La semaine dernière, les astronomes du monde entier sont restés bouche bée devant un phénomène rare : la NASA a repéré la trace d’un sursaut gamma — le type d’explosion le plus violent documenté dans l’univers — exceptionnellement long et intense qui fait désormais partie des événements les plus lumineux enregistrés par l’humanité.
Les premiers indices sont arrivés du côté du télescope spatial Fermi de la NASA. C’est un instrument spécialement conçu pour capter les rayonnements constitués d’ondes gamma. Ces derniers font partie de la grande famille des ondes électromagnétiques, qui comprend aussi la lumière visible, les ondes radio ou l’infrarouge, pour ne citer qu’eux.
Le rayonnement gamma, un vecteur d’énergie important
Lorsqu’on s’aventure vers l’extrémité du spectre électromagnétique, là où la longueur d’onde devient extrêmement courte, on trouve deux types de rayonnements : les rayons X et gamma. Les critères qui permettent de faire la distinction entre les deux ne sont pas explicitement définis, et la terminologie varie en fonction des disciplines scientifiques. Mais ce qui est important, c’est qu’ils sont à la base des rayonnements dits de « haute énergie ».
Ils sont en effet associés à un tas de phénomènes hautement énergétiques comme les éruptions solaires, le rayonnement cosmique ou les étoiles à neutrons. Dans le cas de ce sursaut gamma extrêmement intense, baptisé GRB 221009A, les astronomes considèrent qu’il s’agit du râle d’agonie d’une étoile massive dont le cœur se serait effondré sous l’effet de sa propre force gravitationnelle.
Ce faisant, l’étoile aurait laissé sa place à un tout nouveau trou noir. À leur naissance, ces derniers ont tendance à émettre de puissants jets de particules. Ils voyagent presque à la vitesse de la lumière ; en traversant la dépouille de l’astre, ces jets émettent aussi de grandes quantités de rayons X et gamma. S’il s’agit bien d’un trou noir juvénile, c’est vraisemblablement ce signal qui a été repéré par le télescope Fermi.
Un phénomène exceptionnellement violent
C’est une excellente nouvelle pour les astrophysiciens. En effet, la source de ce sursaut gamme (ou GRB, pour Gamma-Ray Burst) est bien plus proche qu’à l’accoutumée. Ils étaient donc étaient donc en première loge pour assister à ce sursaut gamma pas comme les autres.
GRB 221009A a été particulièrement long (plus de 10 heures, une éternité pour un signal de ce genre) et intense ; les rayons gamma en question dépassaient parfois les 100 millions d’électrons-volts. C’est très loin d’être un record d’énergie pour une particule individuelle; mais c’est tout de même des dizaines de milliards de fois plus qu’une particule dans un four à micro-ondes standard !
Ensemble, tous ces rayons ont produit l’un des signaux les plus lumineux documentés dans la littérature scientifique. « C’est l’une des explosions les plus énergétiques et brillantes jamais vues, même sans tenir compte de la distance », explique la doctorante Roberta Pillera, la première à avoir repéré cet événement. « Cela la rend doublement excitante », se réjouit-elle.
La traque aux sursauts gamma continue
Dans son communiqué, la NASA explique aussi que ce sursaut a représenté une opportunité inespérée d’établir un lien entre deux expériences menées à bord de la Station Spatiale Internationale : le télescope NICER de la NASA, et le détecteur MAXI de l’agence spatiale japonaise (JAXA).
Les deux appareils cherchent tous les deux à repérer des rayonnements de haute énergie, mais ils ne le font pas de la même façon. Le MAXI a vocation à surveiller l’intégralité du ciel avec une précision relativement modeste. Le NICER, en revanche, est conçu pour se focaliser sur une source précise. Ensemble, ces deux appareils forment un couple complémentaire. Les ingénieurs les ont donc intégrés à un système unique baptisé OHMAN, pour Orbiting High-energy Monitor Alert Network ; MAXI monte la garde en permanence pour permettre à NICER de se focaliser rapidement sur les signaux les plus intéressants.
Jusqu’à présent, la NASA et la JAXA n’avaient pas encore pu tester cette coopération en temps réel ; mais grâce à GRB 221009A, les deux agences ont pu offrir un baptême du feu remarquable à ce système. « OHMAN nous a procuré une alerte automatique qui a permis à NICER de suivre dans les trois heures, dès que la source est devenue visible », explique Zaven Arzoumanian, qui dirige les opérations du NICER au prestigieux centre Goddard.
Désormais, ils savent que le dispositif fonctionne. Ils n’ont plus qu’à patienter jusqu’au prochain sursaut gamma. Avec un peu de chance, ils pourront même l’étudier encore plus vite. Maintenant que le système est calibré, « les prochaines opportunités pourraient aboutir à des temps de réponse de l’ordre de la minute » selon Arzoumanian.
Une perspective alléchante, sachant que ces phénomènes apportent à chaque fois des données inestimables. Elles renseignent notamment les spécialistes sur le cycle de vie des étoiles et des trous noirs. Par extension, cela permet d’étudier le comportement de la matière lorsqu’elle s’approche de la vitesse de la lumière. Des conditions qui révèlent souvent de nouvelles informations sur la dynamique globale du cosmos. Mais il va falloir être patient ; la NASA devra peut-être patienter plusieurs décennies avant d’assister à un nouveau sursaut gamma de cette ampleur.
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