Une équipe internationale de chercheurs a récemment mis la main sur un petit trésor paléontologique en Éthiopie ; ils ont déniché des échantillons d’ambre (une résine fossile) qui contenaient 13 spécimens de fourmis à la morphologie étrange.
Grâce à la présence de grains de pollen dans l’ambre, ils ont pu procéder à une datation indirecte de ces insectes ; ils ont pu déterminer qu’ils étaient âgés de 16 à 23 millions d’années. En revanche, leur identité a été plus difficile à confirmer.
Au terme des analyses initiales, il s’est avéré que les fourmis en question ne correspondaient à aucune espèce connue. Dans un premier temps, les chercheurs ont estimé que ces individus appartenaient à la sous-famille des Aneuretinae. C’est un groupe particulièrement rare et quasiment éteint ; la grande majorité de ses représentants sont aujourd’hui éteints et documentés seulement à l’état de fossile. À la connaissance des chercheurs, il n’en existe qu’une seule espèce, et elle vit au Sri Lanka — bien loin du lieu où cet échantillon a été collecté.
Une toute nouvelle espèce de fourmi
Ils ont donc sorti l’artillerie lourde en soumettant ces fourmis à des examens poussés, basés sur des techniques à la pointe de la technologie. En effet, il est impossible de procéder à des analyses génétiques ; il faudrait pour cela ouvrir l’écrin d’ambre, ce qui compromettrait l’intégrité de ces échantillons très anciens. La seule solution est donc de les étudier de l’extérieur le plus précisément possible.
Ils ont notamment utilisé la tomographie par rayons X. C’est une technique dont les différentes variantes sont utilisées dans de nombreux domaines comme la géologie, la science des matériaux ou la médecine (on parle alors de tomodensitométrie). Cela consiste à mesurer l’absorption des rayons X des différents tissus pour produire une sorte de carte anatomique en 3D.
Mais les tomodensitométries classiques sont trop peu précises pour fonctionner dans ce cas de figure ; ils ont donc dû avoir recours à la microtomographie par synchrotron. C’est une déclinaison extrêmement précise de cette technique qui leur a permis de produire des images en très haute résolution.
Et les détails qu’ils y ont repérés ont écarté la piste d’Aneuretinae ; ils pointaient plutôt vers une sous-famille radicalement différente. La forme de l’abdomen et des mandibules, en particulier, étaient plus proches de celles qu’on retrouve chez les fourmis Ponerinae.
Ils ont donc assigné une nouvelle espèce et un nouveau genre taxonomique à cette sous-famille aujourd’hui éteinte. Ils l’ont baptisée Desyopone hereon, en l’honneur du DESY et du Hereon — deux des institutions qui ont grandement contribué à ces travaux. Pour l’anecdote, le DESY est un prestigieux laboratoire dont l’accélérateur de particules s’était illustré l’été dernier en « sentant » le concert d’un célèbre groupe de métal (voir notre article).
Une fenêtre sur l’Afrique d’antan
L’autre élément qui rend cette découverte très intéressante, c’est que jusqu’à présent, les spécialistes n’avaient pas encore trouvé la moindre pièce d’ambre présentant des inclusions de fossiles en Afrique. En effet, l’ambre est traditionnellement utilisé par les populations locales pour confectionner des bijoux. D’après les chercheurs, c’est la toute première fois qu’une inclusion d’ambre contenant des fossiles d’êtres vivants est retrouvée en Afrique.
« Son importance scientifique n’est devenue claire pour les chercheurs que sur la dernière décennie », explique Vincent Perrichot, un chercheur de l’Université de Rennes qui a participé à ces travaux. « Dans l’ensemble, il n’y a que très peu de fossiles d’insectes de ce continent », précise-t-il. Cet échantillon offre donc une « perspective unique sur un ancien écosystème forestier africain » ; il ne reste plus qu’à dénicher de nouvelles pièces d’ambre pleines de trésors pour en apprendre davantage sur cette niche écologique foisonnante.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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