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SpaceX : la mission Crew-5 rejoint l’ISS avec 4 astronautes… et Einstein

Au menu de cette mission pas comme les autres : une femme aux commandes d’un vaisseau SpaceX, une poupée à l’effigie d’un grand génie, et une entente rassurante entre la Russie et les Etats-Unis.

Les travaux de l’illustre Albert Einstein ont joué un rôle fondamental dans notre compréhension actuelle de l’univers et des lois qui le régissent. Mais il n’a jamais eu l’occasion de visiter l’espace de son vivant ; il vient désormais de le faire symboliquement, près de 70 ans après sa mort.

Cette drôle d’initiative faisait partie du programme de Crew-5, une mission conjointe de la NASA et de SpaceX qui a décollé hier du Kennedy Space Center avec quatre astronautes à son bord. Son objectif principal était d’acheminer quatre astronautes jusqu’à l’ISS pour assurer la relève de la mission Crew-4, dont l’équipage doit rentrer sur Terre prochainement.

Cela aurait donc pu ressembler à une expédition de routine ; mais c’est en fait loin d’être le cas. La mission Crew-5 s’est distinguée à plusieurs niveaux, à commencer par la présence d’ une poupée à l’effigie d’Einstein qui a pris place hier dans un lanceur de SpaceX.

La légende raconte que le physicien, en pleines divagations dans le cadre de ses travaux sur ce qui deviendra la légendaire théorie de la Relativité, aurait eu la « pensée la plus heureuse de sa vie » en imaginant qu’un humain en chute libre dans l’espace ne ressentirait plus son propre poids.

Cette prise de conscience a été déterminante dans l’émergence d’une des théories les plus solides de l’histoire académique, à savoir la relativité générale. Aujourd’hui encore, il s’agir d’un pilier de la science moderne qu’aucun chercheur n’a réussi à faire vaciller — et ce n’est pas faute d’avoir essayé (voir notre article).

Un hommage amusant à Einstein

Pour ce génie né en 1874 et décédé en 1955, il ne s’agissait que d’une expérience de pensée ; il est malheureusement mort six ans avant le voyage historique de Youri Gagarine en orbite, en 1961. Il n’a donc jamais eu l’occasion de vivre physiquement ce phénomène qu’il a théorisé ; une opportunité manquée que SpaceX a voulu corriger avec cette effigie, utilisée comme indicateur zéro-G.

Le rôle de cet indicateur est de signaler le passage en impesanteur; lorsqu’ils se promènent dans l’habitacle, cela signifie que le véhicule est soit en chute libre à proximité de la Terre, soit en orbite (très sommairement, l’orbite n’est rien d’autre qu’une chute libre permanente autour d’un puits de gravité).

Ils peuvent prendre des formes diverses et variées. Mais les troupes de SpaceX ont développé leur propre petite tradition qui consiste à utiliser des poupées. C’est une approche à la fois ludique et tout à fait fonctionnelle, puisque ces objets se mettent simplement à flotter dans la capsule lors de la transition. Par le passé, les capsules Dragon ont déjà accueilli des peluches diverses et variées comme Baby Yoda, un pingouin, une tortue, un singe ou encore un adorable petit dinosaure baptisé Tremor.

Un équipage plein de symboles

Mais la présence de cette poupée Einstein, aussi amusante soit-elle, n’était pas l’élément le plus important de cette mission. En effet, deux des membres de l’équipage se sont illustrés par des grandes premières à la portée non négligeable.

Cela commence par la présence de Nicole Mann ; cette membre de la tribu de Wailacki est devenue la première astronaute d’origine amérindienne à atteindre l’orbite. Un symbole fort, sachant que l’exploration spatiale a longtemps été réservée à des hommes de type caucasien. Elle devient aussi la toute première femme à occuper le poste de commandant de mission à bord d’un vaisseau de SpaceX.

L’autre passager remarquable, c’est Anna Kikina, une cosmonaute de l’agence spatiale russe Roscosmos. C’est la toute première citoyenne russe à prendre part à une mission organisée par SpaceX. Il y a quelques mois, sa nationalité n’aurait probablement fait réagir personne. Après tout, la Russie dispose d’un des contingents d’astronautes les plus importants au monde. Mais c’est tout sauf anecdotique dans le contexte actuel, en pleine escalade de l’invasion russe en Ukraine.

Comme leurs gouvernements respectifs, la NASA et Roscosmos entretiennent des relations compliquées depuis le début de la crise. Même si la coopération continue dans le cadre de l’ISS, les deux agences ont pris leurs distances ; ce détachement progressif a déjà eu des conséquences importantes sur des programmes ambitieux comme ExoMars, au grand dam des scientifiques impliqués (voir notre article).

Une bonne nouvelle pour la coopération spatiale

La présence de Kikina est donc un signe extrêmement encourageant ; cela montre que malgré leurs postures fermes, les deux agences continuent tout de même de travailler ensemble en coulisses. Une excellente nouvelle pour l’avenir de l’exploration spatiale et pour les relations diplomatiques entre les deux pays.

De plus, l’humeur générale de l’équipage semble particulièrement bonne. « J’adore mes coéquipiers », a-t-elle expliqué aux journalistes américains à son arrivée sur le site. « Je me sens bien, très à l’aise. Nous allons faire notre travail de la meilleure des façons possibles : heureux ! », a-t-elle ajouté avec un grand sourire.

Et une fois n’est pas coutume, même l’agence spatiale russe affiche ouvertement sa bonne volonté. « Nous continuons ce que nous avons commencé il y a des années, en 1975 », explique-t-il. Il s’agit d’une référence à une rencontre en orbite entre deux équipages américains et russes qui avaient travaillé ensemble le temps d’une mission.

Cet épisode est resté dans les mémoires comme un symbole de la coopération entre les deux nations après la Guerre froide qui les a opposés. Il s’agit donc d’une allusion bien trouvée et particulièrement pertinente par les temps qui courent. Décidément, Roscosmos se montre bien moins belliqueuse depuis le limogeage de son ancien président, le sulfureux Dmitry Rogozine (voir notre article). Et c’est une excellente nouvelle pour tout le monde.

Espérons donc que cet état d’esprit survivra à la nouvelle escalade qui s’annonce après la campagne de « mobilisation partielle » récemment décidée par Vladimir Poutine ; le rôle politique et diplomatique de l’aérospatiale n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui.

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