La NASA n’est pas la seule agence spatiale à envoyer des télescopes de pointe dans l’espace. L’arsenal scientifique de l’ESA comprend aussi quelques instruments de première catégorie, comme le couple de télescopes Gaïa qui cherche à cartographier la Voie lactée. Son prochain grand projet, le télescope Euclid, devait d’ailleurs décoller cette année ; il est cependant resté cloué au sol pour des raisons éminemment politiques, et au bout du compte, c’est SpaceX et Elon Musk qui pourraient en profiter.
Euclide, c’est un télescope infrarouge de dernière génération au potentiel scientifique énorme. Son objectif sera de scruter les tréfonds du cosmos pour s’intéresser à la matière noire, mais aussi et surtout à l’énergie noire.
Observer la face sombre de notre univers
Ces deux termes désignent des notions particulièrement mystérieuses, et surtout toujours hypothétiques; si elles ont été conceptualisées, c’est avant tout pour combler des zones d’ombre théoriques dans les modèles astrophysiques précédents.
La première joue un rôle déterminant dans l’architecture du cosmos; très vulgairement, sans le concept de matière noire, les astronomes ne pourraient pas expliquer la façon dont la matière est répartie dans le cosmos. L’énergie noire, de son côté, est indispensable pour expliquer l’accélération de l’expansion de l’Univers qui a été mise en évidence en 1998, avec un prix Nobel à la clé pour Saul Perlmutter et Adam Riess.
Leurs propriétés et leur nature précise restent totalement inconnues ; mais selon les modèles actuels, elles seraient des composantes majeures de notre monde. Les spécialistes estiment qu’ensemble, la matière noire et l’énergie noire représenterait presque 95 % de l’énergie totale (ou, plus précisément, de la densité d’énergie totale) de l’Univers – ce qui laisse moins de 5% pour la matière à base d’atomes telle qu’on la rencontre au quotidien. Des chiffres qui illustrent bien l’intérêt de ces deux notions, même si elles restent mal définies.
En les suivant à la trace, les astronomes espèrent donc pouvoir répondre à certaines des questions les plus brûlantes de la cosmologie moderne. Quelle est l’origine de l’Univers ? Que s’est-il passé juste après le Big Bang ? Pourquoi l’expansion de l’univers s’accélère-t-elle ? Et surtout, à quoi correspond cette fameuse énergie noire, et quelles sont ses propriétés ?
Une décision idéologique aux conséquences très concrètes
Autant de mystères qui ne pourront être résolus qu’à l’aide d’un instrument spécifiquement conçu à cet effet — comme le télescope Euclid. Naturellement, l’ESA avait particulièrement hâte d’expédier cet engin en orbite pour démarrer les observations le plus vite possible… mais Vladimir Poutine avait d’autres priorités.
À l’origine, Euclid devait rallier l’espace à bord d’un Soyouz. Cet incontournable véhicule russe est au centre de la logistique spatiale depuis de longues années, et a déjà acheminé des tas d’engins importants en orbite. C’était donc un choix tout à fait pragmatique — ou du moins, ça l’aurait été si la Russie n’avait pas attaqué l’Ukraine.
Depuis « l’opération spéciale de trois jours » décidée par le Président russe, la situation s’est nettement compliquée ; plusieurs institutions ont tout simplement décidé de couper les ponts avec Roscosmos, l’agence spatiale russe qui dépend directement du Kremlin.
C’est notamment le cas de l’ESA, qui s’est désolidarisée de son homologue russe cet été. Elle a commencé par exclure le pays des Tsars du prestigieux programme ExoMars, s’attirant ainsi les foudres de Dmitry Rogozine, le sulfureux directeur de l’agence à l’époque (voir notre article). Depuis, elle a aussi évincé le contingent russe de la plupart des autres missions — dont Euclid, qui se retrouve donc privé de navette vers l’espace.
L’Europe toujours à la traîne du côté des lanceurs
Il fallait donc trouver un autre moyen de transport. Et malheureusement, du côté de l’Europe, les solutions sont assez peu nombreuses. Rappelons que la fusée Ariane 6 a déjà accumulé un retard phénoménal ; il ne vaut mieux pas compter dessus pour lancer Euclid.
Résultat : l’état-major de l’ESA s’est retrouvé le dos au mur, avec une prise de conscience inconfortable à la clé. « C’était un signal d’alarme ; nous avons été beaucoup trop dépendants de la Russie », a expliqué Josef Aschbacher, directeur général de l’agence européenne, dans une interview à Reuters.
L’ESA a donc commencé à chercher un nouveau partenaire pour lancer Euclid. Trois candidats ont émergé ; un lanceur japonais, un véhicule indien, et surtout le Falcon 9 de SpaceX — de loin le plus fiable et le plus performant des trois. Même si l’ESA refuse pour l’instant de communiquer à ce sujet, tout semble indiquer que c’est bien la firme d’Elon Musk qui héritera du contrat.
C’est d’ailleurs une vraie tendance en ce moment ; de nombreux opérateurs se tournent désormais vers SpaceX pour acheminer leur matériel en orbite. La principale raison, c’est que l’entreprise est l’une des rares à concevoir et à construire ses propres propulseurs — une autonomie synonyme de véritable jackpot depuis que la Russie a interrompu les livraisons de moteurs-fusées (voir notre article).
Vers un rapprochement durable entre SpaceX et l’ESA ?
En effet, depuis cette date, plusieurs institutions prestigieuses ont déjà fait appel à SpaceX pour combler le vide laissé par les équipements russes. On peut citer le géant américain de la défense Northrop Gruman, mais aussi le gouvernement britannique ou l’agence spatiale indienne.
Une tendance que l’on constate aussi en Europe. Et ce phénomène pourrait encore prendre de l’ampleur dans les années à venir, sachant qu’Arianespace fait grise mine en ce moment. L’avenir d’Ariane 6, en particulier, semble compromis ; ce véhicule devait permettre à l’Europe de rattraper son retard, mais il est désormais évident qu’il ne répondra pas aux besoins à long terme de l’agence. Même Bruno Le Maire parlait alors de “mauvais choix stratégique” (voir notre article). Et sa future héritière, la fusée réutilisable Maïa, n’est pas attendue avant plusieurs années.
En attendant que l’Europe se mette enfin au diapason, il va bien falloir compenser la perte des engins russes. Il est donc fort probable que nous assistions à un renforcement des relations entre l’ESA et SpaceX lors des prochaines années. Le lancement d’Euclid serait en tout cas un pas significatif dans cette direction, avec des implications regrettables pour l’autonomie stratégique de notre continent.
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Le directeur général de l ESA est certes le premier responsable de cette non anticipation et de cette erreur stratégique, mais, la France et ses Politiques et Politiciens ont suivis comme des moutons sans se poser des questions? Erreur stratégique Majeur au détriments de nos Militaires et nos scientifiques! Alors que l on a à portée de main ou de sites, un lanceur ultra perform en pleine capacités rapides de développements, le lanceur Italien d une entreprise unique de l Aéronautique Avio le Véga C ! C est a ne rien comprendre enfin? Sachant que nos ingénieurs régnaient dans l Aéronautique et face au Monde avec nos lanceurs et fusées Diamant ! Chapeau!
Merci Thank you merci a Tous !