Au terme d’un essai à petite échelle, une équipe de médecins du Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSKCC), aux États-Unis, a publié des résultats assez exceptionnels ; grâce à un nouveau traitement, ils ont réussi à déclencher une rémission apparemment complète chez… 100% de leurs patients. Un chiffre qui laisse songeur quant au potentiel clinique de cette approche, même s’il faut rester conscient des limites de l’étude.
Cet essai a été mené sur 14 patients qui souffraient tous d’un cancer rectal. Pour la première fois, les chercheurs ont décidé de tester le dostarlimab. C’est une substance qui, très vulgairement, permet de démasquer les cellules tumorales pour permettre au système immunitaire de les identifier précisément et de les détruire; ce traitement rentre donc dans la catégorie de l’immunothérapie.
Habituellement, ce traitement est utilisé pour traiter des cancers du corps utérin. Son utilisation dans le cadre du cancer rectal était donc assez exploratoire, et ne présentait pas la moindre garantie de résultat. Mais la suite des événements a prouvé qu’il s’agissait d’une excellente intuition.
D’après le New York Times, les trois quarts de ces patients auraient souffert d’effets secondaires assez perceptibles. Ils ont notamment décrit des nausées et une grande fatigue, des éléments qui sont régulièrement associés à la plupart des traitements contre le cancer. Rien d’étonnant jusque là.
100% de rémission après plusieurs mois de suivi
Une fois le traitement terminé, les patients auraient dû subir un dernier traitement par chirurgie ou radiothérapie pour les débarrasser des restes de la tumeur. Mais une surprise de taille attendait les chercheurs : ils ont donc été extrêmement surpris de constater que les tumeurs s’étaient entièrement résorbées ! Que ce soit à l’IRM, au PET scan, ou encore via une endoscopie ou une biopsie, la conclusion était la même : aucun des sujets ne présentait la moindre trace de tissu cancéreux après une période de suivi d’un à deux ans.
L’autre point intéressant, c’est que les 14 patients qui ont suivi le protocole présentaient tous des mutations particulières de la tumeur. Ces mutations baptisées MMRd ne surviennent que dans 5 à 10% des cancers rectaux, et elles sont connues pour rendre les tumeurs particulièrement résistantes aux traitements habituels. Le dostarlimab, en revanche, a l’air de n’en avoir fait qu’une bouchée.
De mémoire de clinicien, ce succès spectaculaire est tout simplement un cas unique. C’est en tout cas ce qu’affirme le Dr Luis A. Diaz Jr. l’un des auteurs de l’étude cité par le New York Times. “Je crois que c’est la première fois que c’est arrivé dans l’histoire du cancer”, souffle-t-il.
Autant dire que cela représente un vrai espoir pour les patients atteints de ces cancers, dont le traitement pèse particulièrement lourd au quotidien à cause de l’emplacement particulier de la tumeur. “Si l’immunothérapie peut permettre de traiter le cancer rectal, les patients éligibles n’auront plus besoin d’accepter des compromis fonctionnels pour être soignés“, explique Andrea Cercek, auteure principale de l’étude.
Une étude à la portée limitée… pour l’instant
Les chercheurs ont aussi commencé à explorer l’usage du dostarlimab dans le cas d’autres cancers à MMRD, notamment au niveau de l’estomac, de la prostate et du pancréas. C’est donc très encourageant pour la prise en charge globale de ces cancers. Peut-on donc commencer à crier victoire ? Les tumeurs rectales, et par extension tous les autres cancers sont-ils en passe d’être éradiqués ? Malheureusement, c’est encore loin d’être le cas. Car même si cette étude est incontestablement prometteuse, elle comporte aussi plusieurs limites importantes.
Pour commencer, il y a le périmètre de l’étude. Cela ne vous aura pas échappé : cet essai ne concerne pour l’instant que 14 patients – un chiffre largement insuffisant lorsqu’il s’agit de tirer des conclusions claires en santé publique. Ces résultats exceptionnels pourraient tout à fait être un coup de chance. Pour déterminer si ce protocole est compatible avec tous les cancers rectaux, il faudra impérativement tester la molécule sur un éventail de patients beaucoup plus large dans le cadre d’un essai clinique à grande échelle.
De plus, la disparition de la tumeur ne dispense en aucun cas d’un contrôle sur le long terme. Pour l’instant, les chercheurs n’ont suivi leurs patients que pendant deux ans; il sera tout aussi important de vérifier le maintien du statu quo sur le long terme pour éviter que le cancer ne revienne à la charge.
Il faut donc rester prudent en attendant les résultats des travaux complémentaires; mais quoi qu’il en soit, ces travaux font indiscutablement partie de ceux qui améliorent petit à petit la prise en charge de ce véritable fléau de santé publique. Et ça, on ne peut que l’applaudir des deux mains.
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