Lorsqu’une étoile arrive en fin de vie, elle commence à épuiser les réserves de carburant qui alimentent sa fournaise interne. Pour certains types d’astres, l’histoire se termine alors en supernova — une gigantesque explosion thermonucléaire qui secoue de larges portions du cosmos et catapulte de la matière dans tous les sens.
La majorité des astronomes s’accordent à dire que le phénomène est extrêmement important dans la dynamique globale de notre univers ; les supernovas sont à l’origine d’une sorte de grand brassage cosmique qui participe directement à la formation des planètes, des astres, et même de tous les êtres vivants ; l’humanité n’existerait probablement pas sans l’influence des supernovas.Pour les chercheurs, il est donc très important de comprendre les tenants et aboutissants de ces mécanismes.
Des phénomènes très importants, mais tout aussi difficiles à observer
Mais pour ce faire, encore faut-il avoir des cobayes à disposition — et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne se bousculent pas au portillon.Les supernovas émettent certes un rayonnement très puissant qui les rend visibles de très loin ; mais ce sont aussi des phénomènes relativement éphémères.
À moins de la prendre sur le fait par hasard, en regardant au bon endroit au bon moment, il est très difficile d’étudier l’explosion en elle-même. Le plus souvent, les astronomes doivent se contenter d’étudier les rémanents, ces poches de poussière et de gaz qui subsistent près de l’étoile après l’incident. Mais cela pourrait bientôt changer grâce à la contribution d’un groupe de chercheurs anglais et français, affiliés aux universités de Liverpool et Montpellier.
Au fil du temps, les astronomes du monde entier ont remarqué que les étoiles massives avaient tendance à devenir beaucoup moins brillantes à la fin de leur vie. Intuitivement, on pourrait croire qu’il s’agit d’une conséquence du ralentissement des réactions nucléaires, mais ce n’est pas le cas.
Si l’astre devient plus terne, c’est que peu avant l’explosion, il se débarrasse d’une immense masse de gaz et de poussière ; peu avant la supernova, ce matériel forme une sorte de cocon quasiment opaque, d’où la baisse de la luminosité. Reste encore à déterminer la chronologie de ce processus pour pouvoir anticiper des supernovas ; et c’est précisément ce que les chercheurs franco-britanniques ont tâché de faire.
Ces étoiles se cachent pour mourir
Ces derniers ont parcouru des tas d’archives publiées par d’autres chercheurs qui ont observé des étoiles en fin de vie et des rémanents de supernova. À l’aide de différents outils mathématiques, ils ont mis en place un modèle capable de décrire le déclin des étoiles avec une précision inégalée.
Ce modèle leur a permis de conclure que l’explosion devient imminente lorsque ce cocon bloque environ 99 % de la lumière visible et 90 % du rayonnement infrarouge. En effet, toutes les étoiles observées qui présentaient cette caractéristique ont fini en supernova moins d’un an plus tard; lorsqu’une étoile de cette catégorie devient terne, on peut donc y voir une sorte de signal d’alarme.
Ces travaux pourraient donc permettre d’anticiper les supernovas, avec tout ce que cela implique pour la recherche scientifique. « Jusqu’à présent, nous n’avons pu obtenir des observations détaillées des supernova que quelques heures après l’incident », explique Benjamin Davies, auteur principal de l’étude. « Mais avec ce système d’alerte précoce, nous pouvons nous préparer à observer en temps réel, à pointer les meilleurs télescopes sur les astres précurseurs, et les regarder se déchirer devant nos yeux », se réjouit-il.
Bételgeuse a encore de beaux jours devant elle
Pour l’anecdote, ces travaux remettent aussi en question l’avenir de Bételgeuse. Depuis plusieurs années, cette étoile supergéante nargue les astronomes en s’obscurcissant périodiquement ; un comportement qui a parfois été interprété comme un signe avant-coureur d’une supernova. Pour toutes les raisons indiquées plus haut, les chercheurs la scrutent donc en permanence dans l’espoir d’observer l’explosion en direct.
Cette interprétation a toujours été vivement débattue par la communauté scientifique ; aujourd’hui, la plupart des astronomes considèrent qu’elle ne finira probablement pas en supernova avant un certain temps (voir notre article). Et cette interprétation est renforcée par les travaux des chercheurs franco-britanniques ; il serait très étonnant qu’elle détonne dans un futur proche, sachant qu’elle ne présente pas cette perte de masse et de luminosité caractéristique. Les chercheurs vont donc probablement devoir rediriger cette curiosité morbide vers d’autres candidats s’ils veulent observer une supernova en temps réel de leur vivant.
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