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Après les photos, les chercheurs veulent prendre une vidéo d’un trou noir

Les opérateurs de l’Event Horizon Telescope, qui a récemment produit la toute première image du trou noir supermassif de la Voie lactée, pourront bientôt s’attaquer à ce projet qui restait hors de portée jusqu’à présent.

Le 12 mai dernier, les astronomes de l’European Southern Observatory ont frappé un énorme coup en présentant la toute première image du trou noir supermassif Sagittarius A*, le monstre cosmique qui structure notre Voie lactée (voir notre article). Des travaux tout bonnement révolutionnaires et salués à l’unanimité par la communauté scientifique et le reste du public. Et il ne s’agit pourtant que d’un début; désormais, ils envisagent de passer à l’étape suivante, à savoir la vidéo.

Cette image représente l’aboutissement d’un travail colossal qui a demandé des années d’efforts à des centaines de chercheurs. Pour la produire, ils se sont appuyés sur l’Event Horizon Telescope (EHT); il s’agit d’un vaste réseau de huit télescopes de pointe répartis aux quatre coins de la planète. Ils collaborent pour garder un œil en permanence sur la cible au fil de la rotation de la Terre.

Le problème, c’est que même avec tout cet attirail à disposition, tirer le portrait à Sgr A* n’a pas été de tout repos. Car évidemment, les trous noirs sont très peu photogéniques; par définition, il est même physiquement impossible de les observer en tant que tels, puisqu’ils avalent tout ce qui passe à leur portée – y compris la lumière.

Des observations par définition très compliquées

Les astronomes doivent donc se contenter d’observer le halo, cet amas de gaz surchauffé qui tourbillonne autour de la singularité en émettant un rayonnement radio très intense; il correspond au halo orangé sur les images. Mais aussi brillant soit-il, ce véritable phare cosmique n’est pas aussi facile à photographier qu’on pourrait le penser intuitivement.

Cela commence par l’immense nuage de poussière et de gaz qui nous sépare du trou noir et complique grandement les observations. Mais il y a un autre élément à prendre en compte, à savoir sa masse.

En effet, Sagittarius A* est beaucoup plus maigrichon que M87, le tout premier trou noir à avoir été capturé directement en 2019. Cela a une conséquence très importante pour les observateurs. En effet, plus le trou noir est massif et volumineux, plus le matériel avoisinant est relativement stable; les chercheurs disposent de plusieurs jours pour réaliser des clichés.

À l’inverse, chez les petits trous noirs comme Sgr A*, le halo change beaucoup plus rapidement; une situation qui est beaucoup plus contraignante pour les astronomes. “C’était comme essayer de prendre une photo nette d’un enfant en train de courir en pleine nuit”, illustrait Jose L. Gòmez, l’un des chercheurs qui ont participé à la conférence de presse.

Pour tenter de répondre à cette contrainte, les astronomes disposent d’une solution certes complexe en termes logistique, mais qui a le mérite d’être assez évidente : il suffit d’intégrer davantage de télescopes au réseau de l’EHT. Et c’est ce qu’ils vont bientôt faire en doublant le nombre d’appareils avec huit télescopes supplémentaires.

© ESO / EHT

L’EHT va être amélioré, et pourra peut-être produire une vidéo

Cet arsenal permettra aux chercheurs d’augmenter significativement la fréquence des observations, et par conséquent la qualité de l’image finale. “Notre prochaine étape sera de produire des images polarisées de Sagittarius A*, afin de pouvoir distinguer les champs magnétiques aux aborde du trou noir“, expliquait l’astrophysicien Michael Johnson lors de la conférence. Mais surtout, cela ouvrira la porte à un vieux projet : réaliser une véritable vidéo du trou noir.

Cela fait déjà de longues années que les chercheurs espèrent y parvenir. Mais comme on pouvait s’y attendre en voyant les efforts déployés pour produire une seule image, la vidéo représente encore un niveau de difficulté nettement supérieur. Les troupes de l’EHT essayent d’ailleurs d’y parvenir depuis 2017, mais sans succès; jusqu’à présent, ils n’ont réussi à obtenir qu’une soupe de pixels à la résolution largement insuffisante.

Cette nouvelle configuration de l’EHT permettra vraisemblablement d’y parvenir, ou au moins de s’en approcher davantage. Il s’agirait alors d’une révolution encore plus phénoménale que les images déjà marquantes de M87 et Sgr A*. Et il ne s’agit pas seulement d’impact médiatique.

© NASA / Chandra X-Ray Observatory

Une clé de compréhension du monde qui nous entoure

En effet, le fait de pouvoir visualiser la dynamique aux alentours d’un trou noir sous un nouvel angle serait assurément une excellente nouvelle pour les chercheurs. Cela leur permettrait d’améliorer leurs connaissances sur la façon dont ils interagissent avec leur environnement; une question aujourd’hui encore floue, mais pourtant centrale de l’astrophysique.

Car si les trous noirs sont aussi intéressants, c’est en grande partie à cause de leur rôle dans l’univers. En effet, ils sont le théâtre de flux énergétiques titanesques dont la dynamique reste encore bien mystérieuse. De plus, leur masse gigantesque en fait aussi des puits de gravité colossaux; ils représentent donc des points d’ancrage autour desquels l’univers tel qu’on le connaît est structuré.

Ils représentent donc le point de départ d’une longue chaîne de raisonnement. À chaque fois que nos connaissances sur la dynamique des trous noirs progressent, cela a des conséquences très directes sur les modèles qui décrivent la formation et la dynamique des galaxies. Cela permet alors de mieux cerner le lien avec l’architecture des différents systèmes stellaires, puis des planètes, et ainsi de suite… jusqu’à l’apparition et au développement de la vie.

Vu le temps qui a été nécessaire pour produire les premières images, il ne faut pas s’attendre à voir la première vidéo d’un trou noir avant un certain temps. Cela prendra vraisemblablement plusieurs années. Mais ce projet est désormais en bonne voie, avec tout ce que cela implique pour le futur de l’astrophysique.

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1 commentaire
  1. Les vidéos de trous noirs existent déjà et depuis longtemps mais il faudra que la législation interdise leur vue par les mineurs ! 😉

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