D’après The Verge, le Royaume-Uni vient de devenir le quatrième pays à exiger de Clearview AI, l’entreprise controversée spécialisée dans la reconnaissance faciale, qu’elle supprime toutes ses données en lien avec des ressortissants britanniques. Downing Street emboîte ainsi le pas aux gouvernements français, italiens et australiens qui ont déjà pris des mesures similaires.
Pour rappel, Clearview affirme avoir en sa possession plus de 20 milliards d’images glanées aux quatre coins du web. La firme a notamment pioché sans réserve dans des plateformes publiques comme Facebook ou Instagram pour alimenter sa base de données, sans aucun accord explicite de la part des intéressés.
L’objectif : les revendre par l’intermédiaire d’un système biométrique permettant de procéder à une reconnaissance faciale à très grande échelle. Une pratique qui a beaucoup fait réagir, autant du côté des organisations de défense de la vie privée que des législateurs. En janvier 2020, le New York Times a réalisé un portrait aussi glaçant qu’éloquent de la firme. Son titre : “L’entreprise qui pourrait achever la confidentialité telle qu’on la connaît”, rien que ça. Un choix de mots osé qui en dit long sur le malaise éthique qu’elle génère, et qui lui a déjà valu plusieurs procès.
En effet, nombre d’entre eux estimaient que l’entreprise n’avait pas de raison légitime de procéder à une telle moisson sans la moindre démarche de transparence. Les États-Unis ont été parmi les premiers à monter au créneau par l’intermédiaire de l’Union des Libertés Civiles Américaines. L’institution a fini par obtenir de Clearview AI qu’elle cesse de vendre ses données aux entreprises américaines… à l’exception des instances fédérales, sous prétexte de sécurité nationale. Décidément, on ne perd pas le Nord du côté du FBI et de la NSA.
L’Europe monte au créneau contre cette collecte sauvage
Les Britanniques ont également fait partie des clients de la firme pendant un temps. D’après The Verge, plusieurs institutions comme la police, la National Crime Agency ou encore le Ministère de la Défense ont utilisé sa base de données. D’après le Bureau du Commissaire à l’Information, cette collaboration aurait aujourd’hui cessé; mais toutes les données récoltées sur les résidents d’Outre-Manche seraient encore accessibles aux clients d’autres pays.
Une situation intolérable pour les autorités. “Cette entreprise ne se contente pas de permettre l’identification des gens”, explique John Edwards, Commissaire à l’Information pour le compte du gouvernement. “Elle surveille leur comportement et offre le résultat sous la forme d’un service commercial. C’est inacceptable”, martèle-t-il.
Le pays a donc décidé d’imposer une amende à la firme et lui a demandé de purger entièrement sa base de données de tout élément en lien avec les sujets de la reine Elizabeth. Comble de l’ironie : selon Wired, même Facebook aurait demandé à Clearview de cesser de piller son site…
La France avait déjà pris une résolution similaire en décembre 2021. La CNIL avait alors formellement demandé à Clearview AI de cesser son activité dans l’Hexagone. “Les gens dont les photos ou vidéos sont accessibles sur de nombreux sites et réseaux ne peuvent pas raisonnablement s’attendre à ce que les images traitées par l’entreprise soient utilisées pour alimenter des systèmes de reconnaissance faciale”, estimait l’institution.
Un coup d’épée dans l’eau ?
Reste encore à savoir quelle sera la portée de cette nouvelle requête. Car en tant que tel, Clearview AI reste une entreprise exclusivement américaine. Elle n’a pas établi la moindre base en Europe. L’état-major de l’entreprise se défend donc en affirmant que techniquement, elle n’est en aucun cas soumise à la législation des pays en question.
En l’état, il est donc peu probable que Clearview AI cède aux injonctions des gouvernements européens. Ces données représentent une manne financière considérable, et les autorités ne semblent pas avoir le moindre levier ou moyen de pression. Surtout dans la mesure où Cleaview AI continue à travailler avec les instances fédérales américaines… qui sont certainement ravies d’avoir accès à une base de données sur le public européen.
Il y a donc de fortes chances qu’il s’agisse d’un nouveau coup d’épée dans l’eau; pour l’instant, rien n’empêche Clearview AI de faire la sourde oreille. Une situation qui relance une nouvelle fois le fameux débat éthique autour de ces bases de données, avec des tas de questions sur les libertés individuelles et la souveraineté numérique en filigrane.
Il sera donc intéressant de suivre l’affaire. Les différents législateurs trouveront-ils une surface d’attaque pour forcer Clearview AI à se conformer à la réglementation européenne ? Qu’ils y parviennent ou non, il semble en tout cas de plus en plus urgent de mettre en place un cadre légal clair, uniforme et global pour anticiper certains des scénarios terrifiants qui semblent se préciser à chaque jour qui passe.
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