a très peu de proto-amas galactiques connus à cette époque », explique Dominika Wylezalek, astronome à l’Université d’Heidelberg et auteure principale de l’étude. « C’est dur de les trouver, car très peu d’entre elles ont eu le temps de se former depuis le Big Bang », précise-t-elle.

Cet amas est particulièrement intéressant, car il est aussi dynamique. Ces jeunes galaxies ne se contentent pas d’exister chacune de leur côté, loin de là. « Notre premier coup d’œil sur les données a rapidement révélé des signes d’interactions majeures entre les galaxies avoisinantes », explique son collègue Ander Vayner de la John Hopkins University, à Baltimore.

En effet, les trois compères se livrent à un ballet infernal ; elles tournent les unes autour des autres à une vitesse qui dépasse l’entendement. Pour les astronomes, c’est un signe indiscutable que des forces gravitationnelles dantesques s’exercent dans la région.

Une zone intéressante pour l’étude de la matière noire ?

Et c’est là que l’histoire devient encore plus intéressante. Car même la présence de SDSS J165202.64+172852.3 ne suffit pas à expliquer cette dynamique. En fait, il n’existe même aucun corps céleste connu qui pourrait justifier ces forces gravitationnelles. Pour expliquer l’intensité du phénomène, les chercheurs privilégient désormais une autre piste très intéressante : la matière noire.

Très vulgairement, cette dernière est une substance invisible et quasiment inerte, mais présente en masse dans le cosmos et suspectée de structurer tout l’univers. Jusqu’à présent, elle n’a jamais été observée directement; elle demeure techniquement hypothétique, et a été conceptualisée pour combler un vide théorique. On sait seulement que de très nombreuses structures cosmologiques se comporteraient très différemment sans l’influence de cette matière.

Une simulation de la distribution de la matière noire dans l’Univers. © Springel et al. via CERN

Mais là encore, même un amas de matière noire particulièrement dense ne suffit pas à expliquer l’intensité des forces gravitationnelles en jeu. Les chercheurs pensent donc qu’il pourrait s’agir d’une zone de fusion entre deux énormes poches de matière noire.

L’équipe va désormais tenter d’y voir plus clair en procédant à de nouvelles observations de cet amas inattendu. Ils pourront ainsi tenter de comprendre comment des structures à ce point denses et chaotiques peuvent apparaître. Ils tâcheront aussi de déterminer dans quelle mesure elles sont affectées par la présence du trou noir supermassif.

S’ils parviennent à expliquer la dynamique de l’amas, ce sera un grand progrès qui permettra de comprendre un peu mieux la chronologie des événements qui ont suivi le Big Bang, et par extension, comment l’univers précoce a évolué depuis.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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