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La fusée chinoise hors de contrôle s’est écrasée dans l’océan Indien

Le risque associé à l’impact était faible… mais la nonchalence chinoise sur les débris spatiaux continue d’alimenter son bras de fer avec les États-Unis.

Dimanche 24 juillet, la Chine a procédé à un nouveau lancement de sa fusée Longue Marche 5 B. Sa mission : acheminer un module de laboratoire vers sa station spatiale actuellement en construction en orbite de la Terre. Elle a été abandonnée en orbite avant de s’écraser sur notre planète… ce qui a à nouveau fait jaser de nombreux observateurs, à commencer par les Américains.

Heureusement, cet objet d’environ 30 mètres de long ne s’est pas écrasé au sol tel quel. La grande majorité de la structure n’a pas survécu à la rentrée atmosphérique, durant laquelle la structure est soumise à des contraintes thermiques immenses à cause de la friction avec l’atmosphère. La plus grosse partie du matériel (60 à 80 % selon les sources) a brûlé lors de la descente.

Une zone d’impact imprévisible

Si cet événement somme toute assez anecdotique a été suivi d’aussi près, c’est que contrairement aux lanceurs américains par exemple, la fusée Longue Marche 5B n’est pas capable de procéder à une seconde mise à feu une fois ses moteurs éteints. Cela signifie que ses opérateurs ne peuvent pas contrôler précisément la chute.

À la place, ils se contentent de l’abandonner sur une orbite qu’ils estiment sûre. Petit à petit, la friction générée par les quelques particules d’air de la haute atmosphère ralentit progressivement la carcasse. Elle finit ainsi par passer un seuil critique avant d’entamer une chute incontrôlée.

Et c’est cet élément qui a suscité des critiques, notamment du côté des Américains qui ne se privent jamais de commenter les moindres faits et gestes de la Chine. Car dans ce cas de figure, la partie du lanceur qui n’a pas été vaporisée lors de la descente peut parfois poser problème.

Les nombreux débris survivants finissent généralement par s’écraser dans une zone très large. Dans ce cas, elle mesurait environ 2000 km sur 70 km. Ce qui est ennuyeux, c’est que pour les raisons citées ci-dessus, il est impossible d’en prévoir l’emplacement exact ; on sait tout juste que le point d’impact sera situé quelque part en contrebas de l’orbite finale du véhicule.

En tout cas, cette situation n’a pas empêché Zhao Lijian de dormir sur ses deux oreilles. Le porte-parole du Ministère des Affaires Étrangères s’était contenté d’affirmer laconiquement que le risque pour l’aviation et les humains était « très faible ».

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Un risque très faible, mais pas négligeable

Finalement, l’engin s’est écrasé droit dans l’océan indien, entre les Philippines et la Malaisie ; il n’a pas provoqué de dégâts particuliers sur des installations humaines. C’était l’issue la plus probable, car dans l’absolu, le risque associé à ces débris demeurait relativement faible. C’était en tout cas l’interprétation de plusieurs observateurs, comme l’analyste Ted Muelhaupt, cité par Reuters. En tenant compte de la trajectoire initiale, il a pu estimer que 75 % de la surface exposée était recouverte d’eau, de jungle ou de désert.

En pratique, une personne a plus de chance d’être frappée par la foudre que d’être victime d’un de ces shrapnels spatiaux. Mais le risque est tout de même moins abstrait que les responsables chinois ne le concèdent, et cette éventualité n’était pas à exclure pour autant. Selon d’autres spécialistes consultés par Reuters, la probabilité d’un impact problématique était supérieure à 1/1000. Un chiffre tout à fait significatif, et bien au-delà des conventions auxquelles se plient habituellement les acteurs de l’aérospatiale.

Traditionnellement, ces derniers s’arrangent pour que cette probabilité ne dépasse pas 1/10 000. Et dans l’ensemble, toute l’industrie commence à être très performante sur ce point. Aujourd’hui, à l’ère de SpaceX et du New Space, l’enjeu n’est même plus de contrôler la chute ; il s’agit de récupérer quasiment toutes les pièces du lanceur intactes.

Mais en dépit de ses progrès rapides dans ce domaine, la Chine n’a pas encore adopté cette pratique à grande échelle. En fait, pour le moment, c’est même tout l’inverse. Et le pays de Xi Jinping ne semble pas particulièrement préoccupé par les conséquences de ces débris pour les autres pays.

