Des chercheurs affiliés à l’Université d’Oxford sont parvenus à faire passer deux horloges atomiques dans un état d’intrication quantique, le tout à une distance proche de deux mètres. C’est la première fois que ce phénomène est confirmé expérimentalement à cette distance, et ce nouveau record saisissant pourrait avoir des implications profondes pour la recherche, notamment en ce qui concerne la mystérieuse matière noire.
Pour comprendre les tenants et aboutissants de cet exploit à l’échelle quantique, il faut d’abord s’intéresser aux particularités des horloges atomiques. C’est un concept né dans les années 50, avec l’objectif de proposer une méthode d’enregistrement du temps exceptionnellement précise.
Même les horloges atomiques ont leurs limites
Et il ne s’agit pas d’une exagération. Les montres à quartz standard présentent généralement une déviation de l’ordre d’une seconde tous les quelques jours. Chez les horloges atomiques, en revanche, cette déviation est de l’ordre d’une seconde… tous les 100 millions d’années.
Pour atteindre ce degré de précision invraisemblable, pas question d’utiliser un cristal de quartz et des engrenages. À la place, les horloges atomiques se reposent sur la périodicité extrêmement précise de certains phénomènes qui ont lieu à l’échelle de l’atome, dans le cadre de réactions nucléaires. Par exemple, l’atome de césium-133 oscille très exactement 9 192 631 770 fois par seconde ; cette mesure sert d’ailleurs de définition officielle de la seconde depuis 1967.
Autant dire que cet instrument a déjà changé radicalement le visage de notre civilisation. L’heure fournie par une horloge atomique est aujourd’hui à la base de l’intégralité des systèmes de communication et de navigation modernes. Même constat pour la recherche scientifique, notamment en physique fondamentale ; sans cette capacité à mesurer le temps de façon très précise, l’humanité aurait été privée de nombreuses découvertes très importantes.
Une synchronisation basée sur l’intrication quantique
Mais même ces phénomènes atomiques incroyablement réguliers et stables ne sont pas parfaits. Les horloges atomiques présentent aussi un certain degré d’imprécision, même s’il est ridiculement petit. Évidemment, certains chercheurs se sont donc mis en tête de pousser encore plus loin ce niveau de précision déjà phénoménal. Et comme souvent en physique, cette course à la précision a poussé les spécialistes à s’aventurer dans le monde étrange de la physique quantique.
Ils ont notamment exploré l’intérêt potentiel d’un phénomène mystérieux, l’intrication quantique. Très sommairement, il s’agit d’un état quantique où deux particules sont reliées par un lien inextricable et indépendant de leur distance, si bien qu’elles ne peuvent même plus être décrites indépendamment l’une de l’autre.
Techniquement, si l’une des deux particules subit la moindre modification, l’autre membre du tandem subira précisément les mêmes effets, même s’il est situé à l’autre bout de l’univers. Cette notion a d’ailleurs donné lieu à une célèbre phrase d’Albert Einstein, qui désignait l’intrication quantique comme une « action effrayante à distance ».
Deux horloges atomiques intriquées à deux mètres de distance
Des chercheurs se sont donc posé une question qui, à première vue, pourrait sembler saugrenue ; serait-il possible de se servir de l’intrication quantique pour améliorer la précision des horloges atomiques ? Et contre toute attente, la réponse s’est avérée être un grand « Oui ».
Plusieurs équipes de physiciens ont montré qu’il était possible d’intégrer deux horloges atomiques dans un même système, puis de les « synchroniser » en forçant certaines particules à passer dans un état d’intrication quantique. Sur le papier, cette approche permet d’obtenir un niveau de précision encore plus important qu’une horloge atomique normale.
Il s’agissait déjà d’une avancée intéressante en théorie ; mais les chercheurs d’Oxford viennent de faire passer ce champ de recherche dans une toute nouvelle dimension. Dans leurs travaux publiés le 8 septembre dernier, ils ont montré qu’il était possible de jouer sur l’intrication quantique pour relier deux horloges atomiques dans des systèmes distincts et même physiquement séparés !
En pratique, ils ont donc créé le tout premier réseau quantique en bonne et due forme. Certes, il ne s’agit pour l’instant que d’une preuve de concept. Leur test n’a pas encore permis d’arriver à des niveaux de précision révolutionnaires. Mais ce n’était pas l’objectif des chercheurs dans ce cas précis; et les implications de ces travaux sont quand même particulièrement profondes.
Des implications profondes pour la physique fondamentale
Et pour cause : en exploitant ce phénomène à une distance de l’ordre du mètre, les chercheurs d’Oxford sont arrivés à un stade où l’on peut commencer à envisager des applications pratiques et concrètes pour cette technologie, ce qui était tout simplement inenvisageable pour les expériences qui travaillaient à l’échelle du nanomètre.
Cela ouvre la voie à la construction de réseaux à grande échelle d’horloges atomiques parfaitement synchronisées ; une fois que cette technologie arrivera à maturité, elle permettra de quantifier le passage du temps avec une précision consternante, bien au-delà des meilleures horloges atomiques actuelles.
Cette étude pourrait donc servir de base à des tas d’autres travaux qui déboucheront eux-mêmes sur des découvertes révolutionnaires. Par exemple, des chercheurs nord-américains ont déjà suggéré qu’un système de ce type — encore hypothétique à l’époque — pourrait aider les physiciens dans leur traque de la matière noire. On peut aussi imaginer des applications dans le cadre de l’informatique quantique, par exemple.
Et il ne s’agit que de la partie émergée d’un immense iceberg de possibilités. Plus largement, ces travaux ouvrent la voie à de formidables progrès en physique quantique, avec tout ce que cela implique pour notre compréhension globale de l’univers. Il conviendra donc de suivre les retombées de ces travaux avec une attention toute particulière.
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Super
L’article est super bien mais le titre de l’article sur ce qui pourrait effrayer Einstein est extrêmement nul.