Les astronomes australiens ont de quoi être guillerets en ce moment ; le pays des kangourous vient de s’attacher les services de Setonix, un redoutable supercalculateur flambant neuf qui ne demande qu’à décortiquer des données en quantité industrielle. Moins de 24 heures après sa mise en service, des astronomes s’en sont déjà servis pour produire une image à couper le souffle d’un rémanent de supernova.
Les données en question proviennent de l’ASKAP. C’est un observatoire un peu particulier puisque comme l’Event Horizon Telescope, il ne s’agit pas d’un appareil isolé ; à la place, les signaux sont collectés à l’aide d’un ensemble de 36 antennes radio réparties sur une surface d’un kilomètre carré environ.
Cette architecture permet de repérer des signaux particulièrement ténus. Individuellement, ils ne pèsent donc pas bien lourd en termes de recherche scientifique. Mais ils travaillent tous à une longueur d’onde légèrement différente ; en traitant tous ces éléments en parallèle, il est donc possible de combiner les bribes d’informations que contient chaque relevé pour obtenir des images composites. Les spécialistes peuvent alors les exploiter dans le cadre de leurs travaux.
Un supercalculateur entièrement consacré à l’astronomie
Le souci, c’est que l’ASKAP et ses équivalents produisent aussi une quantité de données phénoménale. Elle est bien trop importante pour être traitée par un ordinateur classique standard dans un délai raisonnable ; pour produire les images composites qui intéressent les chercheurs, il faut donc s’équiper de véritables monstres informatiques. Et c’est là qu’intervient Setonix.
Depuis sa construction en 2009, l’ASKAP est relié à un centre de recherche avoisinant (le Pawsey Supercomputing Research Centre, ou PSRC) par un jeu de fibres optiques spécialisées. Les chercheurs résidents peuvent ainsi collecter, puis exploiter les données du télescope le plus rapidement possible. Et l’arrivée du Setonix dans cette institution est déjà en train de changer la donne à ce niveau.
Sur le papier, il s’agit d’un supercalculateur relativement modeste ; il n’affiche “que” 50 petaflops contre les 1102 du Frontier, l’actuel tenant du titre (voir notre article). Mais le fait qu’il soit directement relié à l’ASKAP et spécialement conçu pour exploiter ses données en fait tout de même un outil sensationnel pour les astronomes.
L’engin sort tout juste de la première phase de son déploiement. Ses opérateurs ont donc voulu tester les capacités de leur nouveau joujou. Les chercheurs à l’origine de ces travaux l’ont ainsi alimenté avec les données issues d’un rémanent de supernova spectaculaire baptisé G261.9+5.5. L’objectif : produire une image exploitable du phénomène à partir d’un jeu de données incroyablement dense.
Un magnifique rémanent de supernova
Les supernovas, ce sont d’immenses explosions qui surviennent à la fin du cycle de vie d’une étoile, lorsque cette dernière arrive au bout des réserves qui alimentent ses réactions thermonucléaires. Ces événements apocalyptiques laissent généralement derrière eux un grand nuage de matière surchauffée, extrêmement brillante et donc facilement repérable ; on parle alors de rémanent. Ces rémanents sont très intéressants pour les astronomes. Ils regorgent généralement d’informations cruciales sur le cycle de vie des étoiles — et par extension sur la dynamique globale de l’univers.
Le cas échéant, cette image de G261.9+5.5 n’apportera probablement pas de découverte révolutionnaire; après tout, cet objet est déjà régulièrement scruté par les spécialistes depuis sa découverte en 1967. En revanche, ce test a permis de prouver la capacité du Setonix à ingurgiter et à digérer une quantité phénoménale de données. Et accessoirement, les volutes de gaz surchauffé générées par ce cataclysme cosmique sont aussi un spectacle grandiose pour les amoureux de l’espace.
L’autre bonne nouvelle, c’est que cette image sensationnelle de G261.9+5.5 (voir en tête d’article) n’est probablement que la première d’une longue série. Les capacités de l’engin désormais validées, les équipes du PSRC pourront bientôt boucler la deuxième phase de son déploiement; une échéance qui augmentera encore sa capacité de traitement. On peut donc s’attendre à ce que les astronomes australiens nous gratifient régulièrement d’images à couper le souffle, comme le James Webb Space Telescope le fait régulièrement depuis le 12 juillet dernier (voir notre article).
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