Les habitants de la petite bourgade ivoirienne de N’Guessankro peuvent d’ailleurs en témoigner. En mai 2020, des débris d’une autre fusée Longue Marche 5B sont tombés droit sur le village (voir vidéo ci-dessous). L’année suivante, c’est un village indien qui a eu droit à une surprise comparable.

Un point de friction éminemment politique

Heureusement, ces incidents n’ont fait aucun blessé. Mais ils montrent qu’il s’agit de critiques fondées, et pas critiques sinophobes gratuites de la part du camp américain. Dans ce contexte, ce positionnement décomplexé et flegmatique a tendance à irriter les responsables des autres pays.

« Il est clair que la Chine échoue à atteindre des standards acceptables en termes de débris spatiaux », pestait Bill Nelson, l’administrateur de la NASA, dans un communiqué l’année dernière. « Il est fondamental que la Chine et tous les autres pays et entités commerciales agissent de façon responsable et transparente dans l’espace pour assurer la sécurité, la stabilité, et la viabilité des activités spatiales sur le long terme », précisait-il. Il a réitéré ces propos dans un tweet après le crash.

Rappelons tout de même que malgré cette posture, l’Oncle Sam n’est pas exempt de tout reproche à ce niveau. Par le passé, de nombreux lanceurs hors de contrôle se sont déjà écrasés de cette manière sous la houlette de la NASA. Plusieurs fusées Saturn des missions Apollo ont fini ainsi. On peut aussi citer la navette Columbia, même si la situation était assez différente.

Depuis quelques années, avec les progrès de la technologie, la plupart des pays ont beaucoup avancé ; aujourd’hui, la majorité des rentrées atmosphériques est contrôlée de façon à ce que le crash ne représente aucun danger… mais pas du côté de la Chine.

Selon la liste de l’astronome Jonathan McDowell qui surveille ces phénomènes (disponible ici), depuis 2020, les seuls objets massifs à avoir subi une rentrée atmosphérique incontrôlée étaient tous flanqués du pavillon chinois. Il s’agissait à chaque fois d’une fusée Longue Marche 5 B.

Rappelons que les Chinois et les Américains ne ratent jamais une occasion de s’adresser des critiques virulentes par diplomates interposés ; et en ce moment, les États-Unis ciblent régulièrement l’aérospatiale chinoise. Ils l’accusent notamment d’orchestrer un espionnage industriel à grande échelle et de vouloir accaparer la Lune, ce que le contingent chinois a vigoureusement démenti.

Il faut donc garder en tête que ces déclarations sont rarement 100 % objectives, d’un côté comme de l’autre. Elles s’inscrivent dans le cadre d’un grand bras de fer géopolitique où les États-Unis cherchent activement à limiter l’influence de la Chine, et vice versa ; récemment, le Congrès américain a par exemple voté une loi qui débloque 280 milliards de dollars de fonds. L’objectif revendiqué : « contrer la Chine ».

Le lancement de la prochaine fusée Longue Marche est prévu en octobre 2022 ; nous vous donnons donc rendez-vous à cette date qui sera probablement accompagnée de nouveaux commentaires acerbes des deux côtés. Il sera en tout cas intéressant de suivre l’évolution de cette situation, à une époque où la conquête spatiale continue de devenir de plus en plus importante en termes stratégiques, politiques et économiques.

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5 commentaires
  1. Même en aérospatiale les chinois arrivent à faire du low-cost.
    Sûrement qu ils n ont pas réussis à voler les plans russe ou occidentaux

  2. Ce n’est pas une fusée qui s’écrase, mais un débris de fusée. enfin bon ca fait moins putaclic.

  3. On peut critiquer la Chine… Mais aussi nos médias ! Tous parlent d’océan indien, en réalité les débris sont tombés en mer des celebes, au sud ouest des Philippines, qui se trouvent bien dans l’océan pacifique nord !

  4. On peut aussi s’intéresser de plus près aux chutes de premiers étages des tirs nasa au large de la Floride et Ariane espace au large de la Guyane. Quelques accidents sont reportés tous les ans, plaisanciers et pêcheurs sont partis au fond mystérieusement, juste après un tir.

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