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Les épaves de la Seconde Guerre mondiale empoisonnent toujours l’océan aujourd’hui

Même après plusieurs décennies, les résidents des fonds marins continuent de faire les frais de ce chapitre sombre de l’Histoire.

Les épaves des navires qui jonchent les profondeurs de certains océans sont fascinantes à bien des égards. La navigation ayant joué un rôle déterminant dans la trajectoire de la race humaine, chacun de ces vestiges est un morceau d’Histoire à part entière ; chaque embarcation est donc susceptible de révéler des éléments marquants de notre patrimoine commun. On peut par exemple citer l’Endurance, le légendaire vaisseau de l’explorateur Ernest Shackleton, dont l’épave a été retrouvée en début d’année (voir notre article).

Mais dans certains cas, la réalité est beaucoup moins romantique. Ces navires ne se contentent pas toujours de servir de stèle au fond de l’océan ; une nouvelle étude centrée autour d’une épave datant de la Seconde Guerre mondiale vient de le montrer une nouvelle fois.

Sur le banc des accusés, on trouve l’épave du V-1302 John Mahn. C’est un navire de pêche qui a été reconverti en patrouilleur lors de la Seconde Guerre mondiale. Son histoire s’est arrêtée dans la portion belge de la Mer du Nord, lorsqu’il a été coulé par la Royal Air Force britannique dans lors d’une opération baptisée Channel Dash.

Des objets fascinants, mais problématiques

Des chercheurs belges se sont penchés sur son cas pour tenter d’estimer son impact sur son environnement direct. « Nous voulions voir si ces vieilles épaves définissent encore les communautés microbiennes locales, et si elles affectent les sédiments avoisinants », explique Josefien Van Landuyt, doctorante en éco-microbiologie à l’université de Ghent.

L’épave du -1302 John Mahn. © VLIZ

 

Ils ont ainsi procédé à divers prélèvements à l’extérieur de la coque et dans les entrailles du navire. En complément, ils ont aussi collecté divers échantillons de sédiments à proximité. Et leurs trouvailles se sont avérées assez préoccupantes.

Les chercheurs ont identifié diverses substances toxiques qui émanaient de la dépouille. Parmi les principaux contaminants, ils ont trouvé des métaux lourds comme le nickel et le cobalt, des hydrocarbures, et même de l’arsenic et des substances explosives ! De plus, ils ont déterminé que ces composés avaient aussi une influence non négligeable sur la géochimie de la région, plusieurs décennies après le naufrage.

Tous ces facteurs ont un impact majeur sur les êtres vivants qui ont élu domicile près de l’épave. Pour les chercheurs, même si ces objets sont fascinants d’un point de vue historique, il est donc au moins aussi important de rappeler à quel point elles peuvent endommager certains écosystèmes. « Le grand public est souvent très intéressé par les épaves à cause de leur valeur historique, mais leur impact environnemental potentiel est souvent négligé », déplore Van Landuyt.

Un impact environnemental largement sous-estimé

« Elles peuvent fonctionner comme des récifs artificiels et elles ont une valeur énorme en termes de storytelling », admet-elle. « Mais nous ne devrions pas oublier qu’il s’agit d’objets dangereux créés par l’homme qui ont été introduits par mégarde dans un environnement naturel », prévient-elle en rappelant que les épaves modernes sont systématiquement extraites précisément pour cette raison.

Et c’est bien là que réside le cœur du problème. Car leurs découvertes, publiées dans Frontiers in Marine Science, ne concernent qu’une seule épave — et d’une taille assez modeste, qui plus est. Il y a donc fort à parier que des milliers d’autres carcasses de bateaux et d’avions polluent activement les océans.

© Karl Callwood – Unsplash

« Nous n’avons enquêté que sur un navire, à une profondeur, à un endroit précis. Pour avoir une meilleure idée de l’impact de ces épaves sur la Mer du Nord, il faudrait en étudier davantage à différents emplacements », avance Van Landuyt.

Le problème, c’est qu’au beau milieu du chaos des combats, les états-majors avaient bien mieux à faire que de cataloguer l’emplacement exact de chaque épave. Il reste donc probablement des tas d’embarcations qui ont été complètement oubliées au fil du temps. Et elles continueront d’intoxiquer leur environnement pendant des décennies.

« Les gens oublient souvent que nous, les humains, avons déjà un impact considérable sur les animaux, les microbes et les plantes locales », conclut Van Landuyt. « Et cet impact continue aujourd’hui avec ces émanations de produits chimiques, de carburants fossiles et de métaux lourds issus d’épaves parfois centenaires dont nous ne souvenons même pas ».

Le texte de l’étude est disponible ici.

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