Lorsqu’on pense à la National Aeronautics and Space Administration (NASA), on pense immédiatement à l’espace — et c’est bien normal, puisque le terme fait partie intégrante de son nom. Dans le cadre de son activité, cette agence gouvernementale a acquis une expérience considérable sur le développement de robots adaptés aux environnements les plus hostiles. Et cette expertise lui a servi à accompagner la firme Nauticus Robotics dans la conception d’un robot submersible métamorphe d’un nouveau genre.
Cette entreprise a été fondée par Nic Radford, un ingénieur de grand talent qui a travaillé pendant 14 ans au légendaire Johnson Space Center de la NASA, à Houston. Son sujet de prédilection a toujours été la robotique ; il faisait notamment partie de l’équipe qui a conçu le Robonaut 2, le tout premier astronaute androïde à s’aventurer dans l’espace.
Comme le suggère le nom de sa firme, l’intéressé a changé de voie ; au lieu de se concentrer sur le vide de l’espace, il a pris la direction inverse en se tournant vers les océans. Mais cela ne signifie pas qu’il a dû repartir de zéro, bien au contraire ; les contraintes sont même étonnamment similaires dans ces deux environnements pourtant très différents.
De l’espace à l’océan, des contraintes récurrentes
Le premier défi est posé par les conditions environnementales; qu’il s’agisse d’eau sous haute pression ou du vide de l’espace exposé aux vents solaires, dans les deux cas, les ingénieurs doivent déployer des efforts considérables pour assurer la survie d’un robot dans ces conditions extrêmes.
L’autre contrainte importante, c’est la distance. Que le robot évolue en orbite ou près du plancher océanique, l’opérateur est souvent positionné très loin du véhicule. Dans l’espace, cela force les équipes au sol à se rabattre sur un système de communication relativement lent, ce qui pose problème lorsqu’il faut contrôler l’engin en temps réel et avec une bonne précision.
Cette contrainte est aussi valable pour un robot immergé à une grande profondeur. Fort heureusement, il existe une parade ; les ingénieurs peuvent équiper ces engins d’un énorme câble. Cette approche permet d’alimenter la machine, de le contrôler avec une grande précision et de rapatrier les données collectées en un clin d’œil. Mais elle est loin d’être idéale.
Cela implique de déployer des moyens logistiques faramineux ; selon la NASA, faire fonctionner une machine de ce type coûte environ 100 000 $ par jour. De plus, une opération de cette envergure a tendance à être absolument désastreuse sur le plan écologique. À cause de toute l’infrastructure complémentaire qui est nécessaire, le bilan carbone de ces expéditions atteint 70 tonnes de gaz à effet de serre par jour selon Radford !
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L’Aquanaut, un véritable Transformer sous-marin
Pour contourner ces limites, ses équipes ont donc cherché à développer un nouveau type de robot en collaboration avec la NASA. Le résultat est l’Aquanaut, un submersible 100 % électrique d’environ 6 mètres de long pour à peu près 3,5 tonnes. Il est capable de fonctionner en autonomie quasi totale, et en cas de pépin, les opérateurs peuvent le contrôler en temps réel grâce un système de communication propriétaire qui fonctionne sans ce cordon ombilical très handicapant.
Et ce n’est pas sa seule particularité. Le point le plus intéressant, c’est qu’il se déplie comme un véritable Transformer. Au début de sa mission, il ressemble à un sous-marin classique, à l’exception de son coloris orange vif et de son gabarit (il est nettement plus petit et dodu que ses cousins militaires).
Une fois arrivé dans la zone ciblée, le nez pivote vers l’avant pour libérer un tas de caméras et de capteurs (sonar, LiDAR, capteurs de profondeur…). Les structures latérales se rabattent ensuite pour se transformer en bras articulés. Ils sont chacun surmontés d’un point d’ancrage qui permet d’équiper le robot de nombreux outils différents.
Le submersible utilitaire du futur ?
C’est donc un engin conçu pour être versatile. Nauticus Robotics suggère qu’il pourra jouer un rôle important dans l’exploitation des ressources offshore, comme le gaz, le pétrole ou même l’éolien. Ces filières se reposent sur des installations qui nécessitent une surveillance de tous les instants et une maintenance régulière, ce qui n’est pas toujours évident par plusieurs centaines de mètres de fond ; l’Aquanaut, en revanche, est parfaitement équipé pour faciliter ce genre d’opérations de routine.
Il peut aussi se charger de l’entretien de fermes marines à grande échelle ou carrément servir d’excavateur pour extraire des minerais rares du plancher océanique. De l’autre côté du spectre, il pourrait aussi hériter de missions en rapport avec la biodiversité. Avec un Aquanaut, un groupe de chercheurs peut par exemple surveiller certains écosystèmes délicats et y réaliser des prélèvements.
Radford explique aussi que les engins de ce type pourraient devenir des acteurs importants de la logistique portuaire. De même, on peut en attendre une contribution dans l’installation et de la réparation des câbles de télécommunication sous-marins. Il n’est pas non plus interdit d’envisager un rôle dans le secteur militaire, si la Navy lui trouve un intérêt.
Un bon exemple de contribution de l’aérospatiale
En l’état, cet engin n’a pas grand intérêt pour le public. Mais à l’échelle d’une entreprise, voire d’une institution scientifique ou gouvernementale ou d’une, il pourrait permettre de faciliter considérablement certaines opérations tout en réduisant leur coût et leur impact environnemental, ce qui est crucial dans ces écosystèmes marins souvent très fragiles.
En tout cas, c’est une preuve supplémentaire que la recherche appliquée à l’espace n’est pas un gouffre financier sans retombées concrètes. C’est aussi une formidable plateforme d’innovation qui débouche régulièrement sur des technologies très utiles pour l’humanité, comme le rappelle Radford.
« L’espace est formidable en partie à cause de son côté “existentiel” — elle est perchée tout là-haut, et les gens veulent l’explorer. Mais il y a aussi des tas de défis bien réels juste là, dans l’océan, et nous devons en faire davantage pour innover dans le cadre de cette économie bleue », conclut l’ancien ingénieur de la NASA.
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