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Les caves volcaniques d’Hawaii débordent de “matière noire” microbienne

Certaines bactéries sont connues pour prospérer dans des niches écologiques extrêmes, mais les chercheurs ne s’attendaient pas à y trouver une telle diversité.

Même si l’humain est capable de s’adapter à des conditions environnementales très différentes, nous sommes de bien petits joueurs par rapport à ce que l’on trouve dans la faune microscopique. Il existe tout un pan de la biologie qui se consacre à l’étude de ce qu’on appelle les extrêmophiles, des bactéries qui affectionnent les conditions – vous l’aurez deviné – extrêmes.

On les trouve dans certains des endroits les plus inhospitaliers au monde. On peut par exemple citer les geysers, ou le voisinage des cheminées hydrothermales; en plus d’émettre de grandes quantités de matériel très toxique pour la grande majorité des êtres vivants, comme du soufre, elles sont aussi une source de chaleur extrême que seule une poignée d’espèces peuvent tolérer.

La plupart de ces extrêmophiles sont encore relativement mal connus, puisque leurs habitats sont par définition plutôt difficiles à explorer. Une situation qui leur vaut le surnom de matière noire” bactérienne, pour reprendre l’expression utilisée par les chercheurs de plusieurs universités prestigieuses dans un papier paru hier.

Pour étudier cette “matière noire”, ils ont procédé à de nombreux prélèvements sur 70 sites de la Grande île d’Hawaii. Ils ont notamment exploré des grottes et des tubes volcaniques , mais aussi des fumerolles et autres structures qui présentaient une activité géothermique intense.

Un terrain de jeu idéal pour les bactéries extrêmophiles. Et comme les chercheurs s’y attendaient, ils ont mis la main sur de nombreux êtres vivants de cette catégorie. Mais lorsqu’ils ont procédé à l’analyse génétique de toutes ces populations bactériennes, ils ont mis en évidence certaines tendances inattendues et très intéressantes.

Lorsqu’ils présentent une activité géothermique, les tunnels de lave (ici, sous le cratère Haleakala à Hawaii) deviennent des petits paradis pour les bactéries les plus tenaces. © Mick Haupt – Unsplash

Une diversité impressionnante

Pour commencer, si les chercheurs s’attendaient effectivement à trouver une quantité assez importante d’extrêmophiles, ils prévoyaient aussi que leur diversité serait plutôt faible. Ils ont pourtant observé tout l’inverse, avec ce qu’ils décrivent comme des “niveaux étonnamment élevés de diversité bactérienne” – un vrai petit écosystème extrêmophile, assez éloigné du modèle qui prévalait jusque-là.

Plus les structures étudiées étaient anciennes, plus cette diversité était importante. Mais le plus intéressant, c’est que ces communautés bactériennes déjà étonnamment nombreuses ne se contentent pas d’exister chacune de son côté; les chercheurs expliquent que dans les environnements les plus inhospitaliers, elles développent des interactions d’une complexité stupéfiante.

En d’autres termes, cela suggère que ces bactéries extrêmophiles ne se sont pas contentées de coloniser ponctuellement ces niches écologiques particulières; malgré les conditions extrêmes, elles ont participé à l’émergence de véritables écosystèmes complexes, avec des organismes relativement interdépendants.

L’autre élément très intéressant, c’est que les chercheurs ont très rarement retrouvé les mêmes bactéries sur différents sites de prélèvement; seule une poignée d’espèces occupait plusieurs de ces niches. Cela suggère que ces communautés se sont développées chacune de leur côté, dans une relative indépendance. Et cela soulève tout un tas de questions complémentaires.

Des niches écologiques denses et très structurées

Les environnements extrêmes aident-ils à créer des communautés microbiennes plus interactives, avec des micro-organismes plus interdépendants ?”, suggère Rebecca Prescott, biologiste au Johnson Space Center de la NASA. “Et si c’est le cas, quelles propriétés de ces environnements extrêmes participent à créer cette interdépendance ?

Pour proposer un début de réponse à ces questions, les chercheurs ont pris le parti de s’intéresser plus particulièrement aux quelques espèces qui occupent plusieurs de ces niches. Ils se sont notamment penchés sur un groupe un peu particulier baptisé Chloroflexi.

Ce groupe était très loin d’être le plus important quantitativement parlant. En revanche, il était présent sur tous les sites de prélèvements. Selon les chercheurs, cela suggère qu’il pourrait jouer un rôle fondamental de plaque tournante dans ces communautés.

Ces travaux étaient relativement exploratoires, et permettaient surtout de documenter la diversité de ces populations. Mais maintenant qu’ils ont mis cette particularité en évidence, ils prévoient déjà de conduire une nouvelle étude. L’objectif : étudier les “rôles” de ces micro-organismes dans leurs communautés respectives. Mais cela va nécessiter une série de séquençages génétiques beaucoup plus poussés.

Des pistes pour les géosciences, la biologie et la recherche de vie extraterrestre

Les microbes ne grandissent pas de façon isolée”, explique Prescott. “Ils vivent, croissent, et interagissent avec de nombreux autres microorganismes dans une véritable mer de signaux chimiques produits par ces autres microbes. Cela peut modifier l’expression de leurs gènes, et ainsi affecter leurs rôles dans la communauté”, précise-t-il.

Et si tant de chercheurs s’y intéressent d’aussi près, ce n’est pas simplement pour le plaisir de la découverte. De nombreux spécialistes estiment que ces bactéries encore relativement mal connues pourraient jouer un rôle central dans certains phénomènes géologiques très importants, comme la transformation des roches volcaniques basaltiques.

La NASA mène aussi régulièrement des travaux sur cette question. Pour l’agence spatiale, ces extrêmophiles sont un véritable trésor; ils permettent de formuler des hypothèses sur les stratégies évolutives que des formes de vie auraient éventuellement pu adopter dans des environnements comme Mars ou Encelade, par exemple. De quoi faciliter le travail d’engins comme Perseverance, qui cherche en ce moment des biosignatures sur la Planète rouge.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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Source : Gizmodo

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