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NASA : Juno rapporte un gros plan exceptionnel de la lune gelée Europe

Cela faisait plus de 20 ans qu’Europe n’avait pas été observée de près.

La sonde Juno de la NASA, qui explore le voisinage de Jupiter, a rapporté une image assez exceptionnelle : voici l’une photographies les plus détaillées d’Europe, la mystérieuse lune gelée qui accompagne la géante gazeuse.

Ce cliché a été capturé lors de son survol le plus récent, la semaine dernière, quand l’engin a frôlé ce monde gelé à tout juste 350 kilomètres d’altitude. C’est seulement la troisième fois qu’une machine créée par l’Homme s’en approche aussi près. Un positionnement qui lui a offert une vue imprenable.

Une bonne occasion de redécouvrir cette surface glacée, parcourue de longues stries qui, vues du ciel, ressembleraient presque à des autoroutes. Il s’agit en fait de lignes de fracture ; ce sont des structures très importantes, car ce sont les principaux témoins de la fascinante activité géologique et hydrologique d’Europe.

Cette grande sphère de glace est bien plus dynamique qu’on pourrait le croire à première vue ; elle est recouverte d’immenses plaques de glace qui présentent des similitudes frappantes avec certaines structures terrestres.

© NASA/JPL-Caltech/SwRI

Europe montre ce qu’elle a dans le ventre

La plupart des modèles scientifiques actuels suggèrent que ce matériel repose sur une seconde couche de glace, plus chaude, qui présente des mouvements de convection très lents — un peu comme la roche du manteau terrestre. Sur notre planète, cette convection est une composante essentielle de ce qu’on appelle la tectonique des plaques.

Ce modèle scientifique permet de décrire la façon dont d’énormes blocs de roche — les plaques tectoniques — se déplacent les unes par rapport aux autres, ce qui génère différents phénomènes importants comme la subduction dans les zones de jonction. Les chercheurs estiment qu’Europe présente probablement des phénomènes similaires, mais avec ces plaques de glace ; les lignes qu’on observe sur les photos sont une manifestation des contraintes physiques que les différentes plaques exercent les unes sur les autres.

Au centre de l’image, on repère aussi une zone moins uniforme qui tranche avec le reste du paysage. Les spécialistes n’ont pas réussi à déterminer précisément son origine. Il pourrait s’agir d’une autre conséquence de l’activité interne d’Europe. On peut aussi y voir une cicatrice laissée par une collision avec un autre corps céleste.

Dans la partie basse de cette structure et dans le coin supérieur droit de l’image, on distingue aussi des taches sombres en forme d’ellipse. Les planétologues les considèrent comme des manifestations d’un autre phénomène remarquable d’Europe.

Sur Terre, la dynamique interne de la planète conduit parfois à une émergence de matériel rocheux surchauffé ; on parle alors d’éruption volcanique. Mais les phénomènes physiques qui les alimentent ne sont pas exclusifs au manteau terrestre ; ils existent aussi sur Europe, où ils donnent lieu à d’immenses éruptions de glace et d’eau liquide. On parle alors de cryovolcanisme, et c’est ce matériel qui serait à l’origine des taches sombres.

Les plus observateurs auront aussi remarqué la présente d’une multitude de petits points blancs irréguliers, particulièrement visibles dans les coins de l’image. Ceux-ci ne correspondent pas à des structures présentes à la surface. Ce sont des artefacts visuels liés à la radioactivité extrême qui existe dans ce coin du cosmos. En effet, Europe reçoit environ 5,4 Sv de radiations par jour; c’est 1800 plus fois qu’un humain sur Terre au niveau de la mer.

Des conditions idéales

L’autre élément intéressant de cette observation, c’est que cette image sensationnelle a été capturée à l’aide d’un instrument qui n’était pas du tout prévu à cet effet — la Stellar Referance Unit (SRU). Habituellement, cette caméra permet à la sonde de s’orienter en observant les étoiles avoisinantes, un peu comme les navigateurs d’antan. Pour pouvoir visualiser ces points de référence, l’instrument a été optimisé pour fonctionner dans des conditions de très basse luminosité.

Une chance, puisque Juno a survolé Europe pendant la « nuit » ; elle était seulement éclairée par les rayons lumineux indirects qui se reflétaient sur les nuages de Jupiter. Une caméra standard aurait donc été presque aveugle dans ces conditions. La SRU, en revanche, n’a eu aucun mal à le faire. Et grâce à ces conditions d’éclairement très particulières, elle a pu capturer ces étendues glacées avec un niveau de détail stupéfiant.

« Cette image débloque un niveau de détail incroyable dans une région que l’on n’avait jamais observée à une telle résolution, et avec des conditions d’illumination aussi révélatrices », explique Heidi Becker, l’une des responsables de ces observations, dans un communiqué.

« Toutes ces structures de surface sont si intrigantes », continue-t-elle. « Comprendre comment elles se sont formées, et comment elles sont connectées à l’histoire d’Europe, nous informera sur les processus internes et externes qui définissent cette croûte glacée ».

Et après ?

Malheureusement, aussi vaillante soit-elle, Juno aura bien du mal à déterminer ce qui se passe sous cette armure. Pour en savoir plus, il faudra attendre l’arrivée d’Europa Clipper, la star d’une autre mission très excitante. Cet engin partira en 2024 avec l’objectif de se poser directement à la surface pour faire connaissance avec cette lune. Elle tentera de percer les secrets de sa géologie tout en cherchant à déterminer si Europe serait susceptible d’abriter une vie extraterrestre.

Mais Juno ne va pas partir à la retraite pour autant ; elle a déjà prouvé à maintes reprises qu’elle était capable d’aller bien au-delà de sa mission initiale. À l’origine, elle devait uniquement se concentrer sur Jupiter. Entre-temps, elle a rapporté de superbes gros plans de Ganymède, un autre des principaux satellites de Jupiter.

Avec cette image d’Europe, la sonde ajoute la deuxième des quatre lunes galiléennes à son tableau de chasse. Et dès 2023, elle récidivera avec Io lors d’une observation qui s’annonce déjà fascinante. Cette lune est radicalement opposée à sa petite sœur gelée ; il s’agit de l’objet astronomique le plus sec jamais identifié par les chercheurs. C’est aussi l’objet le plus géologiquement actif du système solaire, avec plus de 400 volcans actifs à sa surface.

Autant dire que Juno ne va pas s’arrêter en si bon chemin ; elle nous réserve encore des images que les passionnés dévoreront comme des petits pains chauds et qui occuperont les scientifiques pendant de longues années.

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Source : NASA

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