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Ce trou noir a vomi les restes de ses spaghetti d’étoile trois ans plus tard

AT2018hyz aurait-il fait une indigestion, plusieurs années après s’être empiffré ?

L’une des caractéristiques les plus marquantes des trous noirs, c’est leur propension à dévorer tous les objets qui passent à proximité. Ces monstres cosmiques sont à l’origine d’une force gravitationnelle si intense que rien ne leur résiste. Peu importe s’il s’agit d’une galaxie entière ou d’un photon qui voyage à la vitesse de la lumière ; selon les travaux d’Einstein sur la relativité, rien de ce qui s’approche de la zone centrale (l’Event horizon, ou horizon des événements) ne peut en ressortir indemne.

Dans la majorité des cas, ces objets ne dévorent pas leur proie en une bouchée. Une étoile, par exemple, peut être progressivement siphonnée au fil de ses passages à proximité de l’Event horizon ; à chaque fois qu’elle s’en approche, le trou noir lui arrache une partie de matériel sous la forme de longs filaments.

Une histoire de “spaghetti

Ces événements, officiellement baptisés Tidal Disruption Events (TDE), sont à la base d’un processus au nom très explicite : les chercheurs parlent souvent de « spaghettification ». On pourrait croire à une blague, mais il s’agit d’un terme très sérieux formalisé par Stephen Hawking lui-même dans son légendaire Une brève histoire du temps. Aujourd’hui, l’expression est régulièrement utilisée dans la littérature académique.

Une vue d’artiste d’une étoile “spaghettifiée”.© ESO, ESA/Hubble, M. Kornmesser

Ce matériel « spaghettifié » à tendance à s’allonger en périphérie du trou noir tout en atteignant des températures extrêmes ; ils émettent donc une quantité phénoménale de radiations. Une aubaine pour les chercheurs ; ce rayonnement leur permet de les repérer à des millions d’années-lumière à la ronde afin d’étudier ce processus fascinant. Et l’étude d’un cas très particulier survenu récemment prouve à nouveau qu’il reste des tas de choses à découvrir sur la physiologie des trous noirs.

Une indigestion à retardement unique en son genre

En observant AT2018hyz, un trou noir situé à 665 années-lumière en 2018, une équipe de chercheurs l’ont pris la main dans la boîte à gâteaux ; il était au beau milieu d’un TDE, en train de se régaler de spaghettis d’étoile. Un spectacle assez rare, certes, mais déjà observé par d’autres chercheurs auparavant. L’équipe en adonc déduit que ce TDE n’était « pas particulièrement remarquable » ; à première vue, cette observation n’a pas apporté d’éléments révolutionnaires.

Mais quand ils se sont penchés dessus près de trois ans plus tard, une surprise de taille les attendait; AT2018hyz émettait un rayonnement très intense, un peu comme s’il était en train de « spaghettifier » une étoile. « AT2018hyz était en silence radio les trois premières années, mais désormais, il s’est illuminé de façon dramatique jusqu’à devenir l’une des TDE les plus intenses jamais observés », expliquait Edo Berger, professeur à Harvard et co-auteur de l’étude.

Un détail qui a laissé l’équipe perplexe. Car en général, ces radiations ont tendance à apparaître directement après un TDE, et certainement pas des années plus tard. Or, tous les relevés indiquaient que le trou noir n’avait pas absorbé de nouvelle étoile depuis l’événement de 2018. « Ça nous a pris complètement par surprise — personne n’a jamais vu quoi que ce soit de semblable », explique Yvette Cendes, l’une des auteures de l’étude.

Une généralité ou un cas isolé ?

Ni une ni deux, son équipe a donc déposé des demandes d’autorisations spéciales auprès de plusieurs grands télescopes pour pouvoir réaliser des observations en urgence ; tous ont immédiatement accepté de bousculer leurs agendas, ce qui montre bien le côté exceptionnel de ce phénomène.

Et bien leur en a pris ; ils ont pu confirmer que le trou noir était bien en train de « vomir » du matériel à environ la moitié de la vitesse de la lumière. Mais surtout, ils ont pu confirmer que ce matériel résiduel provenait bien de l’étoile dévorée trois ans plus tôt ; un succès retentissant. « C’est la première fois qu’on observe un délai aussi long entre le repas et la sortie », explique Berger.

Et cette nouvelle observation est livrée avec tout un tas de questions complémentaires auxquelles ils vont désormais tenter de répondre. Ils chercheront notamment à découvrir comment et pourquoi ce gros bébé a tant tardé à faire son rot. Ils vérifieront aussi s’il s’agit d’un processus commun qui serait passé inaperçu jusque là, ou s’ils ont assisté à un événement rare.

La réponse à ces questions permettra d’en apprendre davantage sur la façon dont les trous noirs se nourrissent et grandissent. Et connaissant leur importance dans la dynamique globale de l’univers, cela permettra aussi de préciser les modèles qui décrivent l’évolution du cosmos et des objets qu’on y trouve.

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