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Ces plantes ont poussé sans soleil grâce à une photosynthèse artificielle

Les chercheurs espèrent changer le visage de l’agriculture moderne en supprimant sa principale contrainte : la dépendance au soleil.

Parmi les étapes de l’évolution qui ont conduit à la vie telle qu’on la connaît aujourd’hui, l’apparition de la photosynthèse a été absolument déterminante. Depuis des millions d’années, c’est ce mécanisme basé sur la lumière du Soleil qui est directement responsable de la production d’oxygène dont tant d’êtres vivants ont besoin pour vivre, alors qu’il s’agit paradoxalement d’un déchet de cette réaction chimique.

Mais ce processus comporte aussi des contraintes évidentes. Pour commencer, les végétaux qui pratiquent la photosynthèse – à savoir une large majorité des espèces que nous cultivons – sont bien incapables de pousser lorsque le Soleil brille par son absence. De plus, le processus est généralement plutôt lent.

Or, pour l’être humain, il serait très intéressant que ces végétaux ne dépendent plus de notre étoile. Cela permettrait par exemple de les faire pousser des dans le noir complet, sans avoir recours à des ampoules spécialisées souvent très énergivores. Et les chercheurs de l’Université de Californie à Riverside viennent de faire un pas de géant dans cette direction.

Un pied de nez à la nature

En effet, ils ont dévoilé un système qui permet de « contourner le besoin de photosynthèse biologique et de créer de la nourriture indépendamment de l’éclairement en utilisant une photosynthèse artificielle », d’après le communiqué.

« Nous avons réussi à faire pousser des organismes alimentaires sans la moindre contribution de la photosynthèse biologique », précise Elizabeth Hann, doctorante en bio-ingénierie et co-autrice de l’étude.

Pour y parvenir, ils ont mis au point une nouvelle technique d’électrocatalyse, une procédure qui consiste à stimuler certaines réactions chimiques grâce à un courant électrique. Cela leur a permis de transformer du dioxyde de carbone et de l’eau en acétate. C’est un intermédiaire très important de la chaîne de photosynthèse que les plantes ne peuvent habituellement fabriquer que si elles ont accès à une source de lumière.

© Hann et al.

Il existe déjà des méthodes qui permettent de réaliser cette conversion. Mais ce qui rend la technique novatrice développée par les chercheurs si impressionnante, c’est qu’elle leur a permis d’atteindre “le plus haut niveau d’acétate jamais produit dans un électrolyseur” avec une consommation d’électricité pourtant très modeste.

Un rendement supérieur à la photosynthèse biologique

Si modeste, en fait, qu’elle peut être assurée par quelques panneaux photovoltaïques. Et c’est là que réside tout l’intérêt de cette approche. Car d’après les chercheurs, en termes énergétiques, elle serait même plus rentable que la photosynthèse biologique !

En effet, même si cette dernière est un processus extrêmement puissant qui a largement contribué à façonner la vie telle qu’on la connaît, elle souffre aussi d’un gros “problème” de rendement ; les plantes vertes ne peuvent exploiter qu’1 % environ de l’énergie solaire en énergie directement exploitable par les cellules de la plante.

Mais en combinant cette nouvelle technique avec des panneaux solaires, les chercheurs ont déterminé que pour certaines levures, cette technique pourrait “multiplier par 18 l’efficacité de la conversion de l’énergie solaire en biomasse”. En moyenne, le rendement serait environ 4x supérieur.

Les chercheurs estiment donc que ces travaux pourraient participer à “libérer l’agriculture de sa dépendance complète au soleil”, ce qui pourrait apporter des bénéfices immenses à l’avenir.

© Hann et al.

En finir avec la dépendance au Soleil

Pour commencer, cela permettrait de faire pousser des végétaux dans des zones très inhospitalières. On pense notamment à celles qui sont aujourd’hui menacées par le réchauffement climatique, qu’il s’agisse de la montée des eaux ou de la température.

On peut citer les canicules phénoménales qui ont frappé l’Inde et le Pakistan récemment, avec des cultures qui ont parfois brûlé sur place (voir notre article) ; un problème qui aurait pu être contourné si ces plantes avaient pu être cultivées à l’abri du soleil.

Les systèmes de ce genre pourraient aussi jouer un rôle fondamental dans l’exploration spatiale ; cultiver des végétaux rapidement et avec peu de moyens à bord de l’ISS, copmme Thomas Pesquet avec ses piments, serait évidemment très utile dans ce contexte où les ressources sont très limitées.

Et ce sera encore plus vrai avec l’arrivée des premières colonies interplanétaire. “Imaginez des vaisseaux géants qui feraient pousser des tomates dans l’obscurité sur Mars — ça serait beaucoup plus facile pour les futurs martiens”, suggère Martha Orozco-Cárdenas, co-autrice de l’étude.

Un changement de paradigme ?

Mais le point le plus intéressant avec cette technologie, c’est qu’elle pourrait servir au-delà de ces cas extrêmes. Les chercheurs estiment que ce concept pourrait bien être à la base d’une révolution globale de l’agro-industrie à cause de son rendement théoriquement supérieur à la photosynthèse naturelle.

Habituellement, ces organismes sont cultivés sur la base de sucres dérivés d’hydrocarbures — un produit d’une photosynthèse qui s’est déroulée il y a des millions d’années”, explique Elizabeth Hann. “Une approche basée sur la photosynthèse artificielle pourrait représenter un changement de paradigme dans notre façon de nourrir les gens en augmentant l’efficacité de la production”, embraye-t-elle.

Évidemment, en l’état actuel des choses, ces travaux demeurent très exploratoires. Ce n’est donc pas demain la veille que les agriculteurs près de chez vous vont ratiboiser leurs champs une dernière fois avant d’investir dans un gigantesque électrolyseur.

En revanche, il sera très intéressant de suivre l’évolution des travaux de ce type. Car même s’il ne faut pas s’attendre à une transition complète à moyen terme, ces technologies pourraient nous aider à répondre à des problématiques locales très concrètes dans un futur relativement proche.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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