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Cet exomuscle rend leur autonomie aux personnes à mobilité réduite

Vous connaissez probablement les exosquelettes, mais les exomuscles semblent encore plus intéressants d’un point de vue médical et orthopédique.

Même s’ils sont souvent très différents de ceux que l’on a l’habitude de voir dans la fiction, les exosquelettes sont déjà une réalité. Certains industriels ont fait le choix d’équiper certains ouvriers ou manutentionnaires avec ces armatures mécaniques externes; elles permettent, entre autres, de soulever de lourdes charges avec très peu d’effort, ce qui diminue largement la pénibilité du travail et les risques de blessure.

Mais ce qui est moins évident pour une partie du public, c’est qu’ils colonisent aussi progressivement le milieu médical. De nombreux laboratoires et autres institutions travaillent en effet à développer des exosquelettes révolutionnaires qui pourraient par exemple permettre à une personne paraplégique de remarcher.

Mais en l’état, ces projets demeurent balbutiants; nous sommes encore relativement loin d’en arriver à un stade où ces exosquelettes sont en passe de se démocratiser. Et pour cause : la plupart d’entre eux sont lourds et encombrants, et ne parviennent pas encore à s’aligner parfaitement avec les articulations des humains. Cela force le porteur à effectuer des mouvements peu naturels, ce qui peut se traduire par des blessures. Et surtout, cela se traduit souvent par une dépense d’énergie supplémentaire qui limite considérablement l’intérêt de cette technologie.

Un muscle artificiel qui se porte comme un vêtement

Ces dernières années, de nombreux chercheurs ont donc exploré des tas de nouvelles pistes pour concevoir des engins performants, mais significativement plus légers, et surtout capables de se conformer à l’anatomie du porteur. Et c’est précisément ce que les ingénieurs du prestigieux ETH de Zurich tentent de faire avec leur Myoshirt.

Ici, l’approche est très différente. Au lieu de se baser sur une armature rigide comme dans un exosquelette classique, les chercheurs ont développé un vêtement qui se comporte comme un jeu de muscles et de tendons. Ce vêtement est composé d’une sorte de gilet et d’un brassard. Tous deux sont parcourus par un câble dont la longueur est gérée par un petit moteur. Ils sont aussi bardés de capteurs comme des accéléromètres qui permettent d’analyser le mouvement du porteur en temps réel.

Lorsque les capteurs détectent le début d’un mouvement, ils analysent d’abord sa trajectoire pendant une fraction de seconde. A partir de ces quelques bribes d’information, le système est capable de deviner le mouvement souhaité par l’utilisateur. Il peut alors calculer précisément la force nécessaire pour le réaliser. A ce stade, c’est le moteur qui prend le relais. Il permet de tendre les câbles qui parcourent cet exomuscle, exactement comme un tendon, pour accompagner et faciliter le mouvement.

Une approche plus “organique” de l’exosquelette

L’avantage de ce système prédictif, c’est qu’il est possible de s’adapter précisément aux mouvements du porteur pour qu’il réagisse exactement comme prévu. L’utilisateur ne bénéficie donc pas d’une force exceptionnelle comme avec un exosquelette standard. En revanche, il reste entièrement maître de ses mouvements.

Les chercheurs ont testé leur prototype sur une douzaine de participants. Dix d’entre eux étaient en bonne santé. Les deux autres souffraient de maladies graves qui handicapent sévèrement leur mobilité. En l’occurrence, il s’agissait respectivement d’une myopathie (une maladie neuromusculaire qui fragilise les muscles jusqu’à la déchirure) et d’une blessure grave de la moelle épinière.

© ETH Zurich

Les chercheurs ont demandé à chaque sujet de lever le bras aussi longtemps que possible afin d’estimer le gain d’endurance apporté par le Myoshirt. Et les résultats préliminaires se sont révélés très encourageants, indépendamment de l’état de santé du patient.

Chez les sujets sains, les chercheurs ont constaté un gain d’endurance moyen de l’ordre de 30%. Le patient atteint de myopathie, quant à lui, a réussi à garder le bras levé deux fois plus longtemps. Et le résultat spectaculaire est probablement celui du dernier volontaire avec sa blessure de la moelle épinière; il a tout simplement triplé son score!

Un intérêt évident pour les personnes à mobilité réduite

Au bout du compte, le résultat est sans appel. Cet exomuscle a permis de limiter considérablement les contraintes musculaires. De quoi changer la vie de nombreux individus dont la mobilité a été réduite, en particulier dans les cas qui impliquent des problèmes neurologiques.

Prenons l’exemple d’une personne atteinte d’une maladie comme Parkinson, ou qui aurait développé des soucis moteurs suite à un événement comme un accident vasculaire cérébral. Dans ces cas, la subtile dynamique neurologique qui sert à réaliser des actions de routine, comme la marche, peut être complètement déréglée. En plus des problèmes évidents que cela génère au quotidien, ces situations sont aussi physiquement épuisantes pour les patients concernés. En effet, le corps humain a évolué de façon à économiser un maximum d’énergie lorsqu’il réalise des actions de routine comme la marche.

© ETH Zurich

Lorsque vous faites un pas, tous vos muscles ne sont pas mobilisés en permanence pour propulser le corps. La marche, c’est en substance une longue chute très contrôlée vers l’avant. Les muscles ne servent pas qu’à la propulsion; l’un de leurs rôles les plus importants est de garder l’équilibre pendant que la gravité et l’inertie font le reste. Mais lorsque le système nerveux est endommagé, cette dynamique très fine peut cesser de fonctionner. Les patients doivent donc compenser avec d’autres mouvements moins naturels. Et ces mouvements ont tendance à être extrêmement énergivores par rapport à la marche normale qui est très efficiente.

Dans ces cas de figure, les prothèses de ce genre pourraient corriger légèrement la posture. Mais surtout, elles permettraient de se mouvoir librement sans dépenser une énergie folle pour réaliser quelques gestes simples. Le Myoshirt en particulier se limite aux membres supérieurs, mais globalement, l’idée est applicable partout. Autant dire que cela pourrait être une vraie bénédiction en termes d’autonomie pour toutes les personnes qui souffrent de troubles de la mobilité.

La taille et le poids du moteur et de la batterie limitent encore l’intérêt concret de cette technologie… pour l’instant. © ETH Zurich

Il va encore falloir patienter avant d’en arriver là. En l’état, cette technologie n’est pas encore prête à être utilisée en conditions réelles. C’est en grande partie à cause du poids du moteur et de la batterie; à eux seuls, ils pèsent pour l’instant 4kg. Un chiffre encore bien trop élevé pour une application de ce type.

Mais lorsqu’on parcourt ces travaux et ceux d’autres institutions, comme le prestigieux Wyss Institute de Harvard, qui a développé un système comparable pour les jambes, il ne semble pas y avoir le moindre doute quant à la viabilité du concept. Il ne reste donc plus qu’à miniaturiser l’ensemble, puis à développer un vrai produit commercial.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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