Pour une partie de la population, la simple vue d’une seringue peut déclencher une véritable panique, même dans le cadre d’une vulgaire vaccination. Mais même pour ceux qui ne souffrent pas de bélénophobie, certaines aiguilles ont tendance à faire froid dans le dos. On pense par exemple aux terrifiants trocarts utilisés lors de certaines biopsies, ou à celles qui servent à réaliser des injections intravitréennes — c’est à dire droit dans l’œil.
En plus d’être peu rassurante, cette procédure n’est malheureusement pas sans risque. L’œil est une structure très délicate; lorsque plusieurs couches sont ainsi perforées, cela ouvre littéralement la porte à tout un tas de complications comme des infections ou même des tumeurs.
Mais ces injections demeurent indispensables pour traiter certaines pathologies, notamment la fameuse dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Le plus souvent, il faut même s’y reprendre à plusieurs fois, ce qui multiplie encore le risque. Les chercheurs tentent donc de développer des techniques qui pourraient permettre de réaliser ces injections intravitréennes avec un minimum de complications, et en limitant au maximum le désagrément pour le patient.
Une aiguille ultra-fine et persistante
Et c’est ce que vient de proposer une équipe de chercheurs majoritairement sud-coréens dans des travaux repérés par ScienceAlert avec une microaiguille d’un nouveau genre. Pour commencer, elle est exceptionnellement fine par rapport à une aiguille standard. Cela permet de limiter au maximum les dégâts des tissus incroyablement délicats qui composent l’œil.
L’autre différence majeure, c’est qu’elle n’est pas conçue pour être retirée ! En effet, contrairement à une aiguille standard, celle-ci est prévue pour rester logée dans l’œil. Elle y délivre alors progressivement la substance sur une durée prolongée. L’extrémité non pointue est recouverte d’un hydrogel qui enfle pour sceller l’orifice.
Cette approche présente plusieurs avantages. Dans un premier temps, cela permet d’éviter de laisser un trou béant sur le site de l’injection, ce qui permet de diminuer significativement le risque d’infection. De plus, cette aiguille persistante permet aussi d’éviter au patient de subir plusieurs injections consécutives. C’est un bonus non négligeable en termes de confort, en plus de diminuer massivement le risque d’infection.
De plus, puisque ces aiguilles sont extrêmement fines et qu’elles ne nécessitent pas d’appuyer dessus pour procéder à l’injection, elles sont aussi nettement plus précises que ces aiguilles standard.
Un corps biodégradable et un capuchon en hydrogel
Et une fois arrivé au terme du traitement, le patient n’aura tout simplement plus besoin de se soucier de cette aiguille; pas besoin de retourner chez le praticien pour se faire extraire cette écharde thérapeutique de l’œil. À la place, elle va disparaître spontanément puisqu’elle peut être intégralement dégradée par le système immunitaire.
Sur le papier, cette technologie présente donc de nombreux avantages par rapport aux injections intravitréennes actuelles. Les chercheurs ont donc voulu les tester en conditions réelles, d’abord sur des yeux de porcs prélevés, puis directement sur des animaux vivants.
Et lors de ces tests, l’aiguille est restée bien sagement en place pendant une semaine entière. Le sceau d’hydrogel s’était alors consolidé, et l’équipe n’a pas trouvé la moindre trace d’inflammation, de fuite ou d’infection. De plus, la substance de test injectée semble s’être comportée exactement comme prévu. “Ces données indiquent que la substance présente au bout de l’aiguille s’est correctement dispersée dans le corps vitreux et la rétine”, expliquent les chercheurs.
C’est donc une approche très intéressante qui présente de très nombreux avantages sur le papier. Et il ne s’agit pas que des injections intravitréennes. Car lorsqu’on parcourt la liste des caractéristiques, on remarque que cette approche pourrait être utile dans d’autres contextes cliniques. De nombreuses maladies qui nécessitent des injections récurrentes pourraient éventuellement être traitées grâce à un système de ce genre.
Mais en l’état actuel des choses, il va encore falloir patienter. Pour commencer, il faudra déjà aller au-delà des tests porcins et vérifier que cette approche fonctionne aussi bien chez l’humain. Et si cette éventualité se vérifie, il faudra encore mener un long essai clinique pour confirmer son intérêt thérapeutique. Enfin, il faudra nuancer ces conclusions en dressant une liste d’effets secondaires et de contre-indications. Autant dire que ce n’est pas demain que votre ophtalmologiste vous proposera une procédure de ce type, mais il y a de quoi être enthousiaste.
Le texte de l’étude est disponible ici.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.