Dans le cadre d’un gigantesque effort collaboratif repéré par ScienceAlert, un groupe de chercheurs a compilé un recueil particulièrement impressionnant qui documente un nombre invraisemblable de types de cellules humaines. Avec plus d’un million de types cellulaires cartographiés dans 33 organes, il s‘agit du catalogue de cellules humaines le plus complet à ce jour.
Ces efforts de cartographie sont menés en parallèle par des tas d’équipes de chercheurs qui travaillent dans des disciplines très différentes. Certains s’attardent sur la diversité des protéines, ou ne jurent que par le génome; ceux qui ont produit cet atlas s’intéressent plus particulièrement à l’unité fondamentale du vivant, à savoir la cellule.
Il s’agit d’un terme générique qui peut désigner des tas d’objets extrêmement différents, autant sur le plan morphologique que fonctionnel. Tous les tissus de notre corps sont constitués de plusieurs populations de cellules bien précises; chacun de ces types dispose de sa propre machinerie interne qui définit directement son rôle dans le tissu.
“Le Google Maps du corps humain“
Les globules rouges, par exemple, sont spécialisés dans le transport d’oxygène d’un bout à l’autre du corps. Les neurones, de leur côté, sont adaptés au transport d’un signal électrique. Et ainsi de suite; au-delà de ces exemples bien connus, il existe des dizaines de milliers de types distincts de cellules, et chacun joue un rôle qui lui est propre.
Documenter tous ces types cellulaires représente un enjeu majeur de la physiologie, et par extension de la médecine clinique; il s’agit de mieux appréhender la diversité du vivant pour mieux comprendre sa dynamique à l’échelle globale. Et pour comprendre l’architecture de ce système et la façon dont les différentes cellules interagissent, il faut déjà commencer par savoir où elles “habitent” dans l’organisme.
Et c’est précisément ce qu’une cohorte de plus de 2300 chercheurs a tenté de faire avec ces travaux qui ont duré plusieurs années. “On peut le voir comme le Google Maps du corps humain”, résume Sarah Teichmann, généticienne à l’institut Wellcome Sanger et rapporteuse de ces travaux. “C’est vraiment comme une carte des cellules individuelles qui montre où le positionnement de chaque type cellulaire dans les tissus visés.”
Il s’agit d’une entreprise particulièrement ambitieuse. Même si les chercheurs différencient déjà les types cellulaires depuis des décennies, il est tout simplement inenvisageable de tous les identifier manuellement au microscope. Pour dresser ce catalogue, les chercheurs ont donc misé sur une technologie qui révolutionne déjà les fondements des biotechnologies : le machine learning.
Des millions d’aiguilles, mais une immense botte de foin
Jusqu’à présent, les études à l’échelle de la cellule individuelle se concentrent sur l’analyse génétique d’un type de tissu à la fois pour dresser une carte des types cellulaires qu’on y trouve. Une approche non seulement lente, mais aussi compliquée à exploiter, car cela qu’il faut encore s’assurer de la cohérence globale de chaque élément par la suite.
Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs ont développé plusieurs nouveaux outils analytiques qui leur ont permis de procéder à des analyses à l’échelle systémique. Ils ont ainsi pu vérifier précisément quelles cellules expriment les gènes, et dans quelles conditions.
Rappelons que techniquement, chaque cellule de l’organisme contient une copie (quasiment) conforme de notre génome. En revanche, elle n’en utilise pas la totalité. Pour chaque type de cellule, seule une partie sera transcrite en protéines qui participent à l’activité biologique : on parle de transcriptome.
“Les gens pensent souvent que le génome est le plan de construction de l’organisme, mais ce n’est pas vraiment correct”, nuance Steve Quake, bioingénieur à Stanford. “Le génome, c’est plus une liste de pièces détachées, et chaque cellule utilise un ensemble différent de pièces”, ajoute-t-il.
Pour distinguer tous ces types de cellules, les chercheurs ont donc choisi de s’intéresser à leurs transcriptomes; une approche permise par l’avancée rapide des technologies associées sur les dernières années. Des systèmes de traitement de données basés sur le machine learning les ont ensuite aidés à faire le tri pour produire leur atlas.
Une base de données fondamentale pour la médecine de demain
Il a d’ailleurs déjà permis des avancées conséquentes en biologie. Lors de ces travaux, les chercheurs ont évidemment identifié de nouveaux types cellulaires jusque-là jamais documentés. Mais ils ont aussi mis la main sur de nouveaux motifs de communication cellulaire, et même identifié des particularités qui pourraient jouer un rôle central dans l’évolution de certaines maladies.
Il y a donc de quoi être enthousiaste pour la suite des opérations. Car cette première version de l’Human Cell Atlas n’est qu’un début. À terme, l’objectif est bien sûr d’arriver à un catalogue complètement exhaustif des cellules humaines. Un objectif qui relève encore de l’utopie aujourd’hui, mais qui se rapproche de jour en jour.
“L’Human Cell Atlas est déterminé à inclure toutes les variations des cellules humaines, et n’a pas vocation à se contenter d’une vision étroite”, explique Sarah Teichmann. Et c’est une bonne nouvelle. Car à chaque fois que ce catalogue sera étoffé, c’est la recherche en biologie fondamentale qui avancera d’un pas.
Et par extension, cela permettra également de faire des progrès cliniques considérables dans l’ensemble des disciplines liées aux sciences du vivant. Une perspective qui fait déjà saliver les anatomopathologistes, les physiologues, les généticiens, mais aussi tous les autres professionnels qui travaillent de près ou de loin sur les cellules humaines.
Les études qui ont permis de construire cet atlas sont disponibles ici, ici, ici, et ici.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.