L’usage excessif des antibiotiques est une menace importante qui pèse sur l’ensemble de la filière agricole. Mais pour éviter d’en gaver ses poulets, une ferme bio du nord de la Thaïlande semble avoir trouvé la parade; selon le Business Insider, cela fait plus d’un an qu’elle a remplacé ces substances par… la substance active du cannabis.
L’idée a de quoi surprendre. Elle s’inscrit dans une démarche à vocation écologique dont l’objectif est de réduire l’usage des antibiotiques, ces substances qui permettent de lutter contre la prolifération des bactéries pathogènes. On les trouve aujourd’hui dans la quasi-totalité des exploitations qui n’ont pas fait le choix militant de s’en passer.
Une fuite en avant perpétuelle
S’ils sont aussi largement utilisés, c’est qu’ils permettent au bétail d’arriver à maturité avant de mourir d’une infection bactérienne, ce qui augmente considérablement le rendement. Mais sous ses airs de baguette magique, la solution antibiotique est loin d’être idéale.
Avec les progrès de la bio-ingénierie et de la génétique, les chercheurs ont fini par identifier un problème bien connu aujourd’hui : la résistance aux antibiotiques. Ce n’est pas un hasard si les médecins évitent généralement d’avoir recours à ces médicaments lorsque c’est possible, et ce n’est pas parce qu’ils seraient dangereux ou inefficaces, bien au contraire.
Ils restent indispensables dans le traitement de nombreuses maladies graves, chez l’humain comme chez le bétail. Mais chaque utilisation d’un antibiotique a aussi pour effet d’accélérer la sélection naturelle. Les rares bactéries qui auront résisté seront les seules capables de se reproduire, et on prend donc le risque de se retrouver avec une population complètement invulnérable au traitement.
La seule solution est donc de changer d’antibiotique, ce qui a pour effet de relancer le cycle. Le problème, c’est que les bactéries développent ces résistances bien plus rapidement que l’industrie n’est capable de trouver de nouveaux antibiotiques. Il ne s’agit donc pas d’une option viable sur le long terme et à grande échelle, autant pour les humains que les animaux.
Du THC à la place des antibiotiques standard
De nombreux laboratoires et agriculteurs tentent donc de trouver des solutions tirées directement de la nature. Et c’est dans ce contexte que la ferme thaïlandaise dont il est question ici a commencé à ajouter du cannabis broyé dans l’eau de ses poulets.
Il s’agit de travaux très exploratoires qui cherchaient simplement à vérifier si le THC, l’un des principaux principes actifs, pouvait avoir un effet à ce niveau. Mais contre toute attente, il semble que cette cure ait fait son petit effet. Depuis janvier 2021, moins de 10% des poulets sont décédés d’une maladie bactérienne, soit un score comparable à celui des médicaments utilisés sur les exploitations traditionnelles.
Cette information à elle seule suffit à rendre l’expérience intéressante, car la découverte d’un antibiotique naturel de ce type pourrait donner plus de temps aux chercheurs qui développent des antibiotiques de synthèse. Et c’est important. Car pour les raisons citées plus haut, la marge de manœuvre dont l’humanité dispose à ce niveau est en train de fondre comme neige au soleil. Mais il faut tout de même rester prudent vis-à-vis des conclusions.
Une étude intéressante mais pleine de zones d’ombre
Première précision importante : même si cela semble évident, cela ne signifie en aucun cas que le cannabis peut se substituer aux antibiotiques prescrits par un professionnel de santé ! Cela ne doit pas non plus vous inciter à soumettre vos propres poulets au même régime, du moins pas avant que des travaux plus poussés n’aient été menés.
Et dans tous les cas, rappelons également que la culture et la consommation du cannabis restent formellement interdites sur le territoire français, contrairement à la Thaïlande qui a légalisé ces pratiques le mois dernier.
Il reste aussi un versant éthique. À l’heure actuelle, il est impossible de déterminer si les poulets ressentent également les effets psychotropes que recherchent activement les consommateurs de cannabis. “Les poulets présentent un comportement normal, mais je ne peux pas affirmer que le cannabis ne rend pas les poulets “high”, explique l’une des auteures de l’étude.
Pour finir, il faut aussi préciser que le texte de l’étude est encore engagé dans le processus de révision par les pairs. Il est donc impossible d’avoir accès aux données et au protocole expérimental pour l’instant. Autant dire que cette expérience est encore bancale et que ce n’est pas demain la veille que tous les gallinacés seront gavés à la ganja.
En revanche, il y a tout de même une certitude dans cette histoire : le THC est entièrement métabolisé avant la mort du poulet, ce qui signifie qu’il n’en reste aucune trace dans la viande. Il s’agit donc bien d’un traitement, et non pas d’une méthode dissimulée pour lancer le commerce du space-poulet à l’échelle industrielle.
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