Tous ceux qui ont déjà fait l’expérience de l’éducation canine peuvent en témoigner : nos amis les chiens sont terriblement futés — en particulier lorsqu’il s’agit d’obtenir une friandise. Mais tout récemment, des chercheurs ont montré avec une expérience étonnamment simple que leurs capacités cognitives pourraient être encore plus importantes que prévu.
Traditionnellement, l’éducation canine se base sur un répertoire d’ordres bien précis, et suffisamment distincts les uns des autres. Cela facilite grandement l’apprentissage, car cela permet au chien d’associer ces combinaisons de sonorités à une action bien précise.
Grâce à cet entraînement, le chien peut comprendre ce qu’on attend de lui et répéter l’action même lorsque les conditions changent légèrement ; par exemple, lorsqu’on lui indiquera de « chercher la balle », il sera probablement capable de le comprendre même si son maître lui donne le même ordre avec deux balles différentes.
Un ordre qui fait appel à la mémoire et dépend du contexte
Mais dans les travaux de ces chercheurs, la situation est assez différente. Ils ont commencé par éduquer les chiens avec un ensemble de commandes standard, comme « tourne » ou « couché ». Les deux auteurs ont ensuite réussi à leur apprendre un ordre qui leur indique de reproduire la dernière action effectuée.
Contre toute attente, ils ont constaté que leurs amis à quatre pattes avaient tous réussi à assimiler ce concept. Mais surtout, ils se sont même montrés capables de reproduire des actions qui ne correspondaient pas à un ordre précis et déjà connu. Par exemple, lors de l’étude, l’un des chiens a posé ses pattes avant sur un tabouret ; un comportement pas enseigné par ses maîtres, et qui ne correspondait à aucun ordre. Lorsque ses maîtres lui ont indiqué de le refaire, l’animal s’est exécuté sans se faire prier.
Cela suggère que le chien a véritablement assimilé le concept de répétition, et pas seulement le lien entre une commande et une action précise. Cet ordre dépend entièrement du contexte ; l’action associée à cette même commande change à chaque fois. Et cela rend cette expérience très intéressante. Car même si cela ressemble à un tour comme un autre, les implications sont en fait beaucoup plus profondes qu’il n’y paraît.
Une preuve de conceptualisation abstraite ?
En effet, cela suggère que les chiens présentent une capacité de conceptualisation abstraite. Très sommairement, ce terme désigne la capacité à construire un raisonnement et à extrapoler à partir d’un exemple précis. Cognitivement parlant, c’est un phénomène bien plus complexe que le simple fait de suivre un ordre.
Cela implique que le chien est aussi capable d’analyser ses propres expériences et de raisonner à partir de ces éléments pour s’adapter à un nouveau contexte en construisant des relations de causalité relativement élaborées.
On peut tout à fait imaginer que certains maîtres ont déjà réussi à enseigner ce concept à leur compagnon par le passé. Mais jusqu’à présent, aucune étude scientifique n’a encore strictement documenté ce phénomène chez les chiens. En fait, si l’on ignore les humains, elles ne l’ont été que chez un seul mammifère : le dauphin.
Une nouvelle piste de recherche pour la cognition animale
Et c’est une excellente nouvelle pour les chercheurs. Car si la façon dont les animaux conçoivent et se représentent ces concepts abstraits est encore mal connue, il est aussi très difficile de l’étudier. On sait par exemple que les dauphins — les seuls mammifères chez qui cette capacité à été confirmée — ont tendance à être profondément malheureux en captivité. Il ne s’agit donc pas d’un bon sujet d’étude, et cette détresse psychologique pourrait de toute façon fausser les résultats.
Les chiens, en revanche, ressemblent fort à des cobayes parfaits. Non seulement ils vivent déjà au contact des humains, mais en plus, de nombreuses races réclament activement d’être intellectuellement stimulées et traitent l’apprentissage comme un jeu. Cela pourrait permettre de joindre l’utile à l’agréable en imaginant de nouvelles expériences ludiques pour étudier l’abstraction chez les chiens, puis chez les mammifères en règle générale.
« C’est une étape importante vers une meilleure compréhension de la façon dont ces espèces forment ces concepts abstraits », expliquent les auteurs. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour comprendre tous les tenants et aboutissants de ce processus, mais plus la recherche avance, moins l’humain semble unique d’un point de vue cognitif.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